(On réarme démographiquement le pays en freelance, et on se retrouve un 23 décembre à envelopper des cadeaux pendant que les enfants dorment, et à écrire un billet de blog à 23h30).
La thèse est finie… et après ?
Vous allez rire : je viens de redécouvrir que j’avais déjà fait une synthèse du sujet « préparer sa thèse » en juin 2015, à 6 mois de mon début de clinicat (j’étais bien motivé !)
Faut-il forcément un après ?
La thèse est un document public (généralement), accessible à tous sur SUDOC, dans les bibliothèques. Chaque faculté les met maintenant à disposition (pour Lille, c’est sur Pepite), avec un référencement Google qui peut aider à la diffusion (exemple d’un thésard qui a travaillé sur la « médecine dans le Boulonnais pendant la seconde Guerre Mondiale », et qui reçoit encore plusieurs fois par an des appels de passionnés d’histoire locale qui sont tombés sur le PDF de sa thèse en accès libre en cherchant un nom, un évènement…)
On retrouve par exemple la thèse de Georges Clémenceau de 1865 : n’en déplaise au chanteur Raphaël, peut-être retrouvera-t-on dans 150 ans votre travail pour le relire d’un oeil neuf…
Néanmoins, il y a plusieurs intérêts à diffuser votre thèse ailleurs :
- toucher un autre public, qui pourra immédiatement en prendre connaissance ;
- échanger avec d’autres professionnels ; créer des ponts entre différents domaines de recherches, différentes expertises, différents points de vue ;
- faire évoluer les pratiques en accord avec votre recherche : c’est un peu le but ultime ;
- valoriser votre travail dans votre CV : c’est très pragmatique, mais si vous visez une carrière universitaire (ou de maître de conférences associé normalement), ou même pour passer le concours de praticien hospitalier, c’est toujours mieux d’avoir publié.
Cet « après thèse » peut être piloté par vous-mêmes (c’est idéal… mais rarissime) ou par votre directeur de thèse, s’il est motivé et disponible (c’est assez rare aussi !)
Informations du public et des professionnels de santé
Une première piste de diffusion est via :
- les réseaux sociaux (Twitter/X, Facebook, Bluesky, Tiktok, Instagram… ça ne manque pas !) ;
- des revues locales, des réseaux de soins (FMC locale, etc.) par exemple sous forme « d’article du mois », de « thèse du mois » ou autre ;
- la newsletter des organismes (Ordre des Médecins, ARS, URPS, etc.) ;
- la presse, notamment écrite et spécialisée (Egora, Le Quotidien du Médecin…), ou si le sujet s’y prête éventuellement généraliste et grand public (PQR type La Voix du Nord, Ouest-France, ou nationale type Le Parisien, Le Monde, l’Express, etc.)…
Tout dépend de qui peut être intéressé par votre travail.
Présentations en congrès
Une autre piste de diffusion est la présentation en congrès. En médecine générale, citons notamment :
- le Congrès Médecine Générale France (CMGF) du collège de la médecine générale, ayant lieu à Paris en mars ;
- le Congrès National des Généralistes Enseignants (CNGE) du collège éponyme, ayant lieu en novembre/décembre, dans une ville « tournante » ;
- le Congrès Médecine Générale Océan Indien (CMGOI), en avril ;
- la WONCA Europe en juillet, dans une ville « tournante » d’Europe (en anglais).
La présentation peut être « affichée » (poster) ou « orale » (communication orale). Les deux ont leurs avantages et inconvénients, qu’on pourrait déjà résumer ainsi :
- le poster peut être vu par 1000 personnes… mais il est souvent survolé, et juste « vu » ;
- la communication orale permet de développer votre propos, qui sera entendu et compris… mais il peut être dans une salle de 15 personnes dont 4 présentateurs.
Mon conseil principal est : lisez le guide de soumission, pour savoir comment le comité scientifique va vous noter (c’est quasiment la garantie d’être accepté).
Publications dans des revues
Vous pouvez publier dans une revue nationale ou internationale, référencée ou non, payante ou non…
Rappelons ici quelques règles de style :
- le style n’est pas une obligation, mais une aide… Einstein disait « If you are out to describe the truth, leave elegance to the tailor » ; ça n’interdit bien sûr pas de bien écrire ! Si le lecteur-reviewer peine à lire votre introduction, il risque d’être en moins bonne disposition pour apprécier votre travail ;
- il faut être clair ; vous pouvez entretenir un faux suspens pour donner envie de lire dans la structure (l’objectif est amené joliment, la réponse apportée est claire : voilà qui est bien réalisé) ;
- une méthode simple et claire est préférable à quelque chose de très exotique qui semble l’embrouille ; si ça a besoin d’être très complexe pour démontrer quelque chose… peut-être qu’il y a anguille sous roche !
- évitez les masses de définitions ou calculs difficiles à comprendre : privilégiez des tableaux synthétiques et de bons graphiques attractifs.
Quelques messages clés sur le processus même de soumission :
- méfiez-vous des revues prédatrices : vous pourrez trouver des informations sur ce sujet dans ce billet sur « le meilleur article de tous les temps » ou dans celui-ci sur les revues prédatrices ;
- il faut lire les recommandations aux auteurs de la revue visée (et utiliser les styles Zotero de la revue) ;
- il faut soumettre à une seule revue à la fois… et être très patient !
- tous les auteurs listés prennent responsabilité publique du contenu : ils doivent avoir été impliqués avec le contenu… Ne vous sentez pas obligés d’impliquer tous ceux à qui vous avez parlé un jour de votre article ! Si besoin, utilisez la section remerciements ;
- l’ordre des auteurs importe : premier et dernier auteurs sont les meilleures places, suivies par 2ème, puis 3ème et avant-dernier, et enfin les autres positions ;
- lors de la soumission vous aurez besoin de l’adresse mail, de l’affiliation de chacun des auteurs, de leurs conflits d’intérêts… Certains journaux demandent aux auteurs de spécifier leur rôle dans le manuscrit : study planning, data collection, data analysis, manuscrit writing, manuscrit editing…
- soumettre c’est assez long et un peu pénible.
- Le retour a lieu quelques semaines ou mois plus tard : accepté, révisions mineures, rejeté mais resoumission possible (très fréquent : revise and resubmit – plutôt positif en fait), pas de resoumission (pas le bon journal souvent).
- La resoumission se fait avec une lettre pour les reviewers reprenant les critiques point par point (globalement, il faut se fier à leur avis bénévole et souvent justifié : ne pas se contenter de se défendre en disant « c’est un con »). Vous devez répondre à toutes les remarques… mais évidemment vous n’êtes pas tenu de tout accepter (vous pouvez refuser en argumentant).
- une fois que tout est fini, il faudra encore re-re-re-lire le « final proof » ou « bon à tirer » pour dépister les dernières erreurs.
Si le sujet vous intéresse, j’en ai parlé dans le parcours « de la thèse à la publication » puis dans l’itinéraire d’un article publié partie 1 et partie 2. On y parlera d’open access, qui soumet, quel ordre des auteurs, d’impact factor ou encore de points SIGAPS (Système d’Interrogation, de Gestion et d’Analyse des Publications Scientifiques, créé à Lille et utilisé depuis 2007 pour évaluer les publications scientifiques)…
Votre thèse peut être publiée au format article (telle qu’écrite) mais aussi être exploitée pour :
- un edito / une tribune d’opinion où vous présentez votre point de vue argumenté ;
- une revue narrative (synthèse et évaluation de littérature récente, que vous avez faite pour la thèse) ;
- une lettre à l’éditeur (un format court de 200-300 mots, où aucun mot inutile n’a sa place, avec 1-2 tableaux/figures et 5-10 références). Il peut s’agir parfois d’une réponse (polie et claire) à un article récemment publié par le journal (limitée dans le temps), comportant un problème identifié modifiant sa conclusion principale ;
- un cas clinique (case report) : introduction, description précise (signes, symptômes, histoire médio-sociale, traitements, résultats d’examen, diagnostics différentiels, diagnostic final, traitements, devenir), discussion (interprétations, ce que ça suggère, questions pour d’autres recherches) et références
Participation à des prix
Les prix méritent qu’on s’y intéresse, parce qu’ils demandent souvent peu d’investissement (la plupart du temps, ça prend 5 minutes à 1 heure de travail) et ça peut rapporter de l’argent ! (Tout l’inverse des articles : beaucoup d’investissement qui ne rapportera jamais rien financièrement).
Tout directeur de thèse peut donc rappeler à ses thésards les prix suivants, classés par date limite de soumission : (Légende : N = année en cours).
- Prix de thèse de la faculté de médecine : ça, ça n’est pas dépendant de vous, mais de votre jury de thèse, qui peut soumettre au jury annuel de la faculté, si ça existe encore (ça n’est plus le cas à Lille)… Ce prix peut donner accès à la mention « lauréat de la faculté de médecine ».
- Prix de thèse du département / du collège local : là, à part vous renseignez localement… Par exemple à Grenoble, ils ont le prix du collège interalpin des généralistes enseignants.
- Prix de thèse de l’URPS : là encore, renseignez-vous localement… Pour l’URPS des Hauts-de-France :
- thèmes : Prévention/dépistage, Organisation des soins, Amélioration des pratiques médicales en médecine libérale
- thèse de l’année N-1
- soumise avant fin janvier N (à noter qu’on peut soumettre à tout moment de l’année, sans date de début, donc y compris le lendemain de la soutenance de thèse…)
- par mail, à récupérer sur le site de l’URPS (prix-these@urpsml-hdf.fr), avec 1 CV, la thèse en PDF, une version article courte en 6000 signes (résumé élargi donc), 1 copie du diplôme, le règlement signé
- (à noter qu’il existe une grille en 30 points sur laquelle est jugé ce travail ; la grille n’est pas rendue publique, ce qui est dommage, et favorise probablement ceux qui pourraient la connaître – les lauréats étant régulièrement des thésards des membres du jury…)
- remise lors de la journée d’installation en avril-mai N (prix 2000€ – 1500€ – 1000€ pour les 3 lauréats)
- Prix Alexandre Varney de l’ISNAR-IMG :
- Thème : tout ce qui peut concerner notre futur métier de médecin généraliste et la manière dont nous y sommes préparés, la formation, son contenu, mais aussi tous les à-côtés d’une vie d’interne, les différentes façons d’y faire face, etc…
- thèse de l’année N-1 ou N (ou mémoire, article, vidéo, BD)
- soumise avant janvier N
- par courrier en 4 exemplaires au siège social de l’ISNAR-IMG
- remise lors du congrès de l’ISNAR en février N (prix 1000€, trophée et présentation)
- Prix de l’Académie de Médecine (nombreux prix, certains tous les ans, d’autres tous les deux ans, certains créés, d’autres disparus ou regroupés…) : en général, plutôt pour des gens en thèse de science, ou qui ont déjà quelques publications à leur actif quand même…
- Thèmes : très variés, notamment :
- Prix généraux « pour travaux jugés dignes par l’Académie » : prix de l’Académie nationale de médecine, prix Achard-Médecine, prix Jansen, prix de la société des eaux minérales d’Evian-les-Bains, prix Eloi Collery, prix Léon Baratz Docteur Darolles…
- Prix du ministère de la jeunesse et des sports (biologie appliquée aux sports) ; prix Albert Creff (recherche fondamentale ou pratique concernant la nutrition et l’hygiène de vie appliquées à l’activité physique et au sport)
- Prix Albert Sézary (jeune médecin ou chercheur digne d’intérêt)-
- Prix Drieu-Cholet (travaux sur le cancer ou les maladies vasculaires)
- Prix Maurice-Louis Girard (biochimie ou immunologie clinique)
- Prix Elisabeth Taub (recherche toxicologique, risques toxiques des produits qui nous entourent) ; prix Edouard Bonnefous (travaux sur l’environnement et les conséquences sur la santé)
- Prix Janine Rouane-Crépeaux (jeune médecin/chercheur, santé des femmes et gynécologie-obstétrique) ; prix Jacques Salat-Baroux (reproduction humaine)
- Prix alimentation nutrition (études originales sur l’alimentation et la nutrition humaine et animale)
- Prix Charpak-Dubousset (prix franco-chinois pour l’innovation collaborative dans le domaine de la santé)
- Prix Etienne Chabrol (insuffisance hépatique de l’enfance)
- Prix de cardiologie Lian-Escalles, Jean Di Matteo (maladie du coeur ou des vaisseaux)
- Prix Auguste Secrétan (étudiant en médecine jusqu’à interne, ayant fait un travail pouvant aider au soulagement de la douleur)
- Prix Joseph-Antoine Maury (soulager ou atténuer la souffrance physique humaine)
- Prix Léon Lanoy (pharmocodynamie, ou pathologie exotique)
- Prix Deschiens (maladies infectieuses ou parasitaires)
- Prix de neurologie Victor et Clara Soriano, Henri Baruk (neurologie)-
- Prix Aimée et Raymond Mande (maladie de Parkinson ou leucémie chronique)
- Prix lutte contre l’alcoolisme (préventif et curatif, compréhension des désordre induits par l’alcool)
- Prix lutte contre le tabagisme (préventif et curatif)
- Prix Jacques Mirouze-Servier (diabète) ; prix Léon Perlemuter (endocrinologie ou diabétologie, avant 50 ans) ; prix André Lichtwitz (jeune médecin ou chercheur, endocrinologie générale ou équilibre phosphocalcique) ; prix Gilberte et Jacques Tacussel (mécanismes conduisant au diabétique, amélioration des traitements anti-diabétiques, outils physiques ou numériques facilitant l’adaptation du traitement ; les moyens peuvent financer des dépenses de fonctionnement, d’achats d’équipements ou d’un post-doctorant…)
- Prix de chirurgies… Prix Belgrand-Chevassu (jeune chirurgien chercheur en anatomopathologie) ; Prix Henri Mondor (urgences chirurgicales) ; Prix Emile Delannoy-Robbe (jeune chirurgien sur la chirurgie expérimentale ou clinique) ; Prix d’urologie (ça parle tout seul)
- Prix d’ophtalmologie : Prix Raymonde Destreicher (médecine des yeux) ; Prix Prospère Veil (étudiant en ophtalmologie ou médecin chercheur digne d’intérêt…)
- Prix Jean-François Ginestié (jeune chercheur, imagerie médicale du système vasculaire ou de l’appareil ostéo-articulaire)
- Prix de cancérologie : Prix Prince Albert 1er de Monaco (diagnostic ou traitement des cancers) ; Prix Paul Mathieu (recherches, ouvrages ou organismes ayant pour but la lutte contre les tumeurs malignes) ; Prix Amélie Marcel (traitement des leucémies) ; Prix Berthe Péan, Antoine et Claude Béclère (cancérogenèse et traitements des cancers) ; Prix Henry et Mary-Jane Mitjavile (lutte contre le cancer… puis quand le cancer sera jugulé, on passera à un autre fléau !) ; Prix Gallet et Breton (progrès techniques ou thérapeutiques relatifs à la cancérologie) ; prix cancer (travaux dans le domaine du cancer)
- Prix Michel Noury (pour celui qui mettra au point un traitement guérissant clinique la rage chez l’Homme !)
- A noter 2 prix littéraires : Prix Jean Bernard (oeuvre littéraire sur la médecine) et Prix d’histoire de la médecine de la société d’histoire de la médecine et de l’académie nationale de médecine (récompense un ouvrage)
- il est intéressant d’aller voir les lauréats des précédentes années pour juger du niveau et de la pertinence d’une soumission ou non quand même…
- soumis entre le 15 novembre N-1 et le 15 février N
- par courrier en 2 exemplaires avec candidature, CV et tirés à part + version électronique à administration@academie-medecine.fr (cf. règlement ici)
- annonce en octobre-novembre N (prix de 325€ à 40 000€…)
- Thèmes : très variés, notamment :
- Prix « Grands prix du Généraliste » :
- Thème : organisation des soins (mode d’exercice innovant), première expérience
- Prix « Groupe Pasteur Mutualité » :
- Thème : thérapeutique, prévention médicale, innovation en santé
- soumis avant novembre N
- par mail sur leur site (prix 1500€ chacun pour les 6 lauréats)
- Prix de thèse du CNGE+ prix de la MSA :
- thèse de juillet N-1 à juin N,
- soumis entre mars et septembre N,
- par mail sur le site du congrès du CNGE
- remise en novembre N lors du congrès annuel (prix 1500€ et présentation lors de la cérémonie de clôture)
- Prix de thèse d’histoire de la médecine Georges Robert :
- thèse d’octobre N-2 à octobre N
- soumis avant le 31 décembre N
- par voie postale à la BIU de Paris 6 (cf. règlement)
- remise ensuite (prix 500€ et une médaille de la société)
Il existe également des prix « spécifiques », dont voici quelques exemples en gériatrie (le site de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie en liste quelques-uns) :
- Prix Fondation de France / Médéric Alzheimer :
- Thème (SHS ou santé publique) : pour une société inclusive et solidaire (actions menés pour informer ou lutter contre les troubles cognitifs, comme ces précédents lauréats)
- soumis avant mai N
- candidature sur le site dédié
- Prix Joël Ménard :
- Thème : recherche clinique et translationnelle, recherche en sciences humaines et sociales, recherche fondamentale
- soumis avant mai N
- candidature sur le site dédié
- Prix Edouard et Louis Chaffoteaux :
- Thème : la recherche biologique en vieillissement et sénescence ; la recherche clinique en gériatrie ; les sciences humaines et sociales concernant les problématiques liées au vieillissement et à la prise en charge des patients âgés.
- Prix occasionnel (tous les 3-4 ans)
Généralement, les congrès proposent également des prix pour les thèses (par exemple la société française d’accompagnement et de soins palliatifs, le congrès national de médecine et santé au travail, la Société française de pharmacologie et thérapeutique…). En dehors de la médecine générale, c’est aussi le cas de certaines associations ou sociétés savantes, souvent pour les internes/jeunes médecins de la spécialité (ANOFEL pour la parasitologie et mycologie, SFC pour la cardiologie…)
Enfin, il est tout à fait possible d’imaginer que la thèse consiste à diffuser un livre ressource pour professeurs contribuant à l’enseignement de la médecine pour une tranche d’âge bien définie… et rentrer dans les critères du prix du livre d’enseignement scientifique de l’Académie des Sciences par exemple. L’Académie des Sciences propose d’autres prix (notamment Jean-Pierre Lecocq et grand prix de cancérologie de la fondation Simone et Cino Del Duca), qui ne sont pas vraiment accessibles pour des thèses d’exercice 😉
Il y a également des prix de littérature médicale, par exemple Le goût des sciences (prix du livre scientifique tout public et jeunesse 9-13 ans)