Mesdames, messieurs…
Je suis ravi de voir la salle si remplie. A l’heure des déserts boulangers, c’est bon de savoir que la relève est prête à relever le pain de demain des deux mains.
Comme vous le savez, nous sommes la première et seule école française à avoir opté pour une formation longue, sélective, basée sur le modèle pédagogique médical. En 8 à 10 ans, nous avons le projet de faire de vous des docteurs en boulangerie-pâtisserie de l’avenir, des crèmes de la crème et du glaçage.
Nous vous félicitons donc d’avoir choisi d’intégrer notre établissement, pour apprendre un beau mais difficile métier. Ce n’est pas une surprise pour vous qui vous êtes inscrits : les études de boulangerie-pâtisserie, ça ne sera pas de la tarte.
Je pense que tout le monde ici a une vague idée de ce qui l’attend, je vais toutefois vous remontrer l’organigramme des études. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à lever la patte.
La première année sera consacrée à la formation théorique. Nous traiterons entre autre de la graphologie de la baguette, de la chimie du blé, de l’histoire de l’agriculture, des différences mycologiques entre types de levures, de sciences humaines et sociales du moulin et du meunier depuis le XIIème siècle, de l’éthique de la relation boulanger – client et de la biologie moléculaire de Saccharomyces cerevisiae.
Au terme de cette année, 85% d’entre vous nous aurez donc quitté. Le concours de l’embûche corsée leur interdira de faire des bûches au café, c’est comme ça – et ne me parlez pas de déserts boulangers ou d’embauche de pâtissiers étrangers, s’il vous plait, quand nous vous parlons de formation d’excellence. Les connaissances acquises ici vous permettront toutefois facilement de trouver matière à vous réorienter dans le domaine de votre choix, comme la mycologie ou la monologie.
Ceux qui auront la chance de poursuivre leur parcours ici pourront poursuivre leur formation théorique pendant deux années encore. Ils apprendront notamment comment faire une pâte, comment reconnaître les erreurs de fabrication d’une pâte, avec les outils appropriés – de façon théorique malheureusement, il est impossible étant donné le nombre d’étudiants de faire ça avec de la vraie pâte. De la même façon, ils apprendront une liste relativement exhaustive de pains et de desserts pâtissiers, avec les différentes dimensions et temps de cuisson en fonction des fours, des saisons et des régions. Il est important que chacun maîtrise bien les différents outils, même s’il ne sera probablement jamais amené à les utiliser ultérieurement.
Les deuxième et troisième années sont également l’occasion de travaux dirigés, qui vous apprendront comment trouver des levures sur une île déserte orientée au nord, comment utiliser une meule et un broyeur du Néolithique sur du blé mal fauché ou encore comment reconnaître au microscope le type de levure utilisé, au cas où votre revendeur serait un filou de première classe. De la pratique donc, on entre carrément dans le vif du sujet. Vous aurez également l’occasion d’aller 4 puis 12 heures par semaine dans différents établissements industriels, où vous pourrez observer la création de baguettes, voire participer à leur conception.
De la quatrième à la sixième année, vous serez directement impliqués dans ces établissements industriels, où vous serez des « externes ». Votre job consistera à observer, examiner la pâte, éventuellement surveiller la fermentation du pain. Il est peu probable que vous passiez un stage dans une boulangerie-pâtisserie de ville – même si 50% des externes s’orienteront vers cette carrière.
Parallèlement, vous préparez le Classement de l’Internat Boulanger. Il vous faudra alors lire des mille-feuilles afin de vous former sur les viennoiseries, les pains normaux et les pains périmés, l’hygiène, l’alimentation, la santé du pain, la santé des clients, la glacerie, la confiserie, la chocolaterie, la macaronerie, les pièces montées… Bien sûr, vous pourrez choisir vos 12 stages dans un de ces domaines, afin de vous aider à en maîtriser certains aspects (par exemple, vous pouvez faire le stage de macarons vanille-fraise, très réputé – il faudra évidemment vous former aux autres types de macarons par vous-mêmes, dans les mille-feuilles).
Le Classement de l’Internat Boulanger vous permettra de choisir la suite de votre parcours. Vous aurez alors l’occasion de réaliser vos premiers pains vous-mêmes, de A à Z, à partir de vos connaissances acquises. Vous aurez également deux-trois heures facultatives sur la gestion d’une boulangerie, parce qu’il y a évidemment un peu d’administratif derrière tout ça, mais ça ne nous concerne pas vraiment, nous sommes bien plus dans l’artistique que ça…
J’en vois qui frémissent. Le parcours semble long, certes. Il ne s’agit plus de faire du pain, maintenant nous voulons le pain, celui qui nous plait, à nous boulangers-pâtissiers. C’est de la cuisine moléculaire que nous vous proposons ; les clients suivront quand ils verront la précision chirurgicale de notre art. Il ne s’agit pas de simplement vendre du pain, il faut le comprendre de A à Z, avant de le vendre… Simplement.
Pensez un peu : quelle fierté vous aurez, lorsque demandant un simple pain, votre client se verra proposée une pâte bien ferme, molle, jeune, courte, collante, relâchée, croûtée, forte ou une pâte faible ! Quelle joie alors vous aurez à lui parler des heures durant du métabolisme de Saccharomyces cerevisiae ! Ca y est, vous vous y croyez déjà. Ca, c’est de la boulangerie-pâtisserie ! Alors battez-vous pour avoir le droit de l’exercer, et que le meilleur gagne à la fin de cette année.
Mesdames, messieurs, bienvenue à la prestigieuse « Ecole Française de Boulangerie-Pâtisserie Médicale » !
Quelque part, je suis d’accord. Quelque part, je suis pas d’accord.
Ciel, que de précision dans mon commentaire.
Je pense comme toi 😉 Quand j’écris sur le blog, il y a toujours une part d’effet de style (comme dans les nouvelles, d’ailleurs j’avais écrit qu’on était en 2086 pendant un moment… Et puis non ^^) Mais ce n’est pas une nouvelle car je poste sans relire plusieurs fois avant 😉
Merci pour ton intérêt récidivant ! 🙂
Mon propos était de m’amuser des études de médecine déconnectées pendant les premières années de la pratique médicale (avec l’absence de formation administrative d’un cabinet, le fait qu’on ne sache traiter une angine qu’après 4 ans de formation sur les récepteurs de protéines G et avoir appris la taille du noyau d’un atome, d’un virus, d’une liaison bipeptidique entre deux chaînes ADN…)
On me signale sur Twitter qu’il y a un parallèle à faire avec la « saga des boulangers » qui défend les dépassements d’honoraires, et est tirée d’une fable du Dr. Paquet, d’un syndicat d’ophtalmo, reprise sur le blog de @zigmundoph : http://le-rhinoceros-regarde-la-lune.over-blog.org/page-8393465.html
Même si j’avais déjà vu l’affiche, j’ai écrit cette article sans arrière-pensée à ce mouvement. Je ne suis pas engagé pour ou contre les dépassements d’honoraire, et je m’en fiche légèrement (en médecine générale dans le Nord-Pas-de-Calais de toute façon, je ne ferai pas de dépassement…)
L’article est bien écrit toutefois, pour se donner une idée de la situation du remboursement en médecine, c’est pour ça que je vous passe le lien.
Enfin, pourquoi la boulangerie dans ce post sur MON blog ? Parce que c’est un métier « commun » (boulanger, médecin, facteur, prof, policier et pompier : le village normal des années 1950).
Les boulangers ont un travail difficile, avec des horaires très matinales, des obligations de travailler chaque week-end, et des congés pas forcément évidents à prendre. Ca engage sûrement moins la responsabilité de faire une baguette que de traiter une pneumonie, et il y a moins d’étude (en dehors de mon école de la boulangerie médicale ^^)…
Mais il ne faut pas faire pleurer dans les ménages dans l’autre sens : le salaire moyen des boulangers est de 2 128 € nets / mois (INSEE), contre 6 572 € nets toutes charges payées / mois pour un généraliste moyen (Dossier du Nouvel Obs).
Et puis à un moment, j’espère que chacun choisit le métier qui est le plus susceptible de lui plaire dans les options qui lui sont proposées (et personne n’a qu’une seule option, non.)
j’ai bien aimé ton post lu un peu vite car sur i phone
je n’ai pas voulu l’instrumentaliser pour défendre le droit au S2 ou la justification des honoraires libres
je suis également S1 et quand j’en ai eu la possibilité j’ai refusé le S2 en raison de mes idées sociales et politiques
je le regrette vraiment car à travail égal (et dis toi bien qu’avec l’âge, la force de travail diminue) je me suis appauvri même si j’ai le nécessaire et qu’il n’est pas question de me plaindre(comme je l’ai expliqué quand j’ai rendus publiques mes 2035)
j’estime que ma défense d’honoraires décents est légitimée par mes revenus nettement inférieurs aux moyennes affichées dans la presse
concernant l’inadéquation des études médicales à la réalité du métier je suis bien d’accord c’est un des trucs qui m’a fait basculer dans ma spécialité alors que jusqu’à la 6ème année je voulais être MG
tant que seuls des hospitaliers déconnectés de la réalité de la MG seront seuls responsables de l’enseignement on aura ce hiatus qui fait que peu de gens optent pour la MG
Pas de souci, je ne t’imagine pas l’instrumentaliser… C’est tout à fait l’inverse : je me défendais d’instrumentaliser le tien, qui a fait le tour de la blogosphère médicale 😉
J’ai bien compris également que tu étais S1 et que tu défendais la revalorisation des honoraires (que tu défendrais sûrement moins si tu étais S2 d’ailleurs ;))
Le choix de la MG se fait déjà un peu comme une spécialité. A Lille, une quinzaine d’étudiants la choisissent en étant dans les 2000-2500 premiers, comme d’autres spé. Comme il y a 10 fois plus de place qu’ailleurs c’est effectivement l’une des spé qui restent en fin de classement… Mais la répartition est moins « étonnante » que pour les médecins du travail par exemple.