Les Epreuves Classantes Nationales (ECN) forment un concours qui trie les étudiants de 6ème année de médecine par « ordre de mérite ». Ceci nous permet de choisir ensuite notre spécialité, notre académie, nos stages, et parfois les diplômes complémentaires à notre formation.
Autrement dit, ce n’est pas le genre d’examen qu’on a envie de foirer. Tout le monde (c’est-à-dire 8000 étudiants en France) bosse d’arrache-pied pour ce deuxième et dernier concours obligatoire de nos études (après la P1 ou PACES, et avant ceux pour être professeur ou maître de conférences bien sûr). Au terme de 3 ans d’externat passés à servir de bouche-trou dans des services hospitaliers, après avoir passé des soirées et des week-ends à réviser les 345 items dans les bouquins, en conférence ou dans des cas cliniques, après avoir dépensé des centaines d’euros pour pouvoir se pourrir un week-end en examen blanc, vient enfin L’EPREUVE ! Autant vous dire qu’à côté de nous, les finalistes de Koh-Lantah sont des hippies pacifistes.
Et quand tombent les résultats des ECN, après une interminable attente, la joie et la déception peuvent se mêler, parfois avec une dose d’incompréhension. Par exemple cette ligne :
Dossier 3 65,50
Dossier 3… Psoriasis, un dossier plutôt facile et maîtrisé a priori. Tous mes amis ont eu une meilleure note que moi sur ce dossier (et de loin), alors que je maîtrisais mieux la matière, pour être passé en service de dermatologie pendant 3 mois (un mi-temps imposé, une interne non-au courant de l’abolition de l’esclavagisme). 65,5 c’est loin d’être une catastrophe, mais quand c’est 20 points de moins que les autres, ça représente quand même 1 000 places à mon niveau… Bon, je ne réclame pas une erreur de 20 points (faut pas déconner !), mais quand même, ça mérite d’être examiné : où me suis-je trompé, et ne me serais-je pas fait flouer de quelques points ?
A ce moment là, vous me prenez sûrement pour un fervent défenseur de la théorie du complot, et vous vous demandez quand vont intervenir les Illuminatis et la franc-maçonnerie dans ce récit. C’est parce que vous n’avez pas vécu les ECN 2011 (« citez les 6 questions que vous posez aux parents » reste encore en mémoire des victimes de ce lundi 30 mai 2011).
Histoire de ne pas avoir de remords, j’ai donc demandé à récupérer les photocopies de mes ECN. Et aujourd’hui, pour vous, devant vos yeux ébahis, je vais faire la correction de ce dossier grâce à la grille de correction (fiable à 70%) de l’incroyable et indispensable site BE-COOL. Oui, il faut savoir qu’il n’y a pas d’annales officielles des corrections des ECN ; pour les récupérer, il faut qu’un professeur présent lors de la correction et conscient de cette stupidité donne à un étudiant une copie de la grille de correction, et que ledit étudiant la partage avec les autres via Benj, le webmaster de ce site… Tout ça demande donc une grosse dose d’altruisme pour pouvoir contourner la censure honteuse exercée par le Centre National de Gestion et le Centre National du Concours de l’Internat sur ces corrections qui, si ma mémoire est bonne, est censé faire en sorte que le concours se déroule pour le mieux.
Je vous laisse accéder au site BE COOL pour découvrir la correction proposée, et je vous joins ma propre correction sincère de ma copie (je pense avoir attendu le temps nécessaire…) :
Question 1 : 7/16 (érythématosquameux, topographie ; je ne compte pas les 3 points pour l’omphalite, mais ça méritait d’être dans topographie, à mon humble avis…)
Question 2 : 10/15 (stress, alcool)
Question 3 : 12/17 (VIH, IST)
Question 4 : 12/14 (kératolytique, vitamine D, dermocorticoïdes locaux)
Question 5 : 13/15 (oui, HTA, surpoids, psoriasis) ou 11/15 s’ils ont maintenu qu’un IMC à 29 est une obésité (normalement IMC > 30…)
Question 6 : 7/7 (psoriasis érythrodermique)
Question 7 : 0/8 en étant un peu méchant (4/8 me semble plus réaliste avec une grille qui taperait vraiment sur des mots clés : tumeurs cutanés, contre-indication à la PUVAthérapie…)
Question 8 : 8/8 (rhumatisme psoriasique)
Avec cette correction, j’ai donc 69/100 (76 si je compte gentil). Peut-être que le deuxième correcteur (double correction) m’a mis 61/100, et qu’ils ont fait la moyenne (il n’y a une triple correction que pour une différence supérieure à 15 points). Là, pas de troisième relecture, car ça ne ferait perdre que 3,5 points… Soit 100 places d’après ce petit graphique effectué par un membre de e-carabin.
Peut-être que sur les 9 dossiers j’ai 3,5 points en moins à chaque fois, ou peut-être l’inverse (à l’occasion, je ferai la correction de tous mes autres dossiers avec les grilles de Be Cool et je vous tiendrai au courant). Peut-être que d’autres étudiants ont 5 points en moins à chaque dossier, ou 1 point en moins (ça me semble plus coton d’avoir des points en plus)… La loi des grands nombres doit faire en sorte qu’au final pour tout le monde, ça s’annule – mais par étudiant, certains sont peut-être à leur vraie note et d’autres à -10 ou -20 points. Qui sait ? On peut critiquer les QCMs, mais au moins la chance y a une part bien moindre que dans ces cas cliniques et leur correction à la va-vite.
Et vu que nous sommes tous serrés comme des sardines dans une boîte écrasée par un rouleau compresseur de 30 tonnes (3500 étudiants sur 150 points entre 700 et 850/1000, puis 4500 étudiants sur 300 points entre 400 et 700/1000), quelle est la conclusion de tout ça ? Que ce concours est injuste, incroyablement lié à la chance… La chance d’avoir un sujet qu’on maîtrise, la chance de proposer les bons mots clés, la chance d’être déjà tombé sur un cas clinique similaire, et la chance d’être bien corrigé.
Bien sûr, il n’y a pas que ça. Du tout ! Il y a aussi la triche (l’épreuve de LCA n°2/3 a été annulée parce que des étudiants avaient utilisé leurs smartphones pendant que d’autres attendaient des brouillons), les arrangements entre la fac et les services hospitaliers pour les stages (arrêt des stages à différentes périodes selon les facs), les gens qui ne vont pas en stage pour diverses raisons (maladie, grossesse…)
Et enfin, oui, il y a le mérite. Le travail, la méthode et, peut-être plus que tout, l’intérêt porté à la médecine qu’on nous apprend. Certains sont mieux classés que moi et le méritent (ma copine), d’autres ne le méritent pas… et vice-versa pour les gens placés derrière moi bien sûr !
Allez, la fois prochaine, je vous démontrerai que les ECN ne se résument pas à une évaluation douteuse, mais contiennent également une grosse part d’organisation chaotique : ou comment 8000 étudiants en France ont dû repasser une épreuve parce qu’une poignée de responsables n’avaient pas imprimé assez de brouillons et que d’autres avaient autant d’autorité que des moules sur un rocher (pour laisser les étudiants récupérer leur iPhone sans mettre de sanction)… D’ores et déjà, je vous recommande chaleureusement cette parodie de la Chute qui résume bien la situation des ECN 2011, pour vous mettre en appétit 😉
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