Au bac, j’ai eu 6 en philo. C’est peu, mais c’était dans la parfaite continuité d’une année où je progressais péniblement entre 4 et 9. Il est donc vraisemblable qu’on puisse résumer mes aptitudes philosophiques par une nullité certaine.
Ce n’était pas très étonnant, ceci étant. Il faut dire qu’en terminale, j’avais 16-17 ans et je n’avais pas des idées très arrêtées sur la liberté, le devoir, l’expression, l’espoir ou toutes ces choses de grandes personnes.
Niveau liberté, mon raisonnement principal était qu’il fallait s’escrimer à sauver Peach des griffes du terrible Bowser. Question devoir, je m’arrêtais aux exercices donnés à la maison. L’expression était mon quotidien puisque je m’étais mis à l’écriture d’un roman, depuis la fin du français (comme je me suis mis à rédiger des cas cliniques à la fin des ECN). Enfin, côté espoir, je savais que je n’aurais aucune difficulté à avoir mon bac (grâce à la théorie de la rentabilité du coefficient), et je me tâtais entre les maths qui me plaisaient énormément (mais me rebutaient à cause des trace-lettres) et la carrière de médecin « libéral », où je pourrais avoir la paix. La liberté, en dehors de celle de Peach, c’était de ne pas avoir de patron — sûrement un idéal familial, avec quelques cousins ingénieurs qui faisaient beaucoup d’heures (ahah, j’ai bien choisi).
Bref, j’étais relativement terre à terre, et ça n’était pas ce qui était attendu en philo. J’avais bien compris le modèle thèse / antithèse / synthèse, mais ça me semblait légèrement artificiel, pour ne pas dire chiant. Je pensais qu’on attendait ma vision personnelle d’une question (selon mon vécu, histoire d’apporter ma pierre à la philosophie mondiale, et grandir tous ensemble dans la joie et la sérénité). Mais je suppose, avec le recul, que les profs attendaient des mots clés, genre « liberté = autonomie, spontanéité, volonté, contraintes, tyrannie, servitude, individu, autrui ». Du bon sens qui allait dans leur bon sens, en fait.
Mon prof, lui, avait été plutôt rassurant lors d’une réunion parents-profs : « Ecoute le petit koala qui est en toi, et tu sauras aller par-delà le ruisseau ». Enfin, il avait dit « si tu es bon en maths, tu as l’esprit logique qui devrait te permettre d’avoir des bonnes notes, il suffit d’avoir le déclic », mais vous conviendrez que ça sonne mieux avec le koala.
Presque une décennie plus tard, où en sommes-nous ?
Je n’ai pas suivi de marsupiaux, à ma connaissance. Je n’utilise jamais les modèles thèse / antithèse / synthèse, puisqu’en sciences, nous sommes plutôt sur un format « introduction, méthodes, résultats, discussion » qui n’a pas grand-chose à voir. Je suis resté terre-à-terre, quand mes écrits ne m’amènent pas sur la Lune, et je n’ai toujours pas grand-chose à voir avec les devoirs et droits des hommes. Je ne dis pas que ça ne m’affecte pas, ou que je n’ai pas un avis, mais enfin ça se résume aux pensées des Miss France : un monde heureux, sans guerre, avec des oiseaux qui font cui-cui, du beau temps mais un peu de pluie pour faire pousser les légumes à consommer quotidiennement entre deux joggings.
Lors des derniers débats sur le mariage pour tous, je n’étais pas contre le mariage entre homosexuels. Allez, j’étais même largement pour, parce que je ne vois pas le mal que ça pourrait causer, et qui je pourrais être au juste pour oser m’interposer contre des êtres humains qui veulent un plus heureux dans leur vie. Mais j’avais beau être pour, ce n’était pas un combat que je me faisais. Ca ne changera rien à ma vie directe, ni à celle d’un cercle personnel ou familial proche, et c’est sûrement pour ça que ça ne m’intéressait que de loin : j’ai un altruisme limité à un cercle très restreint, parce que c’est déjà suffisant comme ça (mais je regarde des films sur les guerres ailleurs, la famine, la tristesse, etc. je me tiens un peu au courant quand même, rassurez-vous). Là, pour les manifestations récentes, j’étais juste fort marri par l’attitude des anti-mariages, capables en leur âme et conscience de défiler contre (le bonheur) d’autres personnes. C’est triste, mais bon… là non plus, je ne vais pas en faire un combat.
Je suis globalement passif et pacifique. Trop, sûrement. La liberté, le devoir, l’expression, les droits… Tout ça dépasse largement mes compétences, j’en ai bien conscience. Mon avis n’intéresse que moi et il n’est sûrement pas très pertinent en dehors de mon propre vécu, d’ailleurs.
La seule différence avec celui d’il y a 9 ans, c’est que maintenant, parfois, des gens me donnent 23€ pour avoir mon avis sur leur vie. Doivent-ils dire merde à tout ? Ne plus lire les sms rageurs d’une ex ? Retrouver cette ex ? Demander la garde des enfants ? Poursuivre le travail ou demander une mutation ? Faire du sport ? Faire moins de sport ? Arrêter de manger ce qui leur plait ? Prendre des médicaments ? Arrêter de prendre des somnifères ? Etre libre, avoir des droits, des devoirs ? Faut-il changer ? Faut-il rester le même ? Peut-on changer ? Dans quelle étagère ?
On a beau s’intéresser à cet avis personnel et professionnel, je dois bien l’avouer : je suis toujours aussi nul en philo.
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