[Fiction du mois] Love Wedding Repeat

La fiction du mois d’avril (… oui bon, bah on dira qu’on est le 49 avril et voilĂ ) est un film Netflix : Love Wedding Repeat. Elle est Ă©crite et rĂ©alisĂ©e par Dean Craig, aussi auteur du dĂ©jantĂ© et trĂšs britannique Joyeuses funĂ©railles.

Dans cette comĂ©die romantique italo-britannique, un mariage se rĂ©pĂšte en fonction des diffĂ©rentes configurations possibles d’un plan de table

Plan de table, c’est justement le nom du film français (2012) qui a inspirĂ© ce remake, Ă©crit par Francis Nief et rĂ©alisĂ© par Christelle Raynal. L’histoire est tout Ă  fait similaire : Ă  un mariage, plusieurs scĂ©narios (souvent dĂ©sastreux) se dĂ©roulent selon un plan de table chamboulĂ©… lequel sera le meilleur ?

Ces 2 films ne sont pas « inoubliables Â» mais prĂ©sentent la particularitĂ© d’ĂȘtre des comĂ©dies romantiques inscrites dans un « voyage dans le temps itĂ©ratif Â» ou une « boucle temporelle Â». Et Ă  vrai dire, c’est ça qui m’intĂ©resse et m’a donnĂ© envie d’écrire ce billet, parce que j’aime bien les voyages dans le temps ^^ (j’avais Ă©crit cette nouvelle « Paradoxe mortel Â» en 2017, cette nouvelle « A contre-temps Â» en 2013, et celle-ci « Le poids des finances Â» de 2008 avec un cĂŽtĂ© « boucle temporelle Â»). (OĂč je dĂ©couvre que tous les liens vers les nouvelles sont morts sur la page dĂ©diĂ©e – sigh ><).

La boucle temporelle, c’est un genre de niche, ou plutĂŽt de terrier de marmotte… dont la rĂ©fĂ©rence absolue est l’indĂ©modable Un jour sans fin (Groundhog Day), Ă©crit par Danny Rubin et rĂ©alisĂ© par Harold Ramis (S.O.S. FantĂŽmes, Mafia Blues…). Dans ce classique des annĂ©es 90, Phil Connors (Bill Murray) est un prĂ©sentateur mĂ©tĂ©o aigri, venu faire un reportage « marronnier Â» sur la marmotte de Punxsutawney, et condamnĂ© Ă  rĂ©pĂ©ter en boucle la mĂȘme journĂ©e. Le fait que Phil se souvienne des Ă©vĂšnements passĂ©s donne lieu Ă  des scĂšnes hilarantes. Il passe par plusieurs Ă©motions, un peu comme dans le modĂšle de KĂŒbler-Ross souvent associĂ© au deuil (mĂȘme si ce modĂšle n’est pas du tout consensuel…) : dĂ©ni, colĂšre, nĂ©gociation, dĂ©pression, acceptation…

Ces 3 films (Love Wedding Repeat, Plan de table, et Un jour sans fin) sont donc des comĂ©dies romantiques teintĂ©es de science-fiction par la boucle temporelle…

Si dans ces films la boucle temporelle n’est pas particuliĂšrement dĂ©taillĂ©e, d’autres films ont tentĂ© d’apporter une explication Ă  peu prĂšs logique, et se rapprochent donc davantage de films de science-fiction Ă  mon sens : Edge of Tomorrow (Ă©crit notamment par Christopher McQuarrie d’aprĂšs une nouvelle d’Hiroshi Sakurazaka) et Source Code (Ă©crit par Ben Ripley)… Il est assez amusant de noter que dans ces 2 films, il y a Ă©galement une place pour l’amoûûûûr (comme s’il Ă©tait impossible de vivre une boucle temporelle sans tomber amoureux).

Dans le premier, Edge of Tomorrow, William Cage (Tom Cruise) revit la mĂȘme journĂ©e de guerre contre des extra-terrestres. Dans le deuxiĂšme (que j’avais complĂštement oubliĂ© et que j’ai revu par un hasard complet Ă  la tĂ©lĂ© ce soir, alors que je devais Ă©crire ce billet qui me trotte dans la tĂȘte depuis un mois…), Source Code, Colter Stevens (Jake Gyllenhall) revit les 8 derniĂšres minutes d’un passager prĂ©cĂ©dant un accident…

Il existe d’autres films d’itĂ©ration / boucle temporelle que je n’ai pas vus, et je n’ai pas la prĂ©tention ici d’ĂȘtre exhaustif bien sĂ»r !

Enfin, le genre a Ă©tĂ© rĂ©cemment dĂ©clinĂ© en roman policier avec l’excellent et recommandable Les 7 morts d’Evelyn Hardcastle. (Je lis trop peu et ce roman est l’un des derniers en date).

L’auteur m’a rĂ©pondu qu’une sĂ©rie TV Ă©tait prĂ©vue !

Je ne dĂ©taille pas plus ces fictions, parce que je ne souhaite pas spoiler…

Mais ces billets de « fictions du mois Â» ont aussi pour but de stimuler l’écriture et donner des idĂ©es, des pistes de rĂ©flexion (pour moi et les 2 personnes qui vont me lire). Donc creusons un peu – trĂšs simplement et sans prĂ©tention – les mĂ©canismes de ces boucles temporelles…

1 – Le hĂ©ros est dans son monde ordinaire

2 – Un dĂ©fi se prĂ©sente Ă  lui

3 – Il Ă©choue Ă  relever ce dĂ©fi…

4 – … mais un Ă©vĂšnement…

5 – … le bloque dans une boucle temporelle (qui se rĂ©pĂšte aprĂšs une pĂ©riode de temps et/ou aprĂšs la mort)

6 – Il ne comprend pas ce qu’il se passe lors de la premiĂšre itĂ©ration.

7 – Il gĂąche la 2Ăšme pour essayer de comprendre.

8 – Un alliĂ© extĂ©rieur aide le hĂ©ros Ă  comprendre les enjeux et comment il pourrait sortir de la boucle.

9 – La mission semble impossible : le hĂ©ros « gĂąche Â» alors plusieurs itĂ©rations avec des quĂȘtes annexes (qui pourraient toutefois lui servir…). (Un procĂ©dĂ© stylistique classique est alors de montrer en accĂ©lĂ©rĂ© quelques images clĂ©s, pour montrer en peu de secondes l’équivalent d’une nouvelle journĂ©e et donner cette impression de rĂ©pĂ©tition…)

10 – Finalement, alors qu’il Ă©tait prĂȘt Ă  abandonner, le hĂ©ros avance dans son objectif (parfois remis dans le droit chemin par un Ă©vĂšnement anecdotique, une rencontre, ou quelque chose de puissant comme l’amoûûûûr).

11 – AprĂšs des fausses pistes, il se retrouve confrontĂ© Ă  « sa derniĂšre chance Â», « sa derniĂšre itĂ©ration Â» oĂč il doit rĂ©ussir ce qu’il n’a jamais fait : le parcours parfait. Il affronte alors sa propre mort, qui avait Ă©tĂ© mise en suspens…

12 – Sortie de la boucle temporelle, et nouvelle vie « amĂ©liorĂ©e Â»…

On pourrait s’amuser Ă  rapprocher ce parcours (accidentellement en 12 points ici) de celui du monomythe (The Hero’s Journey, de Joseph Campbell – lĂ  encore, comme pour le modĂšle de KlĂŒber-Ross citĂ© plus haut, ça n’est pas un modĂšle qui fait l’unanimitĂ© et qu’il faut prendre pour argent comptant… ;-))

Ce qui est passionnant avec les boucles temporelles, c’est qu’il y a de nombreux paramùtres à changer :

  • OĂč commence l’histoire ? J’ai proposĂ© ici « vie normale Â», mais on peut commencer in medias res, par exemple au point 5 (c’est le cas de certaines fictions sus-citĂ©es), voire pourquoi pas au point 12 (ça serait sĂ»rement pĂ©nible, mais il y a sans doute des histoires originales Ă  raconter ainsi…)
  • Quel est l’évĂšnement qui entraĂźne la boucle temporelle ? De trĂšs loin, la meilleure construction est celle du roman de Stuart Turton, alors que « Plan de table Â» ou Love Wedding Repeat ne cherchent pas Ă  expliquer. Les deux options se tiennent, reste Ă  savoir la place qu’aura la « boucle temporelle Â» dans la fiction : simple Ă©lĂ©ment de dĂ©cor ou sujet principal.
  • Quel est le prix Ă  payer pour ce pouvoir ? Finalement, vivre indĂ©finiment le mĂȘme jour, c’est une occasion unique d’avancer enfin sa to-do list et rattraper son retard en sĂ©ries et en bouquins Ă  lire… le tout sans deadline qui nous attendent ! Une « course contre la montre Â», un « nombre d’itĂ©rations limitĂ©es Â», « l’ennui Â» sont des « coĂ»ts Â» potentiels, mais d’autres sont possibles (chaque itĂ©ration piĂšge/blesse/tue quelqu’un, chaque itĂ©ration coĂ»te un an de vie, etc.)
  • Comment entraĂźner la rĂ©pĂ©tition ? Passer un certain dĂ©lai (8 minutes, 24 heures…) est-il suffisant ? Peut-on mourir pendant ce dĂ©lai et revivre, ou pas ? Faut-il justement mourir pour revivre la journĂ©e ? Que se passe t-il si on survit ? Que se passe t-il si on s’éloigne du lieu oĂč on doit ĂȘtre ĂȘtre ? Faut-il forcĂ©ment avoir un objet sur soi ?
  • Comment casser la boucle ? Faut-il juste survivre Ă  la journĂ©e, ou mourir ? Faut-il aimer, ou dĂ©tester ? Faut-il sauver quelqu’un ou quelque chose ? Faut-il tuer quelqu’un ?
  • Quel genre ? La boucle temporelle a Ă©tĂ© utilisĂ©e dans la comĂ©die romantique, la science-fiction, le film de guerre, le policier… Peut-on l’utiliser dans l’aventure ? Dans la fantasy ? Dans un drame ? Dans l’horreur, le thriller ? Dans un western ?
  • Quelle Ă©poque, quel lieu ? Nous manquons cruellement de boucles temporelles dans une ambiance steampunk façon Jules Verne.

Je ne sais pas vous, mais moi j’ai dĂ©jĂ  envie d’un western steampunk utilisant intelligemment la boucle temporelle ^^

D’ailleurs, ça me fait penser que j’ai DÉJÀ fait un Ă©pisode d’Au Royaume d’Acana utilisant un peu ce procĂ©dĂ©…

Mais en attendant, comme je disais, la fiction du mois d’avril est un film Netflix : Love Wedding Repeat. Oui bon, bah on dira qu’on est le 50 avril et voilà.

L’image en une (libre de droits) est de Geralt.

PS du 2 juin : en revoyant un film avec Thomas VDB, je me suis souvenu qu’il avait jouĂ© dans une comĂ©die française sur une boucle temporelle : La Colle (d’Alexandre Castagnetti, sur un scĂ©nario de Christophe Turpin – le scĂ©nariste de Jean-Philippe, qui est aussi sur une rĂ©alitĂ© alternative). Dans ce film, un lycĂ©en se bloque dans une boucle temporelle de 3 minutes suite Ă  un vƓu… il ne pourra en sortir qu’en rĂ©ussissant Ă  l’exaucer, malgrĂ© le court dĂ©lai imparti. C’est assez frais et amusant !

PS du 19 juin : François TJP a fait un billet de blog sur des jeux vidĂ©o impliquant une boucle temporelle ! Je le cite et il me cite… on boucle nos billets sur les boucles temporelles, nous ne voyons vraiment pas ce qu’il pourrait se passer de mal ! 😀

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