Je vais traiter un marronnier : le coût des étudiants.
En médecine, on l’entend régulièrement quand il est question de la liberté d’installation, sur le mode « ouiiii mais l’Etat vous a payé, blablabla, vous avez coûté cher, vous nous devez bien çaaaa ». A quoi les étudiants répondent : nous avons travaillé comme externe pendant 3 ans à mi-temps sous-payé (150€/mois, avec 1 trimestre de cotisé pour la retraite par an), sans compter l’internat où nous ne croulons pas non plus sous les diamants. D’autres répondent d’ailleurs mieux avec un thread complet sur les études médicales…
Après le cauchemar des #ECNi2017, c’est le bon moment pour faire un thread sur ce que sont les études de médecine en France en 2017.
— B. (@Belharraa) 26 juin 2017
Bref, le coût des étudiants, ça revient comme le rhume en hiver, et c’est souvent à peu près aussi sympathique. Quelques chiffres sont régulièrement repris par les uns et les autres, sur les réseaux sociaux, dans la presse financière (Challenges, Capital…) ou grand public, et ils peuvent donner un peu le tournis quand ils sont pris isolément. Par exemple, voici quelques titres :
- Capital, 2013 : « Un étudiant à l’université coûte 8000 euros par an à l’Etat » (… chiffre à prendre avec précaution, lit-on dans l’article)
- Challenges, 2013 : « Combien coûte un étudiant à l’Etat ? (…) 8000 euros en moyenne, dans la moyenne des pays de l’OCDE »
- BFMTV, 2014, toujours dans la subtilité : « 13000 euros : le coût d’un an d’études en France pour un étudiant étranger »
- Le Monde, 2016 : « Un étudiant français coûte 13873 euros par an » (encore une fois dans la moyenne)
La France est globalement dans la moyenne européenne des dépenses pour l’éducation de ses têtes blondes, brunes et grisonnantes (DEPP, 2014) : 31 % en-dessous de la moyenne de l’OCDE pour les études primaires, 26 % au-dessus pour les études secondaires et 5 % au-dessus pour l’enseignement supérieur.
Quand on regarde au fil de la scolarité (Journal du Net, 2008), les coûts annuels par élève sont les suivants : 4970€ en maternelle, 5440€ en primaire, 7930€ au collège, 10240€ au lycée, 10740€ en BEP-CAP, 9020€ en IUT, 13360€ en BTS, 13880€ en classe préparatoire… et 8790€ en université (moindre coût car les universités regroupent près d’1,5 millions d’étudiants contre 81 000 en prépa par exemple) ! Un étudiant en fac coûte donc moins cher qu’un lycéen.
Au sein des universités et grandes écoles, il y a également des disparités (Challenges, 2012) : 6 572€ en moyenne par an pour la faculté de droit Paris-2 contre 83 300€ en moyenne pour l’ENA (je vous vois venir avec vos commentaires et le sourire en coin, mais c’est parce que les étudiants de l’ENA sont rémunérés par l’Etat en échange d’un engagement de service de 10 ans).
Quand on continue de zoomer sur ces dépenses, avec l’Observatoire 2015 des Universités et des Ecoles, on constate que :
- les Universités sont financées à 82 % par l’Etat,
- 79 % des dépenses concernent la « masse salariale » (dont 4,5 enseignants pour 100 étudiants)
- la dépense moyenne par étudiant est de 7201€, mais avec des disparités (5390€ en lettres, 9214€ en pluridisciplinaires avec santé) ;
- hors « masse salariale », les dépenses par étudiant sont de 964€ par an en moyenne (avec des frais d’inscription qui en couvrent le tiers environ).
- les Ecoles dépensent davantage : 26 694€ par étudiant ou 6723€ hors « masse salariale », elle-même plus élevée avec 12,5 enseignants pour 100 étudiants.
Finalement, ce qui coûte cher, ça n’est pas l’étudiant mais tout ceux qui gravitent autour. Nous comptons dans un « coût par étudiant » le financement d’enseignants, qui sont aussi chercheurs ; nous y intégrons des frais « très » administratifs, avec des secrétariats à tous les étages, qui ne servent pas toujours directement les étudiants (par exemple les services comptabilité pour rémunérer le personnel…) Et plus l’université « grossit », plus les frais se diluent vers des services « administratifs » ou de « maintien de la structure » ; par exemple il y a 2,8 fois plus d’enseignant/étudiant en prépa par rapport à l’université, pour un coût par étudiant 1,6 fois supérieur.
Enfin, le « coût d’un étudiant » c’est bien beau, mais si ça n’est pas à former des gens pour travailler demain, à quoi sert l’argent du pays ?
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