Je ne prescrits jamais d’AINS lors d’une infection, quelle qu’elle soit. Lors de la préparation des ECN, j’ai appris que les AINS favorisaient les infections, et je m’en suis tenu à ça… D’ailleurs, dans un de mes cas cliniques, je sanctionne d’un PMZ l’oubli d’arrêt des AINS dans un cas de cellulite dentaire.
Mais est-ce vrai : est-ce que les AINS favorisent les complications infectieuses locales des angines ? (notamment).
La question fait débat sur Twitter depuis quelques mois / années…
Personnellement, j’ai déjà pris en charge 3-4 cellulites dentaires et tous avaient consommé des AINS par voie orale auparavant (ibuprofène, kétoprofène, diclofénac).
D’autres médecins (généralistes, anesthésistes, chirurgiens thoraciques…) ont une expérience similaire.
Patient de 50ans,angine « j ai envie de mourir »#PPCS Phlegmon transféré en ORL à Paris #Diag Était sous ibu cc @ElliotReid_MD
— docteurmilie (@docteurmilie) 3 Août 2014
@Dr_Foulard urgences chirurgicales du CHU, on récupère toutes les cellulites dentaires et phlegmons que personne ne veut faire la nuit
— nfkb (@nfkb) 8 Octobre 2012
@nfkb @Dr_Foulard En 1er semestre, j’avais 1 garde/sem au SAU d’un périph. Cellulites sous AINS RÉGULIÈRES. Stage de CMF : 2,3/sem
— Stockholm (@Taltyelemna) 8 Octobre 2012
Par contre — à raison ! — certains restent sceptiques devant les caisses d’AINS distribuées et le faible nombre d’effets indésirables retrouvés.
@ami89_pharma @Pharmfr @EVEPIE 1) Quelques cas pas vraiment convaincants qui se battent en duel pour une exposition massive
— ApothicaireAmoureux (@PotardDechaine) 3 Août 2014
@ami89_pharma @Pharmfr @EVEPIE 2) Pas vraiment d’études interventionnelles ou obs publiées qui confirmeraient un risque (s’il existe) — ApothicaireAmoureux (@PotardDechaine) 3 Août 2014
@ami89_pharma @Pharmfr @EVEPIE 3) Malheureusement seules des études pourraient répondre à cette question — ApothicaireAmoureux (@PotardDechaine) 3 Août 2014
@ami89_pharma @Pharmfr @EVEPIE 4) perso je n’y crois pas 15 secondes.
— ApothicaireAmoureux (@PotardDechaine) 3 Août 2014
@Dr_Fraggle @docteuremma @docteurgece @PotardDechaine En fait, il faudrait demander à @mimiryudo de ns faire un article pour casser le mythe
— ami89 (@ami89_pharma) 10 Août 2014
Voilà pour les données “empiriques” qui disent ceci : AINS et angine, ça a l’air de craindre… Bien sûr, l’empirisme ne prouve rien, et concordance n’est pas causalité : les douleurs dentaires font souffrir, et les patients essaient tous les antalgiques disponibles dans leur pharmacie ou en vente libre (paracétamol et AINS). C’est « normal » que ceux-ci soient associés aux cellulites faciales. Ce qui serait « anormal », c’est qu’ils les causent…
Alors, du coup, que voulons-nous ? Des études prospectives !
Ouais \o/ Mais non, y’en a pas. /o\
Le mieux c’est une étude expérimentale prospective : à partir d’aujourd’hui, nous sélectionnons les angines, nous les traitons en deux groupes (AINS / paracétamol ou placebo), et nous calculons le taux d’abcès dans chaque groupes.
Ok. Faisons ça. Mais si on prend 10 angines, ça va être un peu juste… et si on en prend 1 milliard, ça va être un peu coûteux. Du coup, combienkilenfaut ?
C’est le moment idéal pour parler du NSN : nombre de sujets nécessaires.
Regarder s’il y a une différence de proportion de phlegmon / abcès périamygdalien entre deux groupes, c’est prendre deux risques :
- dire qu’il n’y a pas de différence alors qu’il en existe une (le risque α)
- dire qu’il y a une différence alors qu’il n’en existe pas (risque β).
Il y a une formule pour calculer le « nombre de sujets nécessaires » ; elle est un peu barbare, et je l’ai retrouvée ici :
NSN = (zα/2 – zβ)² / [2 (arcsinus p11/2 – arcsinus p21/2)²]
Oui, un jour j’utiliserai LaTeX.
Alors, il y a des trucs simples. Par exemple, 2, c’est simple.
Ensuite, α on prend classiquement 5 % dans nos études (bien que ça soit remis en question), et dans ce cas zα/2 dans la table de loi normale centrée réduite, ça fait 1,96. Enfin, β c’est 20 % qui est classiquement choisi, donc zβ = – 0,842.
Pour la proportion de phlegmons p1, c’est environ 20 pour 10 000 angines (1) (avec ou sans antibiotiques, j’en avais parlé ici). On supposera ici que c’est 20/10 000 sans AINS (à tord, mais c’est pour l’exemple).
L’autre proportion, p2, c’est à nous de la définir. Trois choix s’offrent à nous :
- En plus d’être visuellement agréables, nous sommes riches \o/ Et notre plan est simple : nous voulons détruire les AINS en clamant qu’ils augmentent le risque. Montrons donc qu’il y a une différence minime de 2 phlegmons (22 au lieu de 20 / 10 000 !)… Dans ce cas, il nous faut 822 180 patients. Heureusement, nous sommes riches (pour l’anecdote, les essais d’efficacité à 300 000 patients peuvent montrer les effets les plus minimes qui soient, et c’est pourquoi il convient de toujours revenir aux nombres en valeur absolue et pas en rester au petit p ;-)),
- Nous sommes raisonnables, et nous considérons que passer de 20 à 35 phlegmons/10 000, c’est déjà pas mal (c’est du pifomètre)… Dans ce cas, c’est 18 777 patients qu’il nous faut.
- Nous sommes des thésards, et nous voulons finir notre étude avant la sortie du livre 7 de Kaamelott (pour avoir l’esprit tranquille à ce moment-là) : nous nous contenterons de savoir si les AINS ne font pas passer de 20 à 100 phlegmons/10 000 angines, et en-dessous ça ne nous intéresse pas (enfin, ça intéressera quand même les tribunaux) : 1 278 patients suffiront.
Voilà, donc, vous avez compris où je voulais en venir avec mes stats : une étude prospective pour les AINS dans l’angine, personne ne la paiera et nous ne saurons jamais avec certitude. (Sauf s’il y a un mécène dans la salle, ou sauf si on se décide enfin à coordonner un peu les dossiers informatiques de médecins généralistes qui le souhaiteraient, comme la GPRD au Royaume-Uni).
Alors, à défaut, faisons avec ce nous avons. Des études. Ouais \o/
J’ai utilisé un peu de tout ça pour faire mes recherches (https://www.mimiryudo.com/blog/2014/07/rechercher-des-references-bibliographiques/)
La monographie française des AINS (2) mentionne de très rares (< 1/10 000) « exacerbations d’inflammations associées à une infection (par exemple développement d’une fasciite nécrosante) coïncidant avec l’utilisation d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens ». Coïncidant : ils ne se mouillent pas.
Toujours dans la monographie française, il y a la lettre de l’AFSSAPS du 15 juillet 2014 intitulée « l’utilisation d’AINS dans le traitement de la fièvre et/ou de la douleur n’est pas recommandée chez l’enfant atteint de varicelle ». La lettre explique que les AINS étaient associés dans la varicelle à des abcès cutané, pyodermite, cellulite, fasciite parfois nécrosante, infection et nécrose cutanée… qui peuvent survenir en dehors de tout traitement par AINS. De plus, « les rares études ayant abordé le rôle favorisant des AINS dans ces complications infectieuses ne permettent pas, en l’état, ni de l’affirmer, ni de l’exclure. » (De toute façon, il y a aussi le syndrome de Reye, donc hop, contre-indiqué dans la varicelle).
La monographie américaine ne raconte pas de meilleure histoire (3).
Dans la littérature, nous trouvons des arguments plutôt contre la iatrogénie des AINS :
- Un comprimé unique d’AINS était bien toléré à 1 heure de la prise (4),
- Sur 17 effets indésirables liés aux AINS sur 461 dans la région de Calabre (Italie), aucun n’était infectieux (5),
- D’après une méta-analyse sur 17 études contrôlées versus placebo (1820 patients), il n’y a pas plus d’effets indésirables sous AINS que sous… placebo ! (6) (On reparlera un peu en-dessous de nombre de sujets nécessaires.) Une autre étude trouve la même chose sur 1069 participants (7).
Et nous trouvons aussi des arguments plutôt pour…
- Sur 7 fasciites nécrosantes survenus entre 1983 et 1985, 5 ont évolué de façon fulminante, et étaient toutes les 5 sous AINS (8),
- 50 % de 8 patients présentant une cellulite étaient traités par AINS (9),
- 47 % de 17 patients ayant présenté une cellulite étaient sous AINS ou corticoïdes (et 88 % sous antibiotiques) (10),
- 47 % des 51 patients ayant une cellulite cutanée (pas forcément ORL) nécrotique « chirurgicale » étaient sous AINS contre 24 % des 45 patients ayant une cellulite « non chirurgicale » (p < 0,002) (11),
- 40 % des 130 patients présentant une fasciite nécrosante faciale étaient sous AINS, 27 % sous corticoïdes (ces derniers étaient associés à une extension médiastinale ; les AINS n’y étaient pas associés) (12),
- 52 % des 267 patients ayant présenté une cellulite dentaire à Lille entre le 30 avril et le 31 octobre 2006 étaient sous AINS. Il y avait plus de lymphangite sous AINS (8 vs 1, soit 5,7 % vs 0,8 %, p = 0,028), mais pas plus de diffusion cervicale ou temporale… Les patients sous AINS étaient également plus souvent sous antibiotiques que les autres (88 vs 54 soit 62,4% vs 42,8%, p = 0,001) (13)
- D’après l’étude du Pr. Reyt (dont je parlais ici), 65 % de 412 patients ayant présenté un abcès péri-amygdalien étaient sous AINS (et 39 % sous antibiotiques),
- La Revue Prescrire est également en faveur d’une éviction des AINS dans les infections ORL (14) : le contraire qui aurait été très surprenant 😉
La discussion d’une étude (9) se réfère à des articles auxquels je n’ai pas d’accès étendu, et évoque deux mécanismes possibles :
- la phénylbutazone réduit l’activation des granulocytoses, de la phagocytose et de la destruction intracellulaire du Staphylocoque et du Streptocoque, in vitro (d’après l’étude expérimentale de Solberg),
- les AINS réduisent l’inflammation locale, les signes cliniques et retarderaient le délai de la première consultation.
Bon…
En effet, sur la littérature actuelle, il n’y pas de réponse tranchée sur cette question de iatrogénie. Enfin, globalement, ça ne m’incite pas à en prescrire, voilà tout.
Du coup, c’est un bon terrain pour une étude cas/non-cas (ou analyse de disproportionnalité) dans la base nationale de pharmacovigilance (ça n’a pas encore été fait – ou je n’ai pas trouvé…). J’ai pris les 255 764 observations de la base enregistrées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2013 (il y en a 279 834 dont 24 070 cas enregistrés par des laboratoires, que j’ai supprimé, pour éviter les biais d’enregistrements – certains labos jouent le jeu, d’autres non).
En fait, j’ai fait deux études : abcès ou cellulite pharyngé (18 cas dans la base) puis infections ou infestations (7786 cas dans la base).
Parmi ces 255 764 observations, 18 concernaient des abcès pharyngé ou périamygdalien ou cellulite pharyngé. Sur ces 18 cas, 12 étaient sous IBUPROFENE et 6 n’y étaient pas ; parmi les 255 746 non-cas (255 764 – les 18 abcès), 3728 étaient sous ibuprofène et 252 018 n’y étaient pas. Ceci nous permet de calculer un OR à 135 avec un IC95% [51 – 360]. Ces cas concernent des patients de 1 à 79 ans, surviennent à 1 à 3 jours après la prise d’AINS, parfois à 9 voire 18 jours après le début du traitement.
Sous KETOPROFENE et DICLOFENAC, aucun cas n’est enregistré. Dans ce genre d’étude, on prend un témoin positif, ce qui ne ressortait pas avec le premier immunosuppresseur que j’ai testé (j’aurais pu tricher et regarder les cas, mais ce n’est pas le but). On teste aussi sur un témoin négatif : 0 cas sous LEVOTHYROX, 2 cas sous AMOXICILLINE parmi 11128 expositions à ce médicament (OR = 2,7 [0,6 – 12,0]), ou 5 cas sous PARACETAMOL parmi 19 694 expositions (OR = 4,6 [1,6 – 12,9]).
Pour les infections ou infestations (7786 cas), on a une exposition à :
- Ibuprofène : 402 cas sur 3340 expositions, soit OR = 4,0 [3,6 – 4,4],
- Kétoprofène : 163 cas sur 4233 expositions, soit OR = 1,3 [1,1 – 1,5],
- Diclofénac : 89 cas sur 2297 expositions, soit OR = 1,3 [1,0 – 1,6],
- Paracétamol (témoin négatif raté) : 654 cas sur 19694 expositions, soit OR = 1,1 [1,02 – 1,2],
- Levothyrox (témoin négatif réussi) : 124 cas sur 5665 expositions, soit OR = 0,7 [0,6 – 0,8],
- Azathioprine (témoin positif) : 145 cas sur 1563 expositions, soit OR = 3,3 [2,8 – 3,9].
Donc, dans la base nationale de pharmacovigilance, il y a bien une association entre AINS et abcès pharyngé/cellulite pharyngée, et entre AINS et infections… mais :
- Cette association est en partie une coïncidence (biais de confusion) : comme on le voit, le paracétamol est aussi associé aux infections (en tant qu’anti-douleur, anti-fièvre…) dans les deux cas ;
- Cette association pourrait être plus qu’une coïncidence quand même : l’odd-ratio est plus important pour l’ibuprofène (OR à 135 pour les abcès pharyngés, c’est pas mal quand même),
- Il peut y avoir un biais de sélection : c’est rétrospectif, avec des données manquantes ou tronquées (sur les médicaments pris notamment) ;
- Par ailleurs, tous les effets indésirables dans la base nationale de pharmacovigilance émanent de déclarations spontanés des praticiens qui sous-déclarent (3-5 %, en privilégiant les effets rares, graves ou non connus) – s’ils « croient » que les AINS peuvent donner un phlegmon, ils vont peut-être surdéclarer… ou sous-déclarer (« ah bah c’est connu, ça ne sert à rien »),
- Il peut y avoir un biais d’investigation : les pharmacologues enregistrent dans la base selon la méthode d’imputabilité probabiliste, y compris des cas douteux (afin de ne rater aucun signal)… toutefois, il y a une première évaluation par les pharmacologues, ce qui est déjà mieux que dans la plupart des autres bases de pharmacovigilance internationales,
- Un effet indésirable « largement » enregistré pourrait en masquer un autre ; finalement, ce n’est pas trop le cas ici.
Donc si je résume :
- les phlegmons péri-amygdaliens, c’est rare (2 pour 1000 angines – avec ou sans AINS),
- il y a plein d’études qui trouvent que 50 % des patients ayant présenté une cellulite faciale étaient sous AINS (et 50 % n’en prenaient pas) ; ça monte jusqu’à 65 % dans une étude et 67 % dans la base nationale de pharmacovigilance,
- une association existe entre ibuprofène et diclofénac ET abcès pharyngé/cellulite pharyngée dans la base nationale de pharmacovigilance, sous réserve d’un faible nombre de cas et de possibles biais de confusion et de sélection (et nous n’avons pas de témoin positif pour cette petite étude),
- une association est trouvée entre ibuprofène, kétoprofène et diclofénac ET infections ou infestations dans la base nationale de pharmacovigilance ; nous avons cette fois plus de cas, un témoin positif et un témoin négatif. Un biais de confusion reste toutefois possible (une association est trouvée avec le paracétamol, mais elle est bien plus faible qu’avec les AINS),
- il existe quelques rares arguments expérimentaux pour dire que les AINS pourraient favoriser une infection,
- pour étudier de façon prospective ce problème et montrer une association, il faudrait au moins 20 000 patients, ce que personne ne fera en France tant que la médecine générale n’aura pas de larges bases de données (ce qui est dommage et me fait dire ceci :
Au final, pas de changement pour moi : pas d’AINS dans les infections non contrôlées, y compris les angines (avec ou sans antibiotiques).
Dernier message, j’ai créé il y a quelques semaines le site du centre régional de pharmacovigilance du Nord-Pas-de-Calais (où je suis en stage jusque novembre). J’ai posté un questionnaire ouvert à tous, sur le design / l’utilité et ce qui améliorable selon vous sur le site. J’ai déjà 93 réponses ; si vous n’avez pas donné votre avis, ou si vous souhaitez partager, vous êtes les bienvenus : plus j’ai de réponses, mieux ça sera pour la communication que je compte en faire…
EDITION 27/10 : correction mineure au niveau des IC95 %…
__________
Références :
1. Petersen I, Johnson AM, Islam A, Duckworth G, Livermore DM, Hayward AC. Protective effect of antibiotics against serious complications of common respiratory tract infections: retrospective cohort study with the UK General Practice Research Database. BMJ. 8 nov 2007;335(7627):982.
2. Thériaque – AINS [Internet]. [cité 11 août 2014]. Disponible sur: http://www.theriaque.org/apps/monographie/view/eff_cli_th.php?type=SP&id=22302&organe=A13&nature=BA29&classe=
3. FDA Approved Drugs Products – Center for Drug Evaluation and Research – Application number 201803Orig1s000 Medical Review(s) [Internet]. [cité 11 août 2014]. Disponible sur: http://www.accessdata.fda.gov/drugsatfda_docs/nda/2012/201803Orig1s000MedR.pdf
4. Ruperto N, Carozzino L, Jamone R, Freschi F, Picollo G, Zera M, et al. A randomized, double-blind, placebo-controlled trial of paracetamol and ketoprofren lysine salt for pain control in children with pharyngotonsillitis cared by family pediatricians. Ital J Pediatr. 2011;37:48.
5. De Sarro G, Carbone C, Rende P, Comberiati P, Carnovale D, Mammì M. The safety of ketoprofen in different ages. J Pharmacol Pharmacother. 2013;4(5):99.
6. Perrott DA, Piira T, Goodenough B, Champion GD. Efficacy and safety of acetaminophen vs ibuprofen for treating children’s pain or fever: a meta-analysis. Arch Pediatr Adolesc Med. juin 2004;158(6):521-526.
7. Kim SY, Chang Y-J, Cho HM, Hwang Y-W, Moon YS. Non-steroidal anti-inflammatory drugs for the common cold. Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. John Wiley & Sons, Ltd; 1996 [cité 11 août 2014]. Disponible sur: http://onlinelibrary.wiley.com.doc-distant.univ-lille2.fr/doi/10.1002/14651858.CD006362.pub3/abstract
8. Rimailho A, Riou B, Richard C, Auzepy P. Fulminant necrotizing fasciitis and nonsteroidal anti-inflammatory drugs. J Infect Dis. 1987;155(1):143-146.
9. Righini C-A, Motto E, Ferretti G, Boubagra K, Soriano E, Reyt E. Cellulites cervicales extensives et médiastinite descendante nécrosante. Ann Otolaryngol Chir Cervico-Faciale. déc 2007;124(6):292-300.
10. Thiebaut S, Duvillard C, Romanet P, Folia M. [Management of cervical cellulitis with and without mediastinal extension: report of 17 cases]. Rev Laryngol – Otol – Rhinol. 2010;131(3):187-192.
11. Chosidow O, Saiag P, Pinquier L, Bastuji-Garin S, Revuz J, Roujeau J. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs in cellulitis: A cautionary note. Arch Dermatol. 1 déc 1991;127(12):1845-1845.
12. Petitpas F, Blancal J-P, Mateo J, Farhat I, Naija W, Porcher R, et al. Factors associated with the mediastinal spread of cervical necrotizing fasciitis. Ann Thorac Surg. janv 2012;93(1):234-238.
13. Nicot R, Hippy C, Hochart C, Wiss A, Brygo A, Gautier S, et al. Les anti-inflammatoires aggravent-ils les cellulites faciales d’origine dentaire ? Rev Stomatol Chir Maxillo-Faciale Chir Orale. nov 2013;114(5):304-309.
14. Rev Prescrire 2014 ; 34 (369) : 516. AINS : phlegmons, cellulites cervicales ? [Internet]. [cité 11 août 2014]. Disponible sur: http://www.prescrire.org/Fr/29985FAC198A6AAAC0A8CD89975576DC/Download.aspx
et la cortisone ?
« Les corticoïdes possèdent un effet immunosuppresseur qui peut se traduire par la survenue d’infections bactériennes ou mycosiques, de tuberculose pulmonaire, et de parasitoses. Ces effets indésirables systémiques ont également été décrits avec les formes administrées par voie cutanée, nasale et pulmonaire. Des cas d’infections à Candica albicans nasales et pharyngées lors du traitement, ont été décrits avec les corticoïdes administrés par voie nasale ou inhalée. Des infections secondaires, particulièrement sous pansement occlusif ou dans les plis ont également été rapportées lors de l’utilisation des corticoïdes locaux.
Une infection oculaire peut être masquée par l’action anti-inflammatoire et analgésique du glucocorticoïde. Cet effet indésirable systémique a été décrit avec les formes orales et injectables des glucocorticoïdes.
Réf. : J. Costa. Corticotrophins and corticosteroids. In : Dukes MNG and Aronson JK, Eds. Meyler’s side effects of drugs. Amsterdam : Elsevier, 14ème ed, 2000 : 1369-87.
Réf. : Martindale -The complete drug reference- 37ème ed, The Pharmaceutical Press, London 2011 : 1628-1685. »
Dans la littérature, il y a des discordances :
– 12,7% sur 2111 patients traités par corticoïdes vs 8% sur 2087 non traités (RR = 1,6 [1,3 – 1,9]) ; (Stuck AE, Minder CE, Frey FJ. Risk of infectious complications in patients taking glucocorticosteroids. Rev Infect Dis. déc 1989;11(6):954-963.)
– 6 études sur 8 ne montrent pas d’association, et deux études montrent de faibles associations à moins de 5 mg/jour RR = 1,32 [1,06 – 1,63] et 6-10 mg/j RR = 1,95 [1,53 – 2,46]. (Ruyssen-Witrand A, Fautrel B, Saraux A, Le-Loët X, Pham T. Infections induced by low-dose corticosteroids in rheumatoid arthritis: a systematic literature review. Jt Bone Spine Rev Rhum. mai 2010;77(3):246-251.)
Dans mon étude cas/non-cas, sur 2004-2013, j’ai 5180 expositions aux corticoïdes contenant « predniso » (prednisone, méthylprednisolone, prednisolone et sans doute d’autres) dont 339 cas enregistrés par des laboratoires que j’ai exclu.
– Pour les abcès pharyngé ou périamygdalien / cellulites pharyngés (21 cas moins 3 cas labos) : 2 expositions aux corticoïdes (pas de cas labo), soit OR = 6,5 [2,3 – 18,5],
– Pour les infections et infestations (11 033 cas moins 3247 cas labos) : 774 expositions aux corticoïdes – 164 cas labos, soit OR = 4,9 [4,6 – 5,2].
Donc, sur les infections locales il n’y a pas débat (arthrite post-injection, mycose linguale…) ; pour les anguilluloses systémiques sous corticoïdes, c’est bien décrit aussi… Pour les aggravations du risque infectieux, c’est signalé dans les monographies, retrouvé dans la base de pharmacovigilance, et ça fait débat dans la littérature.
J’ai lu une étude récente, désolé, je n’ai pas la biblio sous la main, mais elle déclarait que les AINS avaient un effet anti-infectieux.
Donc perso, j’en mets régulièrement…
Je n’ai pas trouvé l’étude (NSAIDs et anti-infective ou anti-infectious, ça ne donne pas grand-chose). Ce n’est pas signalé dans la monographie et vu le mécanisme d’action (inhibition des COX-1 et 2), j’ai du mal à comprendre le lien avec un effet anti-infectieux.
Après, « anti-infectieux », c’est vague : la lavande aspic aussi a des propriétés anti-infectieuses… Il faut voir le mécanisme d’action, la cible, le spectre d’action, la CMI/CMB pour les bactéries…
Dans l’article, j’insiste bien sur les limites des deux opinions. On ne sait pas, on ne saura probablement pas avant un certain moment. Les AINS pourraient favoriser une infection, comme les corticoïdes (cf. commentaire ci-dessous). Voilà. Peut-être que cet effet n’existe pas et est juste une coïncidence, qui se surajoute aux 5 % de risque de se tromper dans les études…
Le but, c’est de s’interroger pour se remettre en question 😉
Je me suis interrogé et je reste sur mon opinion : en 2014, en cas d’infection / de fièvre, je conseille aux patients (et parents) de donner du paracétamol en première intention et je passe à la codéine en deuxième intention (chez les adultes). Je déconseille en général les AINS en cas d’infection, car j’estime qu’il y a un risque (faible) de majorer les infections avec un bénéfice pas forcément évident de façon générale. Maintenant chez les patients qui me répondent « nan mais le paracétamol ça sert à rien, il n’y a que l’ibuprofène qui me soulage », je leur explique que ça pourrait masquer une infection mal contrôlée, et qu’il ne faut pas hésiter à reconsulter si ça ne passe pas. Je ne les effraie pas, je ne l’interdis pas (encore moins chez ceux qui en prennent pour une polyarthrite bien sûr).
Peut-être qu’avec d’autres études, je changerais d’avis, en attendant, voilà ma position 🙂
Une bonne proportion des abcès portent des chaussures noires.
Pour la littérature : oui. C’est ce que je discute, 50 % ça semble beaucoup pour une angine, mais je n’ai pas trouvé d’étude qui dit « les patients ayant une angine prennent des AINS dans 10 % des cas » (dans ce cas, 50 % ça serait très suspect), ou au contraire « dans 60 % des cas » (dans ce cas, ça déculpabiliserait pas mal les AINS…)
Peut-être que c’est ça qu’il faut faire 😉
Pour l’analyse cas/non-cas : non. J’ai comparé aux non-cas, qui servent de témoins. C’est de la disproportionnalité, qui montre que parmi ceux qui ont un phlegmon, il y a significativement plus de gens qui avaient des chaussures noires que dans le groupe de ceux qui n’avaient pas de phlegmon.
(Et en plus, on a une possible explication physiopathologique au lien « chaussures noires » / « abcès » ;-))
T’es trop fort !! Merci pour ces recherches.
Une question : quelle est ta définition d’une infection contrôlée ?
Merci :$ (ah ah grâce à Baptou sur Twitter, j’ai retrouvé le smiley « rouge aux joues »).
Bonne question, et mauvaise réponse en approche : une infection qui va disparaître à courte échéance grâce au système immunitaire du patient, soutenu ou non par une antibiothérapie. Et j’ai tendance à penser que si on donne des AINS, on a plutôt intérêt à donner des antibiotiques. D’ailleurs, peut-être que ceux qui mettent des AINS dans les infections se couvrent plus que les autres avec une antibiothérapie « facile », ça serait un biais intéressant à chercher.
En gros, ce que je disais dans mes billets sur les antibiotiques, c’est que les antibiotiques sont récents. Avant, on survivait déjà pas mal sans (et on aurait pu mieux faire si l’hygiène était celle du XXIème siècle !).
Notre système immunitaire est bien fichu et contrôle à peu près toutes les infections (à peu près, hein, pas de troll sur le VIH ou autre…). Donner des médicaments « anti-inflammation », c’est se priver d’une partie de ces moyens de défense pour notre confort – ce qui est important, quand même aujourd’hui (j’ai déjà eu des otites, des angines et des rhumes, merci).
Voilà, c’est une bonne réponse de Normand, ça, et j’ai bien dévié de la question 😀
bravo pour toutes ces réflexions( comme disait un de mes maîtres » la médecine c’est compliquée » et c’était avant 1968 alors?….physiopath de l’infection et de l’inflammation, mécanisme d’action des antibio et des antiinflammatoires interactions etc sans parler des automédications intempestives méconnues
Merci, ravi que ce blog puisse être utile… ça motive à essayer de continuer, même à un rythme lent et désordonné 🙂
Ping : [FMC] Hyponatrémies sous anti-dépresseurs | Le blog de MimiRyudo
Magnifique! Le sujet la méthode c’est du grand art.
J’aimerais savoir faire de la biblio comme toi! Notamment les recherches dans les bases de pharmacovigilance on fait comment?
Pour le paracetamol qui sort associé aux phlegmons je pense qu’on peut aussi se demander s’il n’y a pas une vrai raison : la fièvre c’est un mécanisme de défense ça permet une meilleure efficacité des macrophages, on peut penser qu’un antipyrétique c’est mauvais pour combattre l’infection.
Merci en tout cas
Merci pour les remarques 🙂
Pour le paracetamol, je n’ai pas de réponse autre que « peut-être » (vu qu’on ne connaît pas vraiment le mode d’action, peut-être anti-Cox 3 ou autre).
Pour la méthodologie c’est en fait plutôt simple. On analyse la base nationale de pharmacovigilance avec tous les biais inhérents (les enregistrements sont pré-sélectionnés, on déclare ce qu’on interprète…) Dedans, je prends les CAS (ici phlegmon par exemple) et les non-cas (toute autre effet indésirable) ; dans chacune de ces 2 catégories, on dénombre les EXPOSÉS (aux AINS donc) et les non-exposés (tout autre médicament). Ensuite c’est un calcul simple d’odds-ratio dans un tableau de contingence 🙂
Bonjour,
Je suis tombé par hasard sur votre article car je prépare ma thèse d’interne en médecine. Ce que vous écrivez est vraiment très intéressant pour moi. Sauriez vous s’il est possible d’accéder à la base de données de pharmacovigilance française ? Car j’aurai vraiment aimé tenter une analyse restrospective un peu comme celle que vous avez mené
D’avance merci 🙂
Bonjour !
Quel sujet de thèse, si ça n’est pas indiscret ? 🙂
Pour les données de pharmacovigilance, ça dépend un peu de où tu viens… En gros, il faut se rapprocher d’un centre régional de pharmacovigilance pour leur demander de faire une étude cas/non-cas. Si tu es de Lille, je peux t’aider ; ailleurs, ça sera plus compliqué…
Tu peux me contacter par mail si tu veux : mimiryudo [at] hotmail (dot) com
A bientôt.
Je t’envoie un mail, ce sera + simple 🙂
Ping : AINS | Pearltrees
Article génial, merci !
Que penser de ça à contrario ? : http://www.cochrane.org/fr/CD006362/anti-inflammatoires-non-steroidiens-dans-le-traitement-de-la-rhinopharyngite-rhume-banal
Merci pour ton travail en tout cas
Bonsoir !
Merci 🙂
Alors dans les résultats de cette méta-analyse en résumé :
– 9 essais randomisés contrôlés (6 AINS vs placebo, 3 AINS vs AINS).
– les AINS ne réduisaient pas les symptômes, la durée des rhumes, la toux, la rhinite…
– les AINS réduisaient un peu l’éternuement (- 44 %, de -12 à -75 %)
– les AINS sont des analgésiques, mais ça on le sait…
– les effets indésirables étaient 3 fois plus élevés qu’avec le placebo… mais c’était non significatif (RR = 2,94, IC95 entre 0,51 et 17,03). C’est un peu « ridicule » d’ailleurs : on sait bien qu’il y a des EI avec les AINS (plus qu’avec les placebos). Et ça rejoint ce que je disais : les effets indésirables sont assez rares et il faut donc plein de patients – il n’y en a « que » 1069 dans cette méta-analyse.
Bonne soirée,
Michaël.
Tout à fait d’accord avec toi, merci pour ton analyse. Je regrette un peu leur conclusion « accrocheuse ».