Bonjour, moi c’est Michaël. Je suis un garçon, j’ai 24 ans… et je suis en médecine.
— Bonjour, Michaël… répondent les gens en chœur.
Bon, ok, il n’y a pas de gens physiques ici, et pour le chœur virtuel, à moins de s’appeler @Aspicthesnake, il faut se lever de bonne heure (a.k.a. avant 8h pour moi, mais je comprendrais s’il s’avérait que vous n’eussiez pas le même référentiel). J’ai donc choisi de faire ma thérapie des Carabins Anonymes sur ce blog parce que c’est quand même moins contraignant que de sortir de chez soi à 20h un lundi soir pour aller dans les sous-sols d’un bâtiment désaffecté rencontrer des gens cernés et névrosés, psalmodiant des phrases n’ayant aucun sens qu’ils vous assurent être un moyen mnémotechnique pour « retenir la classification OMS des lymphomes non hodgkiniens, mais vas-y, parle on t’écoute ».
Au moins ici, si je ne suis pas écouté, j’ai pas risqué une pneumonie en traversant la moitié de la ville sous la pluie. C’est déjà ça.
Alors, moi c’est Michaël comme je disais, j’ai fait 17,5 ans d’études non-secondaires-mais-pas-que-primaires-quand-même-j’ai-pas-eu-tant-de-mal-pour-passer-le-CM2 avant de m’orienter vers la médecine.
C’était une orientation personnelle ; en tout cas, je veux dire par là que la conseillère d’orientation ne m’a pas servi à grand-chose avec ses questionnaires (de l’Institut de psychologie appliquée de Lausanne de 1979, clairement adaptés donc). Par chance — et une part de névrose probablement —, j’avais conservé un exemplaire de ce questionnaire pour pouvoir vous faire un compte-rendu 8 ans plus tard. Je suis un fin sociologue.
Je m’y décrivais poli, persévérant, méthodique, logique, ambitieux, intelligent, apte aux maths/sciences mais pas à la mécanique, confiant (je n’ai pas mis : actif, travailleur, secourable, responsable, compréhensif, sociable, soigneux), trouvant essentiel d’être heureux/satisfait, d’écrire de la bonne littérature, d’être cultivé (je ne désirais pas aider les personnes en difficulté, devenir athlète, exercer une influence sur la marche des affaires publiques (je ne comprends toujours pas ce que ça veut dire d’ailleurs), apporter à la science une contribution technique, contribuer au bien-être de l’humanité, avoir beaucoup d’amis), je me sentais plus proche de Nestlé (pas de Marie Curie ou Pasteur ou Albert Schweizer, non, non, vous voyez où je veux en venir ?), je voulais lire/étudier/réfléchir à la résolution de problème (et non enseigner/secourir autrui) , aimais jouer aux échecs, détestais les films à thèse sociale. Sur la liste des métiers un temps envisagés, il y avait prof de maths, ingénieur en informatique, mathématicien, écrivain, prof de maths, ophtalmologiste.
On a bien compris, je voulais faire DES MATHS, et je n’en avais rien à carrer de sauver des gens, faire du social. Pourtant, la conseillère d’orientation ne m’a jamais orienté clairement. Bien sûr, son boulot c’est de conseiller, mais pourquoi diable ne m’a-t-elle pas déconseillé dans ma liste absurde de métiers celui d’ophtalmo ou de médecin (parce qu’en fait je n’ai pas le souvenir d’avoir un jour voulu faire ophtalmo) ?
Je me suis toujours demandé comment on pouvait faire ce job d’ailleurs… Je veux dire, c’est un sacré paradoxe quand même : si au moment de remplir elle-même son questionnaire vers 17-18 ans elle avait répondu « conseillère d’orientation » ça veut dire que son enfance a dû être sacrément bouleversée, et si elle avait répondu autre chose, ça signifie qu’elle avait failli dans son propre « conseil d’orientation ». Un peu comme si je m’étais inscrit en médecine à cause d’un rhume qui ne passe pas.
Bref, je me suis dirigé vers ma discipline tout d’abord parce que je voulais un métier qui me plaisait a priori et bien payé (ce qui me limitait à ingénieur / médecin). Ça reste un choix assez étrange vu que je kiffais grave sa race (ami djeun’s sois le bienvenue sur ce blog) les mathématiques, appréciais pacifiquement les sciences physiques, me voyais vaguement dans un métier d’écriture (cinéma, littérature), et trouvais relativement ennuyeuses les sciences de la vie & de la terre, SVT, ex-sciences naturelles — et je crois que ça a changé de nom depuis, pour nous donner l’impression déjà qu’on ne peut plus comprendre le nouveau programme du bac, à la façon de nos parents/oncles à qui on rétorquait à propos de nos études « de toute façon c’est plus un Bac C, laisse tomber, c’est pas du tout pareil ».
J’adorais les maths, je détestais les SVT, j’étais accepté à une bonne prépa maths où j’aurais pu m’éclater (selon moi, mais c’est plus facile quand on n’y est pas de fantasmer dessus), j’étais bien sûr pris en médecine où j’allais sûrement me galérer et pas du tout me plaire… Ce qui a pesé dans la balance c’est que faire maths sup allait m’emmener en école de commerce/d’ingénieur, puis à un boulot obscur. J’imaginais un patron tyrannique m’obligeant à rester jusqu’à des heures indues dans des bureaux mal isolés, un peu à la façon de Thomas Anderson avant de devenir Neo (la bestiole qui rentre dans le nombril en moins, si possible).
Il faut dire aussi que j’avais pour image des ingénieurs utilisant ces satanés trace-lettres qu’on nous demandait d’acquérir à la rentrée scolaire du collège. Evidemment, à cette période, tous les magasins (sauf les quelques papeteries spécialisées qui vendaient ça plus cher qu’une imitation de Rolex) se faisaient dévaliser car aucun responsable de rayon fournitures de quelque grande surface que ce soit n’avait calculé qu’il faudrait autant de cette règle stupide MINERVA 3.5 mm, et ils ignoraient d’ailleurs que les élèves ne pouvaient se rabattre sur une MINERVA 4 ou 5mm sans risquer de voir ses bulletins scolaires remplis de dépréciations de ses profs de technologie pour les 4 années à venir, à cause d’un fichu bout de plastique n’ayant pour dessein que de nous aider à tracer au micro-pointe des lettres bavant au moindre déplacement de ladite règle, déplacements pourtant bien nécessaires quand on ne s’appelle pas ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ, et qui valent un pitoyable 8/20 pour manque de propreté selon les référentiels des profs de technologie recrutés sur leur méticulosité et leur sens exacerbé quasiment pathologique du rangement, de la propreté et de l’ordre, à qui je dédie cette phrase TOTALEMENT DEGUEULASSE AH AH AH ! Hum.)
Tout ça, c’est donc la faute de la conseillère d’orientation. Je ne suis pas coupable, c’est elle qui ne m’a pas déconseillé médecine sur les résultats de son questionnaire, et c’est elle qui n’a pas su m’expliquer à quoi mener maths sup/maths spé à part « à ingénieur ». (Pour rappel on est en 2004, et d’après des sources sûres validées par notre Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, internet n’existait que depuis un an, et je ne pouvais donc pas très bien me renseigner par moi-même).
Du coup, sans être puni, et par préférence pour un futur métier libéral où je n’aurais jamais rien à craindre pour mon nombril ni à utiliser de trace-lettre, je suis parti seul et de mon propre chef en médecine.
Ça promettait d’être plus sain pour mon mental.
{ Laisser un commentaire }
Pingback & Trackback