[Enchanter la santé] Episode 2 – Arrêts de travail (volet 2)

Nous avons vu hier qu’en 2023, sur 30,4 millions de personnes en emploi, l’Assurance Maladie gérait les indemnités journalières de 21 millions d’entre eux. Parmi ces 21 millions, 5,9 millions (28 %) ont eu au moins un arrêt de travail indemnisé ; lorsqu’ils en avaient un, la moyenne était d’en avoir 1,4, ce qui donne 8,4 millions d’arrêts de travail indemnisés par an (286 millions de journées).

Afin d’éclaircir ces hypothèses, nous avons vu que :

  • le nombre de journées indemnisées par arrêt est relativement stable : 33,8 journées indemnisées par arrêt en 2017-2019 (contre 34 en 2023) et 47,8 journées indemnisées par salarié ayant eu au moins un arrêt en 2017-2019 (contre 48,5 en 2023) ;
  • le taux de salarié qui a au moins un arrêt a subitement augmenté à partir de 2020 (avec un recul en 2021 par rapport à 2020, 2022 et 2023).

Cela s’entend en première intention comme le fait que des gens qui n’étaient pas en arrêt auparavant le sont davantage depuis 2020 — soit depuis que nous sommes dans une situation de pandémie avec un nouveau virus qui circule massivement, avec plusieurs vagues annuelles (« le virus saisonnier des 4 saisons ») et a causé plus de 165 000 décès recensés entre 2020 et 2023 en France [1].
Rappelons d’ailleurs que l’impact du COVID-19 est limité car sont exclus les arrêts de travail dérogatoires de mars 2020 à janvier 2023 (via le téléservice)… mais évidemment, si l’arrêt a été réalisé par un médecin, il est intégré !

[1] OurWorldInData. Coronavirus en France. https://ourworldindata.org/coronavirus

Comment a évolué le nombre d’arrêts de travail moyen par salarié en ayant eu au moins un ?

La phrase peut sembler un peu tordue, mais il s’agit simplement du ratio « nombre d’arrêts de travail indemnisé / nombre de salariés ayant eu au moins un arrêt indemnisé ».

En arrondissant au dixième, ce taux était [2] :

  • à 1,40 en 2011, 2012, 2013, 2014, 2021 ;
  • à 1,41 en 2015, 2018, 2019 ;
  • à 1,42 en 2016, 2017, 2020, 2023 ;
  • à 1,44 en 2022.

Si on zoome, ça peut donner l’impression de fluctuations, mais gardons à l’esprit qu’on est dans un mouchoir de poche…

Dans ce schéma, il y a 3 anomalies : 2021, 2022 et 2023… Autrement dit, le nombre d’arrêt moyen par salarié a augmenté avec l’arrivée du COVID-19, simplement parce qu’il y a une cause nouvelle (et fréquente) d’arrêts de travail supplémentaire !
En 2021, le taux était plus bas que les années précédentes : non seulement cela vient démentir l’idée « d’abus post-confinement » (aussi présentée comme « les gens ont redécouvert la vie et ne veulent plus faire comme avant ») mais montre aussi que les décisions politiques peuvent réduire (à la marge) le nombre d’arrêts, par le port de masques, incitation au télétravail, etc. (rappelons que le port de masques était obligatoire de manière assez généralisée d’octobre 2020 à septembre 2021 avec un arrêt progressif jusqu’en mai 2022).

[2] CNAM. Indemnités journalières pour arrêt de travail - 2011 à 2023. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/par-theme/prestations-en-especes/indemnites-journalieres-arret-de-travail

Quels secteurs d’activité sont principalement concernés par les arrêts de travail ?

Les trois principaux secteurs concernés sont [2] :

  • Santé humaine et action sociale (16,4 % des arrêts)
  • Commerce (14,9 % des arrêts)
  • Industrie manufacturière (13,6 % des arrêts)

Il n’y a pas eu de franche évolution d’un secteur à l’autre depuis 2014, ce qui n’est évidemment par surprenant. Ces données ont assez peu de valeur en soi, parce que 1/ nous n’avons pas le dénominateur (c’est vraiment ce qui manque dans ces données : sur combien de salariés par branche, au total…) ; 2/ les métiers sont associés à des profils différents (âge, sexe, etc.), sont plus ou moins responsables d’arrêts (tâches physiques, niveau de revenus, exposition accrue aux viroses, etc.), et sont plus ou moins compatibles avec une incapacité temporaire (on peut travailler à un bureau avec un lumbago, c’est plus compliqué dans d’autres postes).

Bien sûr, ça a un intérêt d’interroger plus précisément les entreprises où il y a, à secteur et population équivalente, un taux d’arrêt plus élevé : est-ce que les conditions physiques ou psychologiques y sont défavorables ? C’est la proposition (bienvenue) de l’Assurance Maladie dans son rapport Charges et Produits 2026, avec l’idée de créer un malus à leur encontre.

Qui sont les plus concernés par les arrêts de travail, entre les hommes et les femmes ?

Parmi les 8,4 millions d’arrêt de travail en 2023, 4,7 millions concernaient des femmes (56,4 %) [2] :

  • 2,1 millions duraient entre 1 et 7 jours (45,3 %, vs 46,8 % pour l’ensemble homme et femme) ;
  • 705 000 duraient entre 8 et 14 jours (14,8 % vs 14,7 %) ;
  • 644 000 duraient entre 15 et 30 jours (13,6 % vs 13,3 %) ;
  • 650 000 duraient entre 1 et 3 mois (13,7 % vs 13,2 %) ;
  • 273 000 duraient entre 3 et 6 mois (5,7 % vs 5,4 %) ;
  • 167 000 duraient entre 6 et 12 mois (3,5 % vs 3,4 %) ;
  • 110 000 duraient entre 1 et 2 ans (2,3 % vs 2,2 %) ;
  • 48 000 duraient plus de 2 ans (1,0 % vs 1,0 %).

Ces arrêts de travail des femmes représentaient 168 des 286 millions de journées indemnisées en 2023, soit 58,9 %. Comme illustré au-dessus, les femmes ont proportionnellement moins d’arrêts courts (< 8 jours) et davantage d’arrêts plus longs (> 8 jours).
Selon l’Insee [3], les femmes représentent 48 % des 30,4 millions de personnes en emploi en 2013 (36 % des 3,4 millions non salariés, 49 % des 27 millions salariés).
Notons ici que ça ne n’inclue pas les congés maternité (ni les accidents de travail et maladies professionnelles), et que ça ne signifie pas non plus que « les femmes prennent plus d’arrêt » (mêmes remarques que pour le secteur : travail différent, etc.)

Là encore, l’évolution depuis 2011 montre une évolution faible et cohérente.

[2] CNAM. Indemnités journalières pour arrêt de travail - 2011 à 2023. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/par-theme/prestations-en-especes/indemnites-journalieres-arret-de-travail  
[3] Rapport Insee 2024. Emploi, chômage, revenus du travail
- Evolution de l'emploi. https://www.insee.fr/fr/statistiques/7767041?sommaire=7767424

Comment évoluent les arrêts de travail par tranches d’âge ?

Par tranche d’âge [2], le nombre d’arrêts (quelle que soit la durée) a augmenté progressivement pour toutes les classes, principalement pour :

  • la classe des plus de 60 ans, de façon progressive depuis 2009 (vieillissement de la population)
  • la classe des moins de 25 ans… à partir de 2020, avec le même schéma que les pour les autres tranches (plus en 2020 et 2022, moins en 2021).

Cela laisse penser là encore qu’il y a un lien avec le COVID.

Nous n’avons pas la répartition de durée des arrêts de travail par tranche d’âge et sexe… mais nous avons le nombre de journées indemnisées par tranche d’âge, qui est une bonne estimation !

Et là, on constate que… le nombre de journées indemnisées pour arrêts chez les moins de 25 ans « n’explose pas » du tout : il s’agit donc probablement d’arrêts courts en surnombre depuis 2020, dans une population parmi la plus exposée au COVID-19 ! Ce qui augmente surtout, ce sont les journées indemnisées chez les plus de 60 ans, et chez les plus de 50 ans depuis 2020 (là encore, possiblement dans un contexte de complications ou symptômes post-COVID).

Notons ici aussi une évolution à la hausse depuis 2013 chez les femmes de 35 à 39 ans (non retrouvée chez les hommes de la même tranche), qui mériterait d’être explorée : augmentation du taux d’emploi ? augmentation de charge mentale ? lien avec des grossesses ? etc.

[2] CNAM. Indemnités journalières pour arrêt de travail - 2011 à 2023. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/par-theme/prestations-en-especes/indemnites-journalieres-arret-de-travail  

Combien coûtent les arrêts de travail ?

En 2023, les arrêts de travail ont coûté 10,2 milliards à l’Assurance Maladie [2] :

  • 428 millions pour les arrêts entre 1 et 7 jours ;
  • 472 millions pour les arrêts entre 8 et 14 jours ;
  • 866 millions pour les arrêts entre 15 et 30 jours ;
  • 2 milliards pour les arrêts entre 1 et 3 mois ;
  • 1,8 milliard pour les arrêts entre 3 et 6 mois ;
  • 2,1 milliards pour les arrêts entre 6 et 12 mois ;
  • 1,8 milliard pour les arrêts entre 1 et 2 ans ;
  • 678 millions pour les arrêts de plus de 2 ans.

Entre 2011 et 2023, le montant est passé progressivement de 6,3 milliards à 10,2 milliards d’euros, avec évidemment la même dynamique que ce qui a été précédemment montré (que ce soit pour le sexe ou par tranche d’âge).

A noter quand même que le coût moyen pour l’Assurance Maladie a évolué (montant total / nombre de journées indemnisées), passant de 31 euros en 2011 à 36 euros en 2023. Par rapport à 31 euros en 2011, cette évolution reste inférieure à l’inflation (37 euros) ou à l’évolution du SMIC (38,7 euros).

[2] CNAM. Indemnités journalières pour arrêt de travail - 2011 à 2023. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/par-theme/prestations-en-especes/indemnites-journalieres-arret-de-travail  

Quels sont les motifs des arrêts de travail ?

Le détail des motifs n’est pas en accès libre à ma connaissance, bien qu’ils soient informatisés et donc a priori facilement accessibles.

Dans le rapport Charges et Produits 2026, la CNAM évoque la santé mentale comme première cause d’arrêts longs ; elle constate que « la dégradation de la santé mentale concerne toutes les tranches d’âge et s’applique également au monde professionnel, avec un salarié sur quatre se déclarant en mauvaise santé mentale » [3]. Cela se retrouve également dans le remboursement de psychotropes chez les 12-25 ans, en augmentation depuis 2021.

Les troubles de santé mentale sont évidemment plurifactoriels, liés à des problèmes de santé personnels ou familiaux (et là encore, l’arrivée du COVID-19 est une épine en plus), des problèmes socio-économiques, un climat anxiogène avec les grands enjeux actuels (guerre en Ukraine depuis 2022, au Moyen-Orient depuis octobre 2023, réchauffement climatique, instabilité politique majorée en 2024, etc.).
Mais il faut rester simple, et appliquer le rasoir d’Ockham : si ça vrille dès 2021, et qu’il y a une pandémie qui débute en 2020, sans doute que la cause principale est le COVID-19, de façon directe et indirecte… De façon indirecte, il y a le fait d’avoir traversé un problème de santé, perdu un proche, avoir été isolé, avoir perdu son emploi éventuellement, etc.
De façon directe, il a été démontré que le SARS-CoV-2 persistait au niveau cérébral et altérait la santé mentale chez les hamsters (peu soumis à la pression sociale et la somatisation, reconnaissons-le) [4] ; qu’il s’associait à des modifications cérébrales en IRM [5] ; qu’il existe une association entre des marqueurs biologiques de l’infection aiguë et la survenue de nouveaux troubles psychiatriques dans les 2 ans [5], etc. (Il ne s’agit évidemment pas d’être exhaustif, mais assurer qu’il y a un rationnel).

Il faut bien sûr améliorer la santé mentale ; ce n’est pas pour réduire les arrêts de travail, mais bien pour améliorer l’état de santé. Les arrêts de travail pris de façon populationnelle ne sont que des marqueurs d’un problème à résoudre… ils ne sont pas le problème (pas plus que le thermomètre n’est responsable de la température). Par contre le risque est grand de stigmatiser la santé mentale en la ciblant comme un levier de réduction des dépenses d’arrêts de travail, sans agir sur le fond : j’avais par exemple fait un billet de blog à propos du ciblage de médecins prescripteurs d’arrêts pour « troubles anxio-dépressifs mineurs ».

Il existe d’autres façons d’estimer le nombre d’arrêts de travail par motif, mais nous verrons ça dans un prochain billet !

[3] CNAM. Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : les propositions de l'Assurance Maladie pour 2026. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/2025-rapport-propositions-pour-2026-charges-produits
[4] Coleon, A., Larrous, F., Kergoat, L. et al. Hamsters with long COVID present distinct transcriptomic profiles associated with neurodegenerative processes in brainstem. Nat Commun 16, 6714 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-025-62048-7
[5] Douaud G, Lee S, Alfaro-Almagro F, Arthofer C, Wang C, McCarthy P, Lange F, Andersson JLR, Griffanti L, Duff E, Jbabdi S, Taschler B, Keating P, Winkler AM, Collins R, Matthews PM, Allen N, Miller KL, Nichols TE, Smith SM. SARS-CoV-2 is associated with changes in brain structure in UK Biobank. Nature. 2022 Apr;604(7907):697-707. doi: 10.1038/s41586-022-04569-5. Epub 2022 Mar 7. PMID: 35255491; PMCID: PMC9046077.
[6] Gasnier, M., Pinson, P., Beeker, N. et al. Acute COVID-19 severity markers predict post-COVID new-onset psychiatric disorders: A 2-year cohort study of 34,489 patients. Mol Psychiatry 30, 1329–1337 (2025). https://doi.org/10.1038/s41380-024-02739-7

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[Enchanter la santé] Episode 1 – Arrêts de travail (volet 1)

Plusieurs fois par an, nous avons le droit aux mêmes discours : l’augmentation des arrêts de travail n’est « pas soutenable » (Aurélien Rousseau), « met en danger la Sécu », est « déconnectée de l’état de santé de la population » (Agnès Buzyn), est portée par « des abus » (Frédéric Valletoux). En 2023, on apprenait qu’il y avait « 40 % d’abus sur les arrêts de travail COVID déclarés par les patients » (François Braun).
En septembre 2024, la CNAM annonçait 30 % d’arrêts longs injustifiés (Thomas Fatôme) ; las de ne pas convaincre, c’est 54 % qui est annoncé et repris par le ministère de la santé en juillet 2025 (Catherine Vautrin et Yannick Neuder).

Personnellement, je croise très peu de gens qui profitent d’un demi-traitement, abusent de RDV médicaux de suivi, jouissent de leur incapacité temporaire à travailler et bénéficient ainsi d’une situation aussi peu valorisée socialement que financièrement… et même si j’en croisais, je n’aurais absolument aucune raison à faire du clientélisme en 2025, alors que mon planning déborde sous les demandes !

Faisons donc le point avec quelques repères utiles !

Combien y’a-t-il d’arrêts de travail par an en France actuellement ?

En 2023, d’après la DREES [1], il y avait environ 21 millions de personnes assurées, salariées du secteur privé ou contractuelles de la fonction publique au régime général (contre 30,4 millions de personnes en emploi selon l’Insee [2]).
Parmi ces 21 millions, 5,9 millions (28 %) ont eu au moins un arrêt de travail indemnisé.
En moyenne, ces salariés ont eu 1,4 arrêt par an, ce qui représente donc 8,4 millions d’arrêts de travail indemnisés par an [1].

[1] Rapport DREES 2024. Arrêts maladie : au-delà des effets de la crise sanitaire, une accélération depuis 2019. https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2024-12/ER1321EMB.pdf 
[2] Rapport Insee 2024. Emploi, chômage, revenus du travail
- Evolution de l'emploi. https://www.insee.fr/fr/statistiques/7767041?sommaire=7767424

Comment sont répartis les arrêts (très courts, courts, longs) ?

Parmi les 8,4 millions d’arrêt de travail en 2023 [3] :

  • 3,9 millions duraient entre 1 et 7 jours (46,8 %), soit 11,8 millions de journées indemnisées ;
  • 1,2 million duraient entre 8 et 14 jours (14,7 %), soit 12,9 millions de journées indemnisées ;
  • 1,1 million duraient entre 15 et 30 jours (13,3 %), soit 23,6 millions de journées indemnisées ;
  • 1,1 million duraient entre 1 et 3 mois (13,2 %), soit 55,6 millions de journées indemnisées ;
  • 460 000 duraient entre 3 et 6 mois (5,4 %), soit 50,5 millions de journées indemnisées ;
  • 285 000 duraient entre 6 et 12 mois (3,4 %), soit 59,5 millions de journées indemnisées ;
  • 186 000 duraient entre 1 et 2 ans (2,2 %), soit 51,9 millions de journées indemnisées ;
  • 80 000 duraient plus de 2 ans (1,0 %), soit 20 millions de journées indemnisées.

Au total, en 2023, 286 millions de journées ont été indemnisées par l’Assurance Maladie. La moyenne est donc de 34 journées indemnisées par arrêt ou 48,5 journées indemnisées par salarié ayant eu au moins un arrêt (la moyenne est évidemment portée ici par les « arrêts longs »).

[3] CNAM. Indemnités journalières maladie (hors arrêts dérogatoires) selon la durée indemnisée de l'arrêt - 2011 à 2023. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/ij-maladie-hors-arret-derogatoires-par-duree-arret

Notons ici que certains arrêts « très courts » passent inaperçus lorsqu’ils sont sous le délai de carence : dans ce cas, les patients préfèrent parfois négocier pour prendre un congé, un RTT, rattraper les heures, etc.
De la même façon, même si c’est légal (et soutenu par la Cour de Justice de l’Union Européenne), les arrêts maladies survenues en période de congés annuels sont exceptionnellement récupérés au titre du « droit de report » (ça ne m’est jamais arrivé en 10 ans en tout cas).

Pour bien déterminer le problème, utilisons maintenant une équation simple, en disant que la durée totale des arrêts dépend de la durée moyenne d’un arrêt, du nombre d’arrêts moyen par personne qui en a au moins un, du taux de salarié ayant au moins un arrêt et du nombre de salariés.

Comment a évolué la durée moyenne des arrêts de travail par rapport à 2017-2019 ?

En moyenne, en 2017-2019, il y a eu 7,1 millions d’arrêts de travail concernant 5,0 millions de salariés [2] :

  • 3,2 millions duraient entre 1 et 7 jours (45,4 %) ;
  • 1,1 million duraient entre 8 et 14 jours (15,2 %) ;
  • 1 million duraient entre 15 et 30 jours (13,9 %) ;
  • 1 million duraient entre 1 et 3 mois (13,7 %) ;
  • 390 000 duraient entre 3 et 6 mois (5,5 %) ;
  • 232 000 duraient entre 6 et 12 mois (3,3 %) ;
  • 157 000 duraient entre 1 et 2 ans (2,2 %) ;
  • 60 000 duraient plus de 2 ans (0,8 %).

Entre 2017-2019, 239 millions de journées ont été indemnisées par l’Assurance Maladie : 33,8 journées indemnisées par arrêt (contre 34 en 2023) et 47,8 journées indemnisées par salarié ayant eu au moins un arrêt (contre 48,5 en 2023).

[3] CNAM. Indemnités journalières maladie (hors arrêts dérogatoires) selon la durée indemnisée de l'arrêt - 2011 à 2023. https://www.assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/ij-maladie-hors-arret-derogatoires-par-duree-arret

Est-ce que l’évolution actuelle de la durée des arrêts de travail est plus importante que les années précédentes ?

Non, nous n’avons même jamais été aussi stables qu’entre 2019 et 2023 : respectivement 48,3 vs 48,4 journées indemnisées par arrêt, et 34,1 vs 34 journées indemnisées par salarié sur ces 2 années ! Si on remonte par bonds de 4 ans :

  • en 2015 : 45,6 journées indemnisées par arrêt ; 32,4 journées indemnisées par salarié ;
  • en 2011 : 43,2 journées indemnisées par arrêt ; 30,9 journées indemnisées par salarié.

Toutes les remarques sur « l’explosion des arrêts longs » repose donc sur cette différence de 33,8 journées à 34 journées indemnisées par arrêt sur les 6 dernières années (sachant que la population a vieilli, que l’âge de la retraite a reculé, que la démographie médicale a chuté et qu’il y a une pandémie qui a débuté en 2020)…

Si ce n’est pas sur la durée des arrêts par salarié que le bât blesse, peut-être que le problème vient alors du nombre d’arrêts par salarié… Voyons ça !

Comment a évolué le nombre d’arrêts de travail ces dernières années ?

Le nombre d’arrêts de travail a augmenté de 6,58 millions à 8,42 millions entre 2011 et 2023. Le nombre de salariés du privé ayant eu au moins un arrêt est passé de 4,7 à 5,9 millions sur la même période.

Donc le nombre d’arrêts de travail augmente, mais cela est principalement dû à des raisons attendues :

  • la population active augmente (augmentation de population, recul de l’âge de la retraite, diminution du taux de chômage) ;
  • la population vieillit et les prises en charge médicales s’améliorent (le décès d’un patient peut être considéré comme un évènement positif sur le tableur Excel concernant les indemnités journalières, mais l’impact en vie réelle sur la personne ne devrait pas être négligé) ;
  • et aussi… le COVID s’est ajouté aux autres causes d’arrêt en 2020, avec ses conséquences (hospitalisations, séquelles de réanimation, Covid Long, autres conséquences non identifiées liées à ce virus).

Je n’ai pas l’évolution du nombre de salariés dépendant du régime général, mais l’Insee fournit le nombre de personnes en emploi salarié, augmentant progressivement de 24,6 millions en 2011 à 27,0 millions en 2023 [2].
En supposant que le taux de salariés dépendant du régime général est fixe sur cette période, nous pouvons faire un ratio du nombre d’arrêts / nombre de salariés du privé.

Donc le nombre d’arrêts par salarié a bien augmenté récemment, ce qui peut se comprendre de 3 façons :

  • les gens sont plus souvent malades ;
  • les gens sont autant malades, mais réclament davantage d’arrêts de travail (et sont suivis par les médecins dans cette demande) ;
  • les gens ne sont pas malades, et réclament des arrêts de travail injustifiés.

Le point 1 signifierait que les arrêts maladies sont un instrument de mesure de l’état de santé (le thermomètre, baromètre ou ce que vous voulez), et qu’il s’est produit « quelque chose » en 2020 qui aurait pu perturber la santé de la population… Dans ce cas, ce sont les politiciens qui devraient se responsabiliser, et lutter contre les infections respiratoires avec les outils à leur disposition (amélioration de la qualité de l’air intérieure, incitation au port du masque dans les lieux de soins, transports, EHPAD, etc.)

Le point 2 nous rapprocherait d’une « libération de la parole » façon #MeToo. On pourrait le résumer comme : « avant, on pouvait harceler au boulot, mais maintenant on ne peut plus rien dire, les gens s’arrêtent / portent plainte pour rien ». Cela signifierait qu’il y avait une sous-déclaration des arrêts de travail justifiés avant cette période… (J’avais fait un billet de blog en 2018 sur le « présentéisme » ou le refus des arrêts justifiés).

Le point 3 correspond au discours généralement propulsé par les politiques dans les médias, évoquant des « abus » pour proposer des solutions de déremboursement, d’augmentation du délai de carence, ou autres mesures pour « responsabiliser les médecins et les patients »… sans jamais responsabiliser les politiciens !
Ces mêmes politiciens sont d’ailleurs bien incapables d’apporter un début de réponse à la question « pourquoi diable les médecins de 2025, surchargés de travail et de patients, feraient du clientélisme à accepter des arrêts de travail injustifiés » ?

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[Enchanter la santé] Prologue

La santé subit tous les mois des critiques médiatisées, qui ne sont que des variations sur le thème « les médecins et les patients sont des irresponsables, et heureusement que les politiciens sérieux sont là pour y mettre du bon ordre ».
Les gens consultent trop mais il n’y a pas assez d’accès aux soins.
Les médecins prescrivent trop mais sont en-dessous de chaque objectif de santé publique lié à une prescription.
Les arrêts de travail sont trop longs, même s’ils sont systématiquement validés à partir de 6 mois.
Etc.
Les responsables sont toujours les patients, les médecins (surtout généralistes), parfois les infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes… en tout cas, absolument jamais les dirigeants en place ! Parfois, quand même, les responsables concèdent que « leurs prédécesseurs » ont pu faire des erreurs… mais c’est une constante : le gouvernement en place ne se trompe jamais.

Lutter contre les mensonges instantanément…

Dans ce contexte, de nombreux citoyens — professionnels de santé ou non — démentent régulièrement les critiques infondées, erreurs involontaires, raccourcis voire manipulations éhontées des dirigeants de tout bord politique.
Mi-Cassandre, mi-Sisyphe, nous dénonçons vainement les problèmes actuels et à venir (dans les propos et décisions politiques), et sommes contraints de le refaire sans cesse.

Par exemple cette semaine, le ministre de la santé a dit sur une radio que « 50 % des arrêts de travail > 18 mois sont injustifiés » sans trembler des genoux — et surtout sans expliquer qu’une part non négligeable de ces contrôles ciblés sont en fait des arrêts de travail interrompus par le médecin conseil, notamment pour passer le patient en… invalidité. Il s’agit donc d’une « injustification » dans un tableur Excel (parce qu’on ne peut pas être en arrêt et en invalidité), mais évidemment d’un arrêt parfaitement « justifié » dans le langage du commun des mortels.
Malgré les nombreux commentaires explicatifs sur les réseaux sociaux, il n’a évidemment proposé aucun correctif, et a répété la même erreur (de la même fiche de synthèse) 2 jours plus tard à la télé..

C’est insupportable et ça génère (pour ma part) de la colère. Ainsi, les médecins râlent, protestent, militent — seuls localement, sur les réseaux sociaux, en association, en syndicat… mais ces corrections par les médecins généralistes ont deux limites majeures.

La première limite concerne l’espace. Lorsqu’une information erronée est donnée dans la presse (écrite, radio, TV), elle touche un large public, et est souvent relayée par le compte Twitter, Facebook, Instagram, BlueSky de la chaîne et/ou de la personne qui l’a lancée et/ou d’un proche, du même parti… c’est impossible de pouvoir la démentir partout. « Lie finds a way », pour paraphraser le Docteur Malcolm de Jurassic Park.
Le rectificatif arrive lui plus tard et dans un espace plus restreint : la visibilité des médecins sur les réseaux sociaux reste limitée, puisqu’ils fonctionnent avec un défilement illimité… Sur X, une réponse argumentée et sourcée (qui fait quitter l’application par des liens) disparaîtra d’autant plus rapidement dans les limbes du scroll infini, et sera à peine visible.
Ainsi, le démenti touche (quasi) systématiquement une portion de gens moindre que celle qui a été exposée à l’erreur.

La deuxième limite concerne le temps. On ne peut se contenter de dire « le ministre se trompe » sans argumenter, puisque l’argument d’autorité lui bénéficie à lui (sauf si vous êtes le Président à la rigueur).
Cela demande d’aller vérifier ses informations, consulter plusieurs documents, faire des captures d’écran, mettre un lien, faire preuve de pédagogie ou de clarté… C’est la loi d’Alberto Brandolini (2013) ou principe d’asymétrie du baratin : « la quantité d’énergie nécessaire pour réfuter des sottises est supérieure d’un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire ». De façon plus imagées, citons John Arbuthnot : « le mensonge vole, la vérité le suit en boitant » (L’Art du mensonge politique, 1733)… ou encore Terry Pratchett : « Les mensonges pouvaient faire le tour du monde le temps que la vérité enfile ses chaussures » (Les annales du Disque-Monde, La vérité, 2000).
Lorsque vous démentez une information, non seulement vous touchez une portion moindre de gens qui y ont été exposés… mais en plus, pendant votre argumentation, les mêmes responsables ont ajouté de nouvelles approximations ! Et ils ne répondront jamais à la correction que vous avez apportée, car ils sont déjà passés à autre chose…
Par exemple, aujourd’hui, qui se souvient qu’Emmanuel Macron faisait le voeu suivant aux soignants : « on a 600 000 patients avec des maladies chroniques qui n’ont pas de médecin traitant. Et ça, c’est un vrai problème parce que c’est une perte de chance (…) [Ils] se verront proposer un médecin traitant avant la fin de l’année » ?
C’était le 6 janvier 2023, et 2 ans après, absolument personne ne lui remet ces propos sous les yeux pour demander des comptes — qu’il n’a jamais rendus, et ne rendra jamais. C’est un sujet que nous reverrons dans un prochain billet.

… ou prendre son temps de mieux informer…

Démentir sur les réseaux a quelque chose de satisfaisant dans l’immédiat : c’est relayé a minima, et nous participons à corriger une fausse impression auprès de quelques centaines ou milliers de personnes.
Mais c’est probablement insuffisant pour les raisons sus-évoquées : la correction touche moins de personnes que le mensonge, et occupe un temps démesuré à réagir au détriment du temps disponible pour proposer ou vulgariser.
Et ce travail chronophage est frustrant : à chaque fois, il faut répéter la même chose, sans pouvoir se référer à une réponse claire, construite, sourcée… Il faut reprendre les mêmes documents, ré-extraire les mêmes chiffres, pour apporter une réponse structurée.

Pour éviter cette répétition, il faudrait pouvoir garder ailleurs ces réponses de fond, et y améliorer la vulgarisation, l’argumentation, en essayant d’anticiper les attaques futures contre la santé…
Le lieu idéal pour ces « réponses de fond », structurées, n’est donc sûrement pas les réseaux sociaux, où elles se perdent dans le défilement infini.
Ce n’est sans doute pas non plus un essai (qui ne sera lu que par quelques dizaines ou centaines de personnes), ni un Substack payant, ni un wiki (chronophage à gérer)… Sans doute ce lieu idéal n’existe pas et il n’est pas très utile de le chercher ailleurs qu’au plus simple : en l’occurrence pour moi, ce blog… Un lieu simple, ouvert, gratuit.

… sans se leurrer.

Ne nous leurrons pas sur l’objectif : écrire des articles longs n’est pas mieux que réagir à chaud, et ne doit pas le remplacer.

Déjà, on ne milite pas vraiment pour faire changer directement un décideur politique, mais pour informer.
Les « propositions » seront encore moins écoutées que les réactions (nous en avons fait sur de nombreux sujets, en prévention, sur la qualité de l’air, sur les certificats absurdes ou bien d’autres sujets).
Après 5 ans de « militantisme » divers et varié (toute proportion gardée pour ce terme, quand il s’agit d’écrire sur un clavier quand même), j’ai bien compris que nul citoyen lambda ne peut détourner un politicien de son projet, aussi stupides puissent-t-il être.
Il ne s’agit donc pas de faire changer d’avis tel ou tel ministre ou président, mais plutôt d‘améliorer la qualité du débat public en retenant quelques chiffres clés et en proposant quelques références (officielles)…

Que ce soit sur X, Facebook, LinkedIn, Instagram ou ailleurs, l’intérêt principal du « militantisme » est avant tout égoïste : il s’agit au moins de se donner l’impression d’avoir partagé une information, d’avoir fait quelque chose d’utile pour l’information et pour l’intérêt général… en gardant bien sûr l’espoir que cela aura réellement un impact pour la santé publique.

En réalité, il faut sans doute pouvoir faire les deux : une note de synthèse un peu intemporelle, facilitant les réactions à chaud… qui elles-mêmes alimentent la synthèse.

Restent deux problèmes.

Le premier est celui de la légitimité : il existe de vrais spécialistes de la sécurité sociale, historiens, sociologues, économistes de la santé, épidémiologistes, syndicats, etc. Clairement, je n’ai pas de légitimité particulière pour ça, et je ne vais pas passer les billets suivants à m’en excuser pour éviter toute lourdeur… Tout ce qui suivra sera mon avis, lié à ma formation, mes lectures, ma pratique de 10 ans de médecine générale.

Le deuxième problème, central, est celui du temps. Nous manquons de temps pour soigner, pour se former, pour commenter les choix économiques ou politiques, pour faire entendre nos voix, pour proposer des idées pour améliorer l’état de notre système de santé… C’est pour ça que les billets seront publiés à un rythme… qui reste à définir. Puisse au moins ce prologue clarifier ce que je souhaite écrire !

(PS. J’ai mis un titre « Enchanter la santé » parce que « réparer la santé » ou « la santé en chantier » sont déjà pris, et parce que j’aime bien les jeux de mots).

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Ecrire sa thèse : sommaire

En décembre 2024, j’ai proposé ici une série d’articles sur « comment écrire sa thèse ». Vous pouvez retrouver ici le sommaire. Bonne lecture… et bonne rédaction de thèse !

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[Avent 2024 – Ecrire sa thèse] – 24/24 – Epilogue

La thèse est finie et valorisée… et si vous deveniez à votre tour directeur de thèse ?

A quoi sert le directeur de thèse ?

Le directeur de thèse peut intervenir à toutes les étapes dans tout ce qui a été cité :

  • pour aider à trouver un sujet : en « brainstormant » (tempêtant ainsi à deux cerveaux), en incitant à chercher dans des thèmes hors médecine pure, en aidant à identifier des bases utiles, en apportant une expertise sur ce qui serait ou non un bon sujet (faisable, pragmatique, etc.) ;
  • pour (re)motiver le thésard à toute étape : un simple mail « où en es-tu dans ta thèse ? » peut permettre de relancer un travail en berne… Parfois, le problème est de recommencer à écrire, alors qu’en 2 jours on a écrit 10 pages…
  • pour expliquer très tôt ce qui est attendu : la taille courte de chaque partie pour une thèse-article, l’importance d’avoir des sources pour tout…
  • pour proposer un modèle personnalisé de thèse ; à défaut, pour être en mesure d’aider pour la création d’un sommaire, d’un saut de page, pour mettre une seule page en paysage, pour corriger un tableau raté, etc. ;
  • pour établir un rétro-planning éventuellement, si c’est le souhait de l’interne (au début, ou tardivement dans l’écriture) ;
  • pour répondre aux questions diverses et variées, sur Word, Excel, Zotero, PubMed, etc. ;
  • pour guider à la formulation de la question de recherche, du titre, etc. ;
  • pour valider (et tester) le questionnaire avant envoi ;
  • pour aider à trier ce qui relève des résultats pertinents ou non ;
  • pour réorganiser les sections de l’introduction, de la méthode, des résultats, de la discussion, des annexes… Il peut parfois créer ou supprimer un chapitrage, avec une vision plus « longitudinale » du travail qu’il découvre à un stade où l’interne a déjà écrit et réécrit plusieurs fois et peut manquer de recul ;
  • pour relire, commenter, corriger, vérifier la mise en forme… plusieurs fois et patiemment ! Il faut traquer les veuves et orphelins et les sauver à coups d’espaces insécables : avoir Antidote peut aider pour faire un rapide passage d’amélioration typographique. Attention, le but n’est pas de tout réécrire à la place de l’interne ou de faire sa thèse, qui peut être un écueil des premières directions…
  • pour supprimer sans sentiment les phrases inutiles auxquelles n’est attaché que l’auteur ; les mots superflus sont également effacés (« chez les sujets adultes » devient « chez les adultes » par exemple) ; les phrases asymétriques sont aussi remises dans le bon ordre avec un oeil neuf ;
  • pour apporter une expertise supplémentaire parfois (par exemple, sur une thèse sur le vaccin contre le zona, penser à parler du vaccin contre la varicelle ; faire le lien avec d’autres travaux, etc.) ;
  • pour aider à trouver un jury de thèse ;
  • pour relire la présentation, la commenter, corriger…
  • pour rassurer et être un soutien jusqu’à la soutenance, où il pourra raconter des choses amusantes ou pertinentes, voire « débunker » un souci identifié dans la thèse écrite ou la présentation orale.

Avec la soutenance, une bonne direction de thèse peut prendre facilement 20 heures (parfois moins… parfois plus, voire beaucoup plus selon l’interne encadré, selon la complexité du sujet, si vous cherchez à transformer la thèse en article, la présenter en congrès, etc.) Ce n’est pas un engagement à la légère… mais ça n’est pas non plus un job à plein temps.

Pour échanger avec l’interne, il existe beaucoup de solutions. Je travaille beaucoup par mail pour le caractère asynchrone, très pratique ; d’autres préféreront les rencontres présentielles, le téléphone, les visios…

Dans les échanges sur la thèse elle-même, qu’ils soient sur un fichier partagé en ligne (Google Docs, OneDrive, LibreOffice Online…) ou en local (Word, LibreOffice, etc.), l’outil à maîtriser est le suivi des modifications. Dans Révision, vous devez cocher « suivi des modifications » à chaque relecture.
Toutefois, si vos propres corrections vous perturbent à la lecture, vous pouvez ne pas les afficher en cliquant sur « Afficher pour la révision > passer de Toutes les marques à Aucune marque » (ou en décochant dans les « options de marquage ».

Il convient d’expliquer à l’interne qu’il ne doit surtout pas refaire les modifications faites en suivi des modifications : il peut les accepter ou les refuser (en général, il peut faire « accepter tout et arrêter le suivi »… ou tout accepter, une à la fois, ce qui peut être long parfois mais instructif sur le travail fait par le directeur).

A quoi sert… d’être directeur de thèse ?

Etre directeur de thèse vous permet d’aider bénévolement un futur confrère (dans le respect du serment d’Hippocrate de rendre à ses pairs ce qu’on a reçu de leurs pères…). Ca lui permettra de poursuivre son cursus, s’installer… Ca vous permet de partager votre expérience, votre savoir-faire…

Etre directeur de thèse, ça vous permet aussi de continuer à vous former, à vous ouvrir l’esprit sur des thématiques que vous n’auriez pas forcément exploré (si vous laissez libre cours à vos internes, c’est évidemment moins vrai si vous imposez en monothématique dans un but d’avoir un CV personnel cohérent pour votre carrière).

Etre directeur de thèse, c’est avoir des sujets de recherche qui pourront donner lieu à des présentations en congrès, des articles et faire avancer la science dans votre discipline. Ca valide votre redevance pédagogique si vous accueillez des internes au cabinet… Et puis, vous serez toujours une petite partie du cursus de votre thésard, ce qui est sans doute le plus gratifiant dans tout ça.

Malgré tous ces indéniables côtés positifs, être directeur de thèse nécessite du temps (20 heures environ disais-je, mais ça peut vraiment être plus), de la disposition d’esprit, etc.
Il y a dans certaines spécialités (médecine générale notamment) un ratio « interne / directeur de thèse potentiel » très important qui peut vous amener à accepter largement, et crouler littéralement sous les demandes, voire sous les directions (jusqu’à 20 simultanément pour ma part, ce qui est un peu trop).

Il faut donc savoir dire non lorsque vous manquez de temps (entre votre vie personnelle, professionnelle, facultaire, etc.) ou lorsque ça sort de vos envies ou votre champ de compétence. Essayez quand même de ne pas sélectionner sur des critères plus personnels : tout le monde a besoin d’un directeur — même s’il écrit ou ponctue mal.

La fin…

Voilà, Petit Papa Noël va passer… (il vient déjà de finir d’envelopper les cadeaux). C’est donc la fin du calendrier de l’avent et la fin de cette série de billets. J’espère qu’elle pourra vous être utile ! Si vous avez des questions, n’hésitez pas !

Lors des premiers échanges, Choupitigue et Fixing Things sur Blueskky m’ont parlé de « Assieds-toi et écris ta thèse« , une vidéo sur le sujet traité ces derniers jours et notamment la procrastination, les processus d’écriture.

J’ai appliqué ce que je recommande : j’ai fait un premier jet en écrivant vite… ces billets seront améliorés au fil des semaines, mais je suis très content que ça existe (enfin) quelque part ! En 24 jours, j’ai écrit 42 000 mots, soit 240 000 caractères. J’ai échoué à plusieurs reprises dans ma vie à faire un NaNoWriMo… mais sur la rédaction de thèse, j’ai réussi !
Mon but était aussi de me prouver que je pouvais avoir un rythme régulier (vespéral…), et peut-être mettre à profit cette aptitude pour (enfin) avancer ou finir les nombreux projets d’écriture que j’ai un jour envisagés… et les suivants.
Il est temps de vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année et vous retrouve l’an prochain, ici, sur d’autres sites, en vrai, en congrès, par mail, sur Twitter, sur Bluesky, sur Facebook, ou ailleurs… pour de nouvelles aventures !

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