Au milieu des années 90, j’aurais sûrement intitulé ce billet « Menteurs, menteurs » (vous savez, le film avec Jim Carrey). Mais depuis, nous avons eu une série médicale phénoménale et géniale…
Objectivement Dr. House était phénoménal pour avoir su vraiment créer un anti-héros malheureux qui s’est inscrit dans la culture mondiale, avoir explosé des scores d’audience (série la plus regardée au monde en 2008 ou la plus populaire selon le Guiness 2012), lancé des carrières d’acteur (et sûrement aussi de médecin !), reçu divers prix dont les prestigieux Golden Globes, et modifié le champ des possibles en séries médicales ou non. Pas sûr qu’il y aurait pu avoir un Dexter possible sans House avant…
Et subjectivement, la série était géniale à bien des égards. Les aigris des Inrocks ou autres qui pensent que ça a trop duré ont-ils jamais construit quelque chose d’aussi fort et durable ?
Dr. House a placé le cynisme et l’humour noir à son plus haut niveau en son temps, tout en étant la série médicale la plus profonde à mon sens avec de vraies questions d’éthique, de sens de la vie… Bien sûr elle est peu réaliste, cette série (moins que Scrubs même), avec un néphrologue spécialisé en maladies infectieuses drogué qui fait de la chirurgie, de la radiologie, de l’anatomopathologie ou de la biologie à un niveau d’expert international dans chacune de ces spécialités, dans un hôpital où tout résultat s’obtient dans l’heure, et où il est possible de mettre quelqu’un en chimiothérapie ou radiothérapie en claquant des doigts sur une simple hypothèse diagnostique franchement douteuse…
Mais on s’en fiche, parce que c’est avant tout une histoire de détective privé (House est Sherlock Holmes, c’est bien connu) et de combat entre le bien et le mal. C’est d’ailleurs ce qui permet de regarder plus de 150 épisodes construits sur le même modèle sans se lasser (pour ma part). Sur le plan médical, il y a quelques exigences minimales pour donner un semblant de sens… tout en gardant un côté fictif plus palpitant que regarder un externe classer des bilans, un interne répéter jour après jour qu’il attend les résultats du bilan endocrinien ou un avis d’un collègue qui va le rappeler normalement. Il est assez incroyable de constater que cette série à mille lieues de la réalité du terrain a quand même su imposer des références à l’hôpital : qui n’a jamais entendu « ce n’est pas un lupus » ou « il faut appeler Dr. House » ?
Sur le plan humain, la série a montré des problèmes éthiques et exploré les notions de bonheur / malheur et bien / mal avec un brio rarement égalé. Mon côté scénariste-écrivain amateur reste admiratif devant certains épisodes, dont le dernier qui démontre et démonte en 45 minutes (et sûrement mieux qu’il ne l’a jamais été fait durant mes études – hors stages) les réactions à cette triste mais inéluctable vérité : « tout le monde meurt ».
[Paragraphe un peu spoiler ! La (dé)construction de l’épisode est bougrement osée pour ce final, qui réussit à inverser la tendance attendue au fil des épisodes précédents (dans toutes les fins que j’imaginais à 3-4 épisodes de la fin, il y a avait l’enterrement de Wilson +/- le décès ou le retrait de House… mais quel génie d’avoir imaginé tout l’inverse !). La série crée jusqu’à la fin beaucoup d’inattendu et de rebondissements. Elle fait un dernier pied-de-nez aux séries télévisées et à leur fin souvent attendue et sans demi-mesure. Ceux qui attendaient des larmes et des violons, une noirceur à l’image du héros torturé (déjà passé par l’hôpital psychiatrique et la prison, souvent presque mort volontairement ou involontairement), ou encore une destruction de l’hôpital vont être déçus : tout est transposé à la sauce House, voire peut-être moqué… Non ? Oh l’hôpital sera bien abimé, un bâtiment sera détruit, il y aura des morts, et des promesses de bonheur, comme dans toutes les séries. Sauf que là, regardez comment l’hôpital est endommagé (par qui et pourquoi), quel bâtiment sera détruit, qui sont les morts (et pourquoi)… La fin est aussi décalée que la série, les scénaristes réussissent à nous mener vers ce qu’on ne souhaitait pas vraiment, mais qu’on accepte plus que volontiers. Ils font mieux que toutes les fins que le spectateur avait pu s’imaginer, ou était en train de s’imaginer pendant le visionnage de ce dernier épisode.
Dans ce final, le cynisme quasi gratuit des débuts n’est plus un mécanisme de défense mais une philosophie. C’est « Carpe diem », un mode de pensée que House n’a jamais su accepter auparavant, et qu’il décide de prendre dans cet ultime épisode avec son « je peux changer »… Il cite le poète Horace une première fois en parlant du « cercle des poètes disparus » — le film qui a révélé l’interprète de Wilson, personnage qui est à l’origine de cette nouvelle philosophie de House, bonjour la mise en abyme. Il y fait enfin référence avec un nouvel adage, qui ne porte plus sur le lupus mais sur le cancer… Cette vérité devrait rester un classique, car le Carpe diem du XXIème siècle c’est peut-être finalement ça : « Cancer is boring »]
Bref, Dr. House était et reste une excellente série, atypique, audacieuse, qui apprend beaucoup de choses (en médecine, en humanité, en narration, en jeu d’acteur – géniaux Hugh Laurie et Robert Sean Léonard notamment), si on y est réceptif.
Pour vous rassurer, je suis plutôt bon public puisque j’ai trouvé plus qu’acceptable la fin de Lost, une autre série mythique bénéficiant de ressorts scénaristiques de génie (mais là je comprends mieux qu’on puisse en critiquer la fin – celle d’House me semble plus réussie de la part des scénaristes).
Et dans un très prochain billet je vous ferais un top five de mon « Everybody lies » personnel… Qui était le sujet initial de ce billet qui a dévié 😉
{ Laisser un commentaire }
Pingback & Trackback