Daily Archives: 9 octobre 2013

L’aventure des antibiotiques (1/3) – Les antibiotiques sont nos amis contre la vie

Dans cette introduction aux antibiotiques, je vais tenter d’apporter une réponse (un peu subjective) aux questions suivantes :

         Les antibiotiques, qu’est-ce que c’est ?

Pourquoi les antibiotiques n’ont pas 100% d’efficacité ? Pourquoi ont-ils des effets secondaires ?

         Depuis quand ça existe, qui a créé et utilisé les premiers antibiotiques ?

         Pourquoi existe-t-il des résistances aux antibiotiques ? Comment les éviter ?

Quels antibiotiques faut-il connaître pour les ECN/iECN ? Et après, en médecine générale ?

 

Comme c’est long, une fois n’est pas coutume, je vais scinder mon billet en trois parties…

 

Partie 1 – Les antibiotiques sont nos amis contre la vie

Antibiotique signifie « contre » (anti) « ce qui a rapport à la vie » (biotique).

Un antibiotique est donc « contre la vie ». Super engageant, comme traitement !

Aujourd’hui, nous réservons le terme d’antimicrobiotique aux anti-bactériens. Il existe d’autres anti-infectieux : anti-viraux, anti-parasitaires, auxquels on pourrait volontiers associer les anti-mycotiques, insecticides, pesticides, dératisants, et tout autre poison… Le but de ces traitements est le même : tuer des cellules, « tuer la vie ». Leur principal problème est évidemment d’être à la fois contre la vie de l’intrus, et pour la survie de l’hôte. Eviter les dommages collatéraux, en somme… Etre ciblés.

Nous prescrivons souvent des antibiotiques (trop souvent, même). En 2013, nous en connaissons plus de 10 000. Nous en utilisons moins de 100, pour des raisons de disponibilité, d’efficacité, d’acceptabilité, d’effets indésirables, de coût… Pourtant, malgré ce pool gigantesque, aucun n’a une efficacité parfaite. Pour détruire toutes les bactéries, un antibiotique devrait agir sur des mécanismes conservés au cours de l’évolution ; il serait efficace, mais aussi terriblement dangereux pour l’être humain.

Les antibiotiques permettent de réaliser une chimiothérapie, c’est-à-dire de traiter par un médicament synthétisé chimiquement (initialement, la chimiothérapie était la destruction de germes pathogènes par des produits chimiques, lorsqu’elle a été énoncée par Ehrlich, comme nous le verrons en deuxième partie). La chimiothérapie représente un mode thérapeutique, à côté de la phytothérapie (plantes), de la chirurgie (mécanique), de la vaccinothérapie (stimulation de défenses immunitaires), de la radiothérapie (rayonnements ionisants), de la phagothérapie (virus bactériophages), de l’acupuncture, homéopathie et tout ce que vous voulez.[1]

Il y a plusieurs types de chimiothérapie : anti-cancéreuse (pour laquelle on réserve aujourd’hui le terme chimiothérapie), anti-infectieuse, mais aussi les traitements antalgiques (chimiothérapie antalgique par paracétamol), les médicaments luttant contre les maladies cardiovasculaires, neuropsychiatriques… La première chimiothérapie créée était un antibiotique, à base d’arsenic. Je vous reparlerai du 606 très bientôt ! J’essaie de dire qu’il n’y a pas une barrière entre la chimiothérapie (sous-entendue anti-cancéreuse) avec son cortège d’effets indésirables, et les autres traitements synthétisés chimiquement qui n’auraient pas ces effets adverses.

Tous ces traitements sont des chimiothérapies, tous ont des effets indésirables en agissant sur les cellules de l’organisme qui étaient saines. La presse (re)découvre ce fait régulièrement, mais personne ne viendrait jamais s’intéresser aux effets indésirables de chimiothérapies anti-cancéreuses, car ils sont considérés acquis.

Dans les cancers, les cellules dangereuses partagent le même métabolisme et les mêmes structures que les cellules saines. Détruire les cellules cancéreuses est un vrai défi, car il faut cibler les mécanismes anormaux, et laisser fonctionner les cellules voisines très similaires ! Tuer les bactéries est plus facile : elles ont des membranes, des protéines, une synthèse d’ADN différentes, certaines se développent avec ou sans air, en milieu acide ou alcalin… (vous pouvez même lire ma nouvelles sur les Extrêmophiles, génial non ?). Voilà pourquoi les antibiotiques possèdent moins d’effets indésirables que les chimiothérapies anti-cancéreuses. Elles n’en sont toutefois pas dépourvues, car chacun va réagir de façon différente à une nouvelle molécule, parfois trop ou pas assez.

Par ailleurs, nous vivons en symbiose avec énormément de bactéries… Notre microbiote intestinal compte 100 000 milliards de bactéries, soit dix fois plus que l’ensemble des cellules humaines de notre organisme ! Tout antibiotique cause des dégâts dans cette union harmonique, et peut permettre à des bactéries moins « pacifiques » de s’installer (diarrhées post-antibiotiques avec, notamment, la colite pseudo-membraneuse à Clostridium difficile…)

Certains travaux récents retrouvent un déséquilibre dans la flore intestinale dans les maladies inflammatoires chroniques intestinales (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique), sans établir de lien de causalité. Les probiotiques (type Actimel® ou Ultralevure®) et la « transplantation fécale » adoptent ce créneau : mangeons de bonnes bactéries pour peupler notre intestin convenablement… Nous n’avons pas de preuve de l’efficacité, mais le sujet est intéressant. Il y aura certainement de nombreuses études là-dessus dans les années à venir.

Dans la deuxième partie, nous verrons comment un peu de morve au nez a permis une découverte scientifique, pourquoi il faut prendre des vacances, et comment un thésard aurait pu découvrir le premier antibiotique un quart de siècle avant tout le monde. A bientôt 😉



[1] L’homéopathie n’est pas un traitement par les plantes (phytothérapie). Hahnemann a utilisé pour la première fois China, mais ensuite, c’est allé beaucoup plus loin, avec des prélèvements d’écoulements de blénorragies (Medorrhinum), de crachats de coquelucheux (Pertussinum), d’abeilles vivantes (Apis), etc. Les trois principes en sont l’infinitésimalité (le tout est dilué au minimum à 5CH soit 1 goutte pour 500 litres, 1 ml dans 10 tonnes d’eau, ), la similitude (vous vous brûlez, on vous donne du chaud ; vous toussez, on donne une plante qui fait tousser…) et la globalité (vous êtes malade parce que votre énergie est perturbée et si vous avez une angine gauche, ce n’est pas un hasard que ça ne soit pas à droite, mais bien parce que votre corps n’aime pas sa gauche). En gros.

Notez également que les plantes ne sont pas inoffensives, sinon Socrate aurait juste dit « hum, un peu amère, cette ciguë ».

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