(Billet tardif aujourd’hui parce que : la bourre…)
Deux situations existent :
- vous pouvez avoir une idée de thème vague sans question précise (éventuellement grâce aux méthodes évoquées dans ce billet) : dans ce cas, je vous conseille dans le billet d’hier de naviguer sur plusieurs bases (LiSSa, PubMed, Google Scholar notamment, Sudoc éventuellement…), en cherchant des sujets dans votre thématique, en lisant la section Discussion > Perspectives, en regardant les sujets similaires (utiliser BibliZap peut être utile aussi) ;
- votre travail peut commencer très tôt par une question de recherche : très bien, il faut peut-être l’affiner.
Déjà, à ce stade de votre travail, où rien n’est lancé, tout est possible ! Je vous conseille même de ne pas vous contenter d’une seule question de recherche : cherchez-en plusieurs, et choisissez celle qui vous semble « la mieux ».
Mais qu’est-ce qui est « mieux » ? C’est le sujet de ce billet où on va parler de la bonne question de recherche.
Votre intérêt pour le sujet
Nous l’avons déjà dit plusieurs fois : ce qui compte avant tout, c’est votre intérêt pour le sujet. Je ne reviens pas dessus, mais c’est un point primordial pour votre motivation. Il doit être en tête de vos critères.
Plutôt qualitatif ou quantitatif ?
(A lire avec la voix de Bernard Campan dans les Trois frères en mode « plutôt Braaaaque, Vasarely » :D)
Si on veut être puriste, le choix de la méthode dépend uniquement de la question de recherche née de votre connaissance approfondie d’un sujet.
Je vous ai dit auparavant qu’il n’était pas indispensable d’avoir une connaissance approfondie pour une thèse de médecine (c’est différent pour une thèse d’université), mais de réfléchir à l' »arène du récit » comme dans un roman : si dans votre livre de fantasy, vous avez une magie basée sur les crayons de couleur, vous avez tout intérêt à connaître la taille, la forme, le prix de ces crayons (mais dans la plupart des livres de science-fiction/fantasy, ça n’est pas un élément détaillé ou connu par l’auteur) ; de la même façon, si votre thèse a besoin d’informations épidémiologiques, vous les donnez et s’il n’a pas besoin d’informations de physiopathologie, vous pouvez les connaître ou non…
Ici, j’ajouterais que le choix de la méthode dépend en réalité de ce que vous avez envie de faire. C’est le cas majoritaire de toute façon : un étudiant se dit « j’ai envie de faire du quantitatif » / « j’ai envie de faire du qualitatif » et réfléchit à son sujet en fonction. Tant pis pour le purisme, vive le pragmatisme 😀
Nous reviendrons plus en détail sur quantitatif / qualitatif plus loin, mais de façon brève (et utile à ce stade) :
- le qualitatif vise à comprendre des phénomènes, expériences, comportements sociaux… Les données ne sont pas numériques mais textuelles ; l’analyse passe par une interprétation, des codages…
- le quantitative vise à mesurer, comparer, associer des variables… Les données sont numériques ; l’analyse passe par des statistiques descriptives (moyenne, médiane, etc.) ou des tests (Student, Chi2, etc.)
Il ne faut pas « craindre » le quantitatif : vous pouvez pour votre thèse faire quelque chose de descriptif, il n’y a pas besoin d’utiliser forcément des modèles complexes et incompréhensibles.
Il ne faut pas non plus « sous-estimer » le qualitatif : c’est parfois vu (à tort) comme plus simple, car sans calcul… Ce n’est pas le cas, il y a d’autres difficultés, notamment sur l’analyse et la discussion des résultats !
Pour des raisons qui vous concernent, vous pouvez vouloir forcément un sujet quantitatif ou qualitatif.
Le pragmatisme !
On revient ici sur un point essentiel, mais si votre sujet est « comment traiter efficacement la maladie d’Alzheimer ? »… ça va être un tantinet complet !
Les essais cliniques ne sont pas faisables pour une thèse de médecine, pour des raisons de temps (sauf à s’intégrer à un gros essai en cours).
Comme on l’a déjà dit également, utiliser des bases existantes en open data (par exemple cette liste ici) permet de gagner du temps par rapport à la constitution d’une nouvelle. Il ne s’agit évidemment pas de dissuader à créer de nouvelles bases (la plupart du temps, ce sera nécessaire !), mais de réfléchir à ce qui est faisable… si votre département de médecine générale l’autorise bien sûr ! Un exemple
Ecrire sa question de recherche : PICO, PICo ou sans PICO ?
Il existe 2 acronymes proches : PICO (études quantitatives) et PICo (études qualitatives).
En quantitatif, le modèle PICO est un acronyme pour Population, Intervention, Comparison, Outcome (résultat).
Concrètement : chez la population P, l’intervention I est-elle associée au (meilleur) résultat O par rapport à l’intervention C ?
Ce modèle sera utile pour construire votre question de recherche précise dans :
- les études épidémiologiques analytiques ;
- les études diagnostiques (O est souvent « un diagnostic plus précis », selon des valeurs diagnostiques : sensibilité, spécificité, valeurs prédictives) ;
- les essais cliniques ;
- les revues systématiques ou méta-analyses.
Par contre, ce modèle n’est pas nécessaire dans :
- les études qualitatives (explorer des perceptions, des comportements ou des expériences, sans intervention, comparaison et résultat attendu) ;
- les études quantitatives exploratoires ou descriptives (sans intervention / comparaison) ;
- ou encore la recherche fondamentale…
Si votre question est : « quel est le taux de consommation des AINS chez les patients courant au marathon de Paris ? »… il n’y a pas d’intervention (donc pas de contrôle) et pas d’outcome. C’est pourtant une question de recherche.
Si vous vous demandez « chez les coureurs de plus de 60 ans (P), est-ce que la consommation d’AINS (I) est associée à davantage d’abandon lors d’un marathon (O) que chez les coureurs de 18-59 ans (C) ? », il s’agit d’une étude épidémiologique analytique (comparant 2 groupes), et vous pouvez donc généralement utiliser le modèle PICO.
En qualitatif, le modèle PICo est un acronyme pour Population, Interest, Context
Concrètement : Quelles sont les expériences de population P pour le phénomène d’intérêt I dans le contexte C ? (ou que signifie I pour P dans le contexte Co ?) Par exemple :
- « quelles sont les expériences des étudiants en médecine (P) pour l’utilisation des flashcards (I) dans le contexte de la préparation de leurs examens (Co) ? »
- « que signifie être en bonne santé (I) pour les hommes de plus de 80 ans (P) polymédiqués (C) ? »
Dans les 2 cas, on peut ajouter T pour la temporalité (entre 2010 et 2020, sur les 50 dernières années etc.)
Un autre modèle a été proposé en français dans Initiation à la recherche qualitative en santé, dirigé par Jean-Pierre Lebeau : RAPaCE pour recherche (qualitative, quantitative ou mixte), approche méthodologique, phénomène analysé, concept mobilisé (attitudes, perspectives, expériences, etc.), échantillonnage.
Finaliser le premier jet de l’introduction
Une fois la question de recherche posée, votre premier jet d’introduction peut être finalisé…
L’introduction s’écrit un peu comme une nouvelle : tout le texte va mener à l’inéluctable chute de la (des) dernière(s) phrase(s). Là, votre introduction va devoir définir les termes de votre question de recherche puis y amener progressivement, par un chemin logique.
Nous sommes encore une fois dans une écriture itérative : votre question de recherche s’est nourrie de vos recherches qui ont permis de commencer à écrire votre introduction… et une fois la question posée, c’est votre introduction qui se nourrit se ses termes, et mène à de nouvelles recherches pour peaufiner.