Je réponds à des commentaires de fin mai et début juin (Docleeloo et speculos) qui me demandaient « comment tu fais ta bibliographie ».
Je sais, j’ai mis du temps… Mais j’étais occupé. J’ai notamment préparé le site du centre régional de pharmacovigilance du Nord-Pas-de-Calais (ça m’a occupé, et je viendrai vous le présenter d’ici quelques jours/semaines, dans le mois en tout cas !)
Bref, j’ai fait d’une pierre deux coups : « un article sur la biblio pour mon blog… qui sera très bien pour expliquer le fonctionnement d’un centre de pharmacovigilance ». Du coup, voici en avant-première cet article, qui résume aussi comment je fais mes bibliographies (c’est très axé pharmacologie là, donc il faut supprimer certains éléments pour les recherches « diagnostiques », etc.)
Bon, du coup je parle à la première personne du pluriel, ne vous inquiétez pas pour ma santé mentale, c’est normal, nous allons bien 😉
Avant de débuter la recherche, nous définissons des objectifs de recherche. Ils sont globalement similaires pour chaque question : épidémiologie, diagnostics différentiels, mécanismes physiopathologiques, délais de survenue des symptômes, régression à l’arrêt, récidive à la réintroduction…
Ensuite, nous reformulons la question, en la transformant en mots-clés anglais du thésaurus MeSH. Pour cela, nous utilisons le Portail Terminologique de Santé proposé par l’équipe CISMeF du CHU de Rouen.
HeTOP permet également, entre autres, de trouver des codages particuliers : classification de maladies (CIM-10) ou symptômes liés à un effet indésirable médicamenteux (WHO-ART).
Lorsque la question est large ou concerne un domaine spécialisé, nous pouvons nous faire un avis global, par une recherche sur Google ou Wikipedia… Nous sélectionnons évidemment les avis référencés, et lisons les sources scientifiques.
Nous vérifions parfois les principaux sites de recommandations françaises (Haute Autorité de Santé, Vidal Recos), les avis et consensus de sociétés savantes françaises (Bibliothèque Médicale Lemanissier), les recommandations des autres pays francophones (Diffusion des REcommandations Francophones en Consultation de Médecine Générale), ainsi que les recommandations des autorités gouvernementales britanniques et américaines (US Guidelines).
Nous complétons également nos connaissances globales sur le sujet grâce à des revues générales (telles que la Revue du Praticien, la Revue Médicale Suisse, le Médecin du Québec), ou principalement grâce à l’encyclopédie médico-chirurgicale.
Nous avons accès à la version Premium de l’Encyclopédie médico-chirurgicale via le Service Commun de Documentation de l’université Lille 2. Nous y avons également un accès au Vidal, et à de nombreux revues via PubMed, WebOfScience, la librairie Cochrane, Scopus, ScienceDirect, SpringerLink, Wiley-Blackwell Interscience ou la Banque de Données en Santé Publique…
Ensuite, nous cherchons toujours dans les monographies françaises et internationales des médicaments imputables. Pour cela, nous consultons en premier lieu les monographies françaises : Vidal, Thériaque.
L’e-Vidal donne également un accès à Tox’In (une base de conduite à tenir en cas d’intoxication, à associer à un appel au Centre Anti-Poison), et les Vidal Recos (une base claire et synthétique de conduite à tenir diagnostique et thérapeutique).
Nous cherchons également toujours dans les monographies internationales : Martindale : The Complete Drug References, Meyler’s Side Effects of Drugs et le Physician’s Desk Reference (fournissant les données des études pré-cliniques).
Nous poursuivons parfois nos investigations dans le répertoire des spécialités pharmaceutiques (utile pour retrouver les dates d’autorisation), et la Base de Données publiques des médicaments (qui donne un accès aux avis de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament en France, et les résumés de caractéristiques de produits de l’European Medicines Agency). Nous avons également à disposition les dernières enquêtes de pharmacovigilance qui n’ont pas encore été publiées sur le site de l’ANSM.
Sur le plan international, nous explorons parfois les sites suivants : British National Formulary (BNF), DrugBank, Centers for Disease Control and Prevention, MedlinePlus, et FDA (résumés de caractéristiques de produits aux Etats-Unis, et données des études pré-cliniques).
Nous cherchons ensuite des interactions médicamenteuses dans le Thésaurus ANSM des interactions médicamenteuses et le Stockley’s Drugs Interaction.
Nous utilisons également la table des interactions médicamenteuses par cytochrome P450 et la P-Glycoprotéine proposée par le site des Hôpitaux Universitaires de Genève.
Avant la recherche dans la littérature, si c’est justifié, nous cherchons dans les bases BiourTox, qui dénombre les références bibliographiques concernant les toxicités hépatologique (Hepatox), hématologique (Hematox), néphrologique (Nephrotox), pancréatique (Pancreatox), pneumologique (Pneumotox). Ces bases nous donnent déjà des pistes de références bibliographiques, de mécanisme physiopathologique et de délais de survenue des symptômes.
Pour les questions à propos de la prise de médicaments durant une grossesse ou un allaitement, nous interrogeons en premier lieu la base CRAT (Centre de Référence des Agents Tératogènes). Nous contactons également volontiers les laboratoires commercialisant les médicaments, pour connaître les données de pharmacovigilance, et leur suivi chez les femmes enceintes.
Nous effectuons ensuite toujours une recherche dans la littérature : cas cliniques, revue de littérature… Nous avons divers revues à notre disposition : Reactions Weekly (cas cliniques), Drug Safety, Thérapie (journaux de pharmacovigilance), Prescrire (revue indépendante sur les stratégies de soins et de thérapeutiques).
Nous regardons ensuite dans les principales banques de données internationales : PubMed et Google Scholar. Nous utilisons nos accès au Service Commun de Documentation et à BiblioINSERM, afin de de majorer le nombre de revues (et d’articles) disponibles.
C’est à ce moment-là notamment que les mots-clés MeSH sont intéressants : au lieu de PubMed, on peut faire une recherche MeSH avec des connecteurs classiques AND, OR et NOT (utilisables globalement partout, sur Google aussi).
Nous cherchons également parfois dans WebOfScience, la Banque de Données en Santé Publique, LILACS pour compléter avec la littérature publiée non référencée sur PubMed. Nous pouvons également trouver des éléments de pharmacovigilance dans quelques revues citées par le Centre d’Evidence-Based Medicine : Cochrane Library, la revue belge Minerva, TripDatabase, BestBets, TheNNT…
Enfin, nous pouvons compléter la recherche par ScienceDirect, SpringerLink, Wiley-Blackwell… Nous pouvons également vérifier les essais cliniques en cours sur le metaRegister ou ClinicalTrials, plutôt dans un contexte de recherche universitaire. A noter que nous n’avons pas d’accès actuellement à certaines autres banques de données de littérature grise, telles que EMBASE, Pascal, CINAHL, AMED…
Lorsqu’un article semble intéressant mais nous reste inaccessible à travers ces divers bases, nous cherchons l’auteur sur le réseau social ResearchGate pour lui demander s’il accepte de nous envoyer une version de son travail.
Enfin, à la fin de notre recherche, nous retournons aux « cas cliniques » à travers la Base Nationale de Pharmacovigilance.
Nous y effectuons une recherche croisée entre le médicament suspecté et l’effet indésirable retrouvé (en élargissant notre recherche si nécessaire), puis nous analysons les cas retrouvés pour définir un délai de survenue, une évolution à l’arrêt du médicament, une récidive à la reprise, l’implication d’autres médicaments, etc.
Nous avons également accès à Vigilyze, la base internationale de pharmacovigilance pilotée par l’OMS ; les cas y sont moins détaillons, et nous l’interrogeons donc essentiellement lorsqu’un événement indésirable n’est pas retrouvé dans la Base française.
Lorsque vous nous interrogez sur une suspicion d’effet indésirable médicamenteux, nous effectuons une recherche dans ces différentes bases : agences gouvernementales, sociétés savantes, monographies française et internationales, littérature à partir de plusieurs bases, revues non indexées, base nationale de pharmacovigilance. Ce travail demande plusieurs heures, que vous ne pouvez logiquement pas consacrer en plus de votre activité clinique ; c’est également pourquoi nous nous tenons à votre disposition pour toute suspicion d’événement indésirable médicamenteux, même si cet effet est peu probable et non décrit dans le Vidal.
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