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Tester, traiter, vacciner, isoler, masquer, aérer, former, informer… Les multiples rôles du généraliste face aux infections respiratoires virales (présentation à la SFM 2023)

J’ai été invité au symposium grippe / COVID de la société française de microbiologie ce mercredi 4 octobre, avec un chouette programme :

Session 1 – Le bilan de 2022-2023

Modérateur : Bruno Lina

  • Évolution des virus influenza depuis la pandémie – CNR IPP
    Étienne Simon Loriere (CNR des virus des infections respiratoires, Institut Pasteur, Paris)
  • Bilan de l’épidémie de grippe 2022-23 en France
    Sibylle Bernard-Stoecklin (Santé Publique France)

Session 2 – Prise en charge des infections respiratoires virales

Modératrice : Catherine Weil-Olivier

  • Du diagnostic au traitement
    Pierre Tattevin (CHU de Rennes)
  • Masquer, aérer, tester, isoler, traiter, vacciner, former et informer… les multiples rôles du généraliste
    Michaël Rochoy (Médecin généraliste, Outreau)

J’ai relayé les 3 premières présentations sur mon compte Twitter.

Pour la 4ème, voici ma présentation (terminée à 3h du matin – sigh). Je vous invite à la lire au format diaporama, ça sera plus sympa (et vous pouvez lancer l’audio enregistré ce matin sur la première diapo si vous le voulez).

Bonne lecture !

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2022 : 2060 actes gratuits (et 6700 payés)

Redonner du temps médical aux médecins est un sujet qui m’intéresse, et pour lequel concrètement aucun travail n’est effectué au niveau national (un peu d’agitation histoire de, mais rien de réellement entrepris).

Dans les meilleures pistes que je vois :

  • Amélioration de la qualité de l’air intérieur dans les écoles et autres lieux clos (les écoles sont la priorité à mon sens) ;
  • Port de masques dans les lieux de soins (hôpitaux, cabinets, pharmacies) ; incitation forte au port de masques dans les transports en commun (avec mise à disposition), et au port généralisé selon des seuils prédéfinis ;
  • Autoriser les arrêts de travail courts en auto-déclaration, et les certificats absence enfant malade de la même façon ;
  • Améliorer l’éducation à la santé pour limiter les consultations évitables ;
  • Supprimer de nombreux certificats absurdes.

Je milite un peu pour tout ça, notamment sur Twitter, dans des tribunes et articles de presse, dans des articles scientifiques (et peut-être une thématique centrale pour l’HDR en 2024…). Tout ça s’entremêle dans des cercles vertueux : autoriser les arrêts courts, ça permet d’éviter les consultations J1 et ça contribue à l’éducation à la santé… l’amélioration des conditions pour les généralistes incite à de nouvelles installations, qui contribuent elles aussi à améliorer l’éducation à la santé et les conditions, etc.

Concernant les certificats absurdes, nous en avons détaillé un grand nombre sur certificats-absurdes.fr, le site porté par le collège de médecine générale et lancé en mars 2023.

Mais il est toujours difficile de quantifier l’impact qu’ils peuvent avoir sur notre pratique. C’est ce que j’ai essayé de faire.

Qu’est-ce qu’un acte gratuit dans ce recueil ?

Pour cette partie, je ne m’embête pas, je reprends carrément ce que j’avais fait dans mon billet de janvier 2022 😀

Brièvement je suis médecin généraliste, j’exerce en solo, dans une ville défavorisée (indice 5/5 sur l’EDI), je suis sur Doctolib, je n’ai pas de secrétariat, je travaille lundi-mardi-jeudi-vendredi (mercredi pas au cabinet), je réponds aux patients par téléphone et mail, j’accueille 1 à 2 internes par semestre depuis 2019.

J’entends par « acte gratuit » les demandes par téléphone, sms, mail de patients (ou collègues de travail) nécessitant un avis médical, une ordonnance, un document administratif, etc. et ne relevant donc pas de la compétence seule d’une secrétaire (hors formation spécifique).

Je n’intègre donc pas : la prise de RDV (même si on a discuté 3 minutes avant pour convenir qu’il faudrait un RDV), la lecture et l’intégration d’un bilan biologique (sauf si ça a mené à recontacter le patient pour prescrire un nouveau bilan, ajuster un traitement…), et les « certificats absurdes » demandés au cours d’une consultation « payée »… A noter évidemment que toute demande n’a pas abouti à un document remis : à défaut, c’est un « avis médical » (parce qu’il y a souvent des conseils et explications qui accompagnent un refus…).

Ces demandes me prennent en moyenne 2,5 minutes (parfois 1, parfois 15…). J’avais fait la moyenne sur le recueil de janvier 2022. Et évidemment, c’est un résultat personnel, dépendant de ma vitesse de frappe au clavier, des paramétrages de mon logiciel, etc.

Les vrais « actes gratuits » nécessitant normalement une consultation — mais l’avènement de la téléconsultation et surtout le remboursement des téléconsultations téléphoniques quelques mois en 2020 ont un peu reposé la question de « qu’est-ce qu’une consultation / un acte ? »

Malgré ce terme de « gratuit » dans cette appellation, j’insiste sur le fait qu’il n’y a pas de réclamation financière ici (on en parlera un peu à la fin quand même). Il s’agit d’améliorer la qualité de travail, de redonner du temps aux médecins pour qu’ils puissent faciliter l’accès aux soins de leurs patients et leur éviter une surcharge mentale permanente (et souvent inutile). Par souci de transparence, rappelons (ou apprenons) que chaque patient dont nous sommes « médecin traitant » nous « rapporte » de l’argent chaque année, à travers le « forfait patientèle médecin traitant ».

Je ne redétaille pas les forces et limites de faire ce type d’étude. Je rappelle juste que pour je le fais au fur et à mesure (pas de biais de mémorisation), qu’il n’y a que moi qui cote « acte gratuit » (donc pas d’erreur de quelqu’un qui intégrerait par exemple le fait de lire un bilan, un courrier, de scanner le courrier, etc. Tout ça n’est évidemment pas intégré car ce n’est pas une interaction induite par le patient pour un avis médical ou une ordonnance/certificat !). Si vous voulez plus de détails, je vous renvois vers le billet de janvier 2022.

Bilan de 2022

En 2022, j’ai tenu un tableur Excel des demandes et, comme annoncé dans le titre, j’ai eu 2060 demandes d’actes gratuits pour 6696 actes payés : 23,5 % de mes actes de l’année (pas de mon temps, je vous rassure !) sont ces petits actes gratuits.

A raison de 2 min 30 en moyenne par acte gratuit, cela représente tout de même… 5150 minutes par an, soit 86 heures. Par médecin… Voilà une réflexion à mener pour libérer du temps médical, non ?

JourQuantités% du Total
L41820.3 %
M46922.8 %
Me23411.4 %
J37418.1 %
V44821.7 %
S844.1 %
D341.6 %

Mes demandes principales en 2022 ont été les suivantes :

Type de demandesNombre de demandesProportion
Avis médical (très large, et le plus chronophage…)58728%
Prescription (renouvellement paracétamol, gaviscon, éconazole, dermocorticoïdes, IPP, dépannage pilule, etc.)56928%
Administratif (APA, ALD, certificats de douche, pour obtenir un casier, pour prendre du paracétamol en classe de neige et ces conneries listées sur certificats-absurdes ; sport – parfois lorsque j’ai vu le patient dans les 3 derniers mois, je ne lui refais pas le même examen normal pour délivrer un certificat de pétanque…)1557%
Bilan biologique (complément de bilan devant une perturbation d’un précédent bilan, contrôle d’anomalie, bilan préalable à consultation comme ECBU, coproculture devant diarrhée > 5 jours, etc.)1105%
Duplicata (papier perdu, une date à modifier, une adresse…)864%
Renouvellement soins infirmiers (encore une fois, uniquement en « actes gratuits », bien sûr qu’il y en a beaucoup plus en intégrant les renouvellements faits à domicile ou lors de consultations).814%
Matériel hors lit médicalisé (chaise percée, matelas, fauteuil…)643%
Kinésithérapie (renouvellement des séances parce que c’est pas fini)633%
Prescription médicale de transport (encore une fois, uniquement sur les actes gratuits… dans quasi la totalité des cas pour suppléer la demande non réalisée par le pro de santé qui a convoqué)633%
Renouvellement hypnotique chronique (12 par an chez 6 patients avec échecs multiples de sevrage, pour ne pas passer les voir tous les mois en visite à domicile…)573%
Courrier (courrier de synthèse, pour voir un spécialiste devant un résultat de bilan, etc. Si ça se fait en 2 minutes, je ne bloque pas forcément une consultation : là encore, le but est d’abord de préserver l’accès aux soins pour les malades… même si ce serait plus rentable de voir le patient !)533%
Podologue, pédicure, semelles, chaussures 392%
Cystite (diagnostic téléphonique, envoi de fosfomycine…) 291%
Arrêt court (patient vu la veille, arrêt à prolonger, arrêt COVID, etc.)241%
Enfant malade (régularisation pour enfant gardé à la maison et pas d’intérêt de le voir cliniquement – diarrhées ayant cédé, fièvre 1 jour, etc.)201%
Renouvellement de lit médicalisé (… parce que tout le monde a le droit de dormir)191%
Imagerie (complément d’imagerie suite à bilan paraclinique, acceptation d’une imagerie proposée mais refusée lors d’une précédente consult, etc.)171%
Orthophoniste (souvent la veille du RDV pris 6 mois auparavant sur conseil avisé de l’enseignant)131%
Contention (chaussettes, bas… les gens appellent parfois quand ça se troue. Les voir en consultation pour ça serait abusé…)100%
Orthoptiste (une seule demande en acte gratuit !)10%

Evidemment, on pourrait parler de ces résultats pendant des heures.

Il s’agit de ma pratique : un secrétariat peut filtrer une partie de ces demandes (encore une fois pas y répondre, mais filtrer), mais in fine, il faudra que les papiers sont imprimés et signés, lors d’une consultation ou téléconsultation… ce qui allonge forcément le temps consacré pour répondre à la demande. La limite entre « je peux régler ce problème par téléphone en 2 minutes » et « il faut qu’on se pose 10 ou 15 minutes pour aborder ce problème lors d’une (vidéo)consultation » n’est pas toujours simple à apprécier.

Ma pratique est aussi en milieu défavorisé. J’ai régulièrement des demandes pour du paracétamol, gaviscon, des bilans de bêta-hCG…

Enfin, la codification est discutable et aurait pu être améliorée avec un double codage, mais peu iporte (j’ai sûrement mis en « prescription » des « avis médicaux » par exemple, qui demandaient une expertise plus importante que « juste » prescrire / renouveler un traitement…). Par exemple, un patient peut m’appeler pour demander une IRM parce qu’il a mal au dos :

  • Je vais normalement refuser et lui proposer un RDV. S’il prend un RDV, je ne compte pas ça en « acte gratuit » (c’est juste une prise de RDV, même si on a discuté un peu avant… je considère qu’on a préparé la consultation…)
  • S’il ne prend pas de RDV, mais qu’on a passé le même temps à discuter de lombalgie, du fait qu’il faille marcher un peu, je cote en « acte gratuit : avis médical »
  • Si par contre il a mal depuis 3 mois, j’avais proposé une IRM la semaine dernière, il a refusé, et finalement il a changé d’avis… eh bien je lui envoie par mail et je cote ça en « acte gratuit : imagerie ».

Bilan de 2023

J’ai arrêté de tenir une liste des demandes au 31 décembre 2022. Par contre, depuis le 1er janvier 2023, je cote dans mon logiciel de comptabilité un « acte gratuit » (en feuille de soin papier que je n’imprime pas, juste pour garder une trace).

Au 7 septembre, j’ai 4218 actes payés et 1315 gratuits… soit 23,8 % !

Est-ce que le nombre d’actes gratuits a augmenté dans le temps ?

En 2022, j’étais donc à 23,5 % d’actes gratuits (2060 versus 6700 payés) ; en 2023 à 23,8 %.

De façon anecdotique, en novembre 2017 (oui, c’est un sujet qui m’intéresse depuis un petit moment), j’avais noté que sur une journée, j’avais réalisé 9 actes gratuits et 25 payés, soit 26,5 %… Je n’avais pas fait de recueil plus long, et une journée est évidemment difficile à comparer à 1 mois ou 1 an.

https://twitter.com/mimiryudo/status/928681525343932417?s=20

Quelles solutions ?

Identifier un problème, c’est bien. Proposer des solutions, c’est mieux.

Ces actes gratuits ont plusieurs impacts : ils augmentent la charge mentale au quotidien, créent un sentiment de « perdre » du temps et ils dissuadent à l’installation par la surcharge administrative induite, qui passe 1000 km au-dessus de la tête de nos gouvernants au sens large (CNAM, gouvernement, députés, etc.) car ils sont invisibles !

Tout l’intérêt de ces « actes gratuits » est de continuer à faire tourner le système entre deux patients, sur une pause repas, le soir ou le week-end, en assurant le maximum d’accessibilité pour les vrais problèmes médicaux. Il est facile de les réduire en les transformant… en actes payés, notamment via les téléconsultations ! Il est tentant de réserver 5 à 10 créneaux de téléconsultations de 5 minutes de 18h30 à 19h, pour absorber ces demandes et gagner quelques dizaines de milliers d’euros par an en faisant le même travail. Quant aux patients qui souhaitaient un RDV en fin de journée, ils attendront un autre jour…

Dit autrement : transformer les actes gratuits téléphoniques (ou mail) en (télé)consultations est favorable pour les finances du médecin, mais pas pour l’accès aux soins.

A ce stade, sur le sujet des « actes gratuits », je vois donc 2 grandes solutions à envisager, non mutuellement exclusives :

1/ payer ces actes gratuits… Rendre remboursables les actes téléphoniques ou mails menant à une action sur le dossier du patient, même de façon symbolique (5€ ou que sais-je).
Ca diminuerait ce sentiment de « perte de temps » sans nuire dramatiquement au budget de l’AM, et ça serait une façon de reconnaître le travail invisible. Plutôt que juste majorer des forfaits ou des actes, déjà payer et reconnaître le travail réellement effectué pourrait être une façon pertinente d’aborder la nouvelle convention à venir.
D’autres pays font ça : en Suisse, l’ouverture et consultation du dossier (par exemple pour intégrer un bilan biologique) est facturée au patient ! Totalement inimaginable chez nous… où les gens (patients et professionnels de santé) sont perçus comme des « irresponsables » à « responsabiliser » par un gouvernement visiblement en manque de miroir.
(Quant à la lutte contre la fraude, un patient qui voit une cotation « acte téléphonique », il doit pouvoir tracer avec sa demande ayant mené à remettre un courrier, une ordonnance…)

2/ réduire les actes, par la suppression des « certificats absurdes ». Et sur ce sujet, les idées ne manquent pas sur certificats-absurdes.fr. Il faut « juste » que les députés et le gouvernement décident d’agir réellement pour l’accès aux soins.

Ca viendra sûrement, quand ça sera davantage médiatisé… mais ça viendra trop tard.

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Les trois petits canulars

J’ai longuement détaillé l’histoire du canular « accidents de trottinettes et hydroxychloroquine », co-écrit avec Matthieu Rebeaud, Florian Cova et Valentin Ruggeri dans mon billet de blog intitulé « le meilleur article de tous les temps« . J’en ai aussi parlé au congrès CNGE 2021, CMGF 2022… et en Suisse au SSMIG en septembre 2022 pendant 1 heure, sur invitation du Pr Dagmar Haller (grand témoin au CNGE 2021, qui m’y avait entendu).

Une heure, c’est long… alors j’ai complété par d’autres incursions dans le monde absurde des revues prédatrices ! Voici la suite !

Episode 2. Etre reviewer pour une revue prédatrice.

J’en avais parlé aussi dans le premier billet de blog : en septembre 2020, Science Domain International (l’éditeur de l’Asian Journal of Medicine and Health dont on avait démasqué au grand jour la supercherie) m’a contacté pour être relecteur d’un article dans un autre de leur journal… Cocasse…

Leur demande : que ça aille vite en 3 jours, parce que l’auteur en avait besoin pour sa thèse !

Ma réponse a été simple et contenait surtout l’incitation à « ne surtout pas publier dans un journal de Science Domain International qui publie des revues prédatrices » (transmis aussi via Messenger pour m’assurer que l’auteur le lirait).

L’éditeur m’avait répondu pour me remercier de contribuer à la qualité de la revue…

… et bien qu’ils m’ont retiré des reviewers, et que l’article a été publié, ils m’ont quand même envoyé un joli diplôme de contribution à la qualité du journal.

J’habite à Ankh-Morpork, oui.

Il semble difficile de faire changer les choses même en répondant aux reviewing pour dissuader les auteurs…

Interlude. En savoir plus sur les revues prédatrices et les canulars

La définition des revues prédatrices est qu’elles donnent priorité à l’intérêt personnel sur l’érudition, sont caractérisées par des informations fausses ou trompeuses, avec des écarts par rapport aux meilleurs pratiques éditoriales et de publication, un manque de transparence et/ou des pratiques de sollicitation agressives et sans discernement. La définition reste volontiers floue, car il existe une vaste zone grise de revues difficiles à faire entrer dans la case « prédateur » ou la case « non prédateur »…

En réalité, les revues prédatrices sont une partie du problème, et aussi une conséquence du problème plus vaste au sein des revues médicales. En pratique, les chercheurs paient les éditeurs pour avoir accès aux articles qu’ils ont eux-mêmes financés, écrits, publiés (parfois en payant), relus et corrigés pour leurs pairs… Le tout en le faisant aussi souvent et aussi rapidement que possible (« Publish or perish », une expression utilisée pour la première fois en 1928 en Sociologie et recherche sociale).

A cela s’ajoute l’examen accéléré (et toute la zone grise où il est difficile et parfois long de déterminer si une revue / un éditeur est prédateur ou non donc…), les conflits d’intérêts (avec le comité de rédaction par exemple), les preprints repris dans la presse, « l’infodémie » ou encore les fakenews relayées à tout va — parfois sous forme d’article, d’interview télévisée, de livre chez un éditeur aussi prestigieux qu’Albin Michel… Tout le monde est concerné par ces fake-news en santé, y compris le directeur général de l’Assurance Maladie par exemple.

Il existe des outils pour repérer et éviter les revues prédatrices :

Et évidemment, il y a de nombreuses personnes et associations qui luttent contre les revues prédatrices : Hervé Maisonneuve, Leonid Schneider, Elisabeth Bik, CoopIST, Retraction Watch, PubPeer

Notre article a sûrement été le canular le plus largement diffusé auprès des non-scientifiques (une blague par phrase, pop-culture, sujet qui captivait tout le monde à un moment particulier de nos vies – COVID-19 et HCQ)… mais ce n’était pas le premier ! Citons par exemple :

  • Who’s afraid of peer review? (Bohannon, Science 2013) – global map of journal fraud : l’auteur a diffusé le même modèle d’article à 304 revues prédatrices, est passé dans 255 comités de lecture et a été accepté 157 fois (60 %) et rejeté 98 fois. Les articles étaient sur le modèle « Molecule X from lichen species Y inhibits the growth of cancer cell Z » avec des conclusions non étayées par les données, des faux auteurs et de fausses affiliations.
  • David Philips and Andrew Kants (Bentham Publisher, 2009): Deconstructing access points. Non publié, car aurait coûté 800$
  • Alain Sokal (Social Text, 1996) — Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity
  • ou encore l’incroyable canular de David Mazières and Eddy Kohler (soumis au congress WMSCI 2005… puis soumis par Peter Vanplew à International Journal of Advanced Computer Technology, 2014). L’article a été accepté mais n’a pas été publié (quel dommage !) car l’éditeur — qui a noté « excellent » — réclamait 150$.

Il y a également de nombreuses blagues / poissons d’avril :

  • Tous les BMJ de Noël…
  • Georges Perec et son Experimental Demonstration of the Tomatopic Organization in the Soprano (Cantatrix sopranica L.) publié dans la section « Pitres et travaux » du JIM 103 en 1980

… et parfois des fraudes (fausse photo de Nessie par le chirurgien Wilson en 1934, fausse autopsie alien par Fox TV en 1995…). On peut s’amuser à différencier les fraudes et canulars par un tableau croisé :

Ne pas tromper le lecteurTromper le lecteur
Ne pas tromper le journalPublication « normale »Canular pour une blague / Poisson d’avril (le journal est complice)
Tromper le journalCanular pour démontrer une fraude (le lecteur est complice)Fraude
Fraude ou canular ?

Episode 3. A New Hope for General Medicine in A Start-Up Nation (Journal of Clinical Medicine: Current Research, ACAD-WISE)

Revenons au vif du sujet !

Quand j’ai appris que j’avais une présentation d’une heure à faire en Suisse, je me suis posé quelques questions fin juin 2022 : est-ce encore aussi facile de publier dans une revue prédatrice ? Peut-on négocier les tarifs ? (certains canulars réalisés par d’autres n’ont pas pu aller au bout de leur démarche à cause des sommes d’argent réclamées).

J’ai donc simplement ouvert ma boîte de courrier indésirable et répondu à « Lucy » d’ACAD-WISE qui souhaitait un commentaire sur un article publié sur les bodybuilders.

J’ai construit un texte automatique en équivalent start-up de lorem ipsum, via Corporate Ipsum, je l’ai appelé « A NEW HOPE FOR GENERAL MEDICINE IN A START-UP NATION« , et j’ai soumis le 7 juillet.


Le 11 juillet, il était accepté sans changement (quelle bonne nouvelle !)

… mais avec des frais de publication à 919$ ! J’ai donc négocié : d’abord ils m’ont proposé 619$…

Mais en continuant, nous sommes arrivés 5 jours plus tard à nous mettre d’accord sur… 39$ !

L’article est publié

Vous pourrez lire l’article directement derrière ce lien… ou ci-dessous ! En page 2, j’ai inventé le « moulin à vent de l’accès aux soins » (on appréciera l’ironie en haut à gauche où j’incite à communiquer sur les « revues prédatrices (comme celle-ci, où j’ai payé 39$ au lieu de 919$ — toujours essayer de négocier !) »

Episode 4. A New Hope for General Medicine an a Start-up Nation (Journal of Medicine and Public Health, Medtext Publications)

J’ai senti quand même que je pouvais faire mieux dans les négociations. Maintenant que j’avais obtenu un nouveau seuil (39$ au lieu de 919$… nous n’avions pas négocié les 85$ pour l’article « trottinette-hydroxychloroquine), et que l’article était publié pour illustrer mon propos au congrès de la SSMIG en Suisse, je pouvais m’amuser encore davantage.

J’ai donc soumis le même article (sans la figure cette fois) à une autre revue en août (toujours en répondant dans mes spams). Ca a été rapidement accepté…

La facture était par contre salée : 2042,25$ pour une page !

On ne se mouche pas du coude ! (Pourtant, c’est recommandé contre la COVID)

S’en est suivie la conversation la plus bornée que j’ai eue ces derniers mois, où j’ai répété mécaniquement que je ne pouvais pas au-delà de 20$.

Je propose 20$
Ils répondent : -50% (1000$)
Je réponds que je ne peux pas
Ils proposent 500$
Je réponds que je suis limité à 20$
Ils proposent 200$, leur minimum
Je réponds : 20$
Ils me disent : 50$…
Je réponds : 20$…
Ils acceptent à 24$…

Et finalement… je n’ai pas payée, car l’article était mis en ligne pendant les négociations ! Ils l’ont même réaugmenté à 236$ discrètement le 10 novembre 2022… Mais toujours pas réglée au 22 mars 2023, et l’article est pourtant toujours en ligne…

24$, en retard au 1er septembre 2022
Réaugmentation à 236$ en novembre

Vous pouvez lire cet article derrière le lien ou ci-dessous… C’est exactement le même que le précédent. L’humour n’était pas dans l’article, mais dans les échanges…

Episode 5. Incessant Solicitations: You’re not Alone! (Archives in Biomedical Engineering & Biotechnology)

Enfin, après avoir démontré qu’on pouvait négocier très largement les prix dans ces revues prédatrices pour avoir des canulars, je me suis dit qu’il était temps de publier un article sur comment éviter les revues prédatrices dans une revue prédatrice.
J’ai donc répondu à Archives in Biomedical Engineering & Biotechnology dans mes spams, et nous avons débuté une correspondance par mail à l’image de celles ci-dessus.

Vous pouvez lire l’article derrière ce lien, ou ci-dessous.
Au point 8, j’explique notamment les négociations : « Huitièmement, ne payez pas… au moins pas autant. Négociez ! Divisez le prix par 100. Expliquez que vous ne pouvez pas payer 1000$ mais que vous voulez bien payer 25$ ! J’ai négocié de 919 à 39$ pour J Clin Med Current Res et celui-ci je l’ai eu pour 30$. Une bonne affaire. Et vous pourriez avoir des échanges drôles et surréalistes, valant presque cette somme d’argent ». En page 2, je suis aussi ravi d’avoir pu faire enfin publier dans une revue la figure de David Mazières, Eddy Kohler et Peter Vanplew sur « Get me off your fucking mailing list ».

En espérant qu’ils finissent par nous entendre…

Cette incursion dans leur monde pour mieux comprendre les revues prédatrices fera l’objet d’une présentation cette après-midi au CMGF2023 ! Venez nombreux 😉

EDIT du 16 septembre 2023 :

EDIT du 6 juin 2024 : via Google Scholar, j’ai appris que mon patronyme avait été cité dans un article hongrois.

Ou en version française par DeepL :

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Communiquer avec tous les patients par mail via MSSanté

En mars 2020, j’avais fait un tuto sur « comment envoyer un sms à tous ses patients » pour pouvoir communiquer à tous les patients sur les nouveautés concernant la pandémie.

De l’eau a coulé sous les ponts depuis, et maintenant avec Mon Espace Santé, tout le monde (ou presque) a une adresse mail en @patient.mssante.fr… et nous pouvons donc l’utiliser pour faire du mailing à nos patients :

  • pour donner des informations de santé publique (prévention contre les cancers, vaccinations, etc.)
  • pour donner des informations sur le fonctionnement du cabinet (ouverture de vaccination, dates de fermeture, numéro de téléphone pour les cabinets remplaçants, départ en retraite et mode de récupération des dossiers, etc.)
  • pour inciter les patients à ne plus communiquer avec vous que par cette voie et non plus par mail classique, sms, autre
  • pour valider le critère bonus de ROSP à 40 points x 7€
  • ou pour toute autre idée qui vous conviendra

Voici la démarche à suivre :

  1. Sur l’onglet « patientèle médecin traitant » d’AmeliPro (https://espacepro.ameli.fr/pmt/), sléectionner « liste complète », et en haut à droite « exporter en XLS »
  2. Créer une nouvelle colonne F qui va calculer automatiquement la clé à partir du numéro (sans clé) sur la colonne E avec la formule : =TEXTE(97-MOD((MOD(CNUM(STXT((SUBSTITUE(SUBSTITUE(E14; »2B »; »19″;1); »2A »; »18″;1));1;7));97)*27)+(MOD(CNUM(STXT((SUBSTITUE(SUBSTITUE(E14; »2B »; »19″;1); »2A »; »18″;1));8;6));97));97); »00″)
  3. Créer une nouvelle colonne G pour obtenir l’adresse de messagerie avec la formule =E13&F13& »@patient.mssante.fr »
  4. Allez sur https://mailiz.mssante.fr et faites des mails par paquet de 40 ; attention, pensez à conclure votre mail par FIN si vous ne souhaitez pas que les patients puissent répondre / échanger dessus, mais juste les informer de façon collective.

Cette astuce vient d’ApendHoc sur Twitter, qui nous fournit même le fichier Excel tout prêt, dans lequel vous pouvez coller simplement les 3 premières colonnes du fichier que vous téléchargerez sur l’Espace Pro !

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Comment tricher avec le contrat d’engagement territorial ?

OK c’est un titre « appât » incitant à cliquer… Mais ça tombe bien, on va parler de « jeu incitatif » ou « incentive gaming » dans ce billet. J’avais déjà évoqué ce principe avec mon billet sur comment améliorer sa ROSP en tout malhonnêteté en 2017. On est sur un exercice de pensée pour montrer la stupidité de certains critères. Avant d’aller plus loin, je précise que je n’utilise pas ces principes, et je pense sincèrement que personne ne le fait… à titre personnel, j’essaie de soigner sans me préoccuper de ma ROSP : je vais remplir les critères déclaratifs, parfois je jette un oeil pour dire « bouarf, c’est n’importe quoi ces chiffres » et je ne cherche pas à creuser davantage pour éviter d’opter pour la seule solution simple pour améliorer ces critères par le gaming… (je sais que je serais très fort à ce jeu simpliste, mais ruiner la santé de mes prochains pour gagner 250€ ne me semble pas raisonnable).

Qu’est-ce que le gaming ?

« Gaming the system » c’est valider des objectifs de façon détournée, qui n’apportent rien au patient (dans le contexte de la médecine)… Par exemple la Veterans Administration voulait réduire le délai d’attente avant consultation et en ont fait un objectif avec incitation financière (attente < 14 jours) : certains ont donc créé des « pré-attente » pouvant durer 6 semaines avant que la personne ne soit en haut de liste et puisse appeler pour prendre un RDV sous 15 jours…

A l’extrême, le gaming peut même produire l’effet inverse à celui initialement recherché (on parle d’incitation perverse) dont l’exemple le plus connu est « l’effet Cobra » : selon la légende (non prouvée), le gouvernement britannique aurait offert une prime pour chaque cobra mort à Delhi… incitant des personnes à élever des cobras pour pouvoir les tuer ! En en prenant connaissance, le gouvernement britannique aurait supprimé la prime, incitant les éleveurs de cobra à relâcher leurs animaux sans valeur… faisant augmenter in fine le nombre de cobras sauvages.

Mark Twain a écrit dans son autobigraphie : « Any Government could have told her that the best way to increase wolves in America, rabbits in Australia, and snakes in India, is to pay a bounty on their scalps. Then every patriot goes to raising them. » (N’importe quel gouvernement aurait pu lui dire que la meilleure façon d’augmenter le nombre de loups en Amérique, de lapins en Australie et de serpents en Inde, est de payer une prime pour leur scalp. Alors tous les patriotes se mettent à les élever.)

Et pour finir avec les citations avant de passer à la suite, rappelons la loi de Goodhart : When a measure becomes a target, it ceases to be a good measure. (Quand une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure).

Les projets de la CNAM pour la convention 2023-2027…

Actuellement, la convention médicale 2023-2027 est en cours de négociation entre syndicats médicaux et Assurance Maladie. Richard Talbot de la FMF en fait un résumé à chaque rencontre et c’est un régal.

Il propose notamment le dernier PowerPoint en date, où on apprend plein de choses.

Plutôt qu’en faire un résumé, comme ça a déjà été fait, je vais vous présenter comment tricher… comment faire du « gaming » avec le CET et la ROSP (encore une fois, je ne vais pas le faire… c’est un exercice pour montrer que tout repose sur la bienveillance des médecins et leur côté fanbase d’Hippocrate qui leur évite de pratiquer réellement la médecins comme un commerce).

C’est parti pour une lecture dans l’ordre…

Tricher avec la déprescription d’IPP

La CNAM propose un « dispositif d’intéressement » inédit pour une déprescription : les MG toucheraient 30 % des économies réalisées en cas de déprescription d’IPP pour « moins de 65 ans IPP+AINS » et « plus de 65 ans avec IPP long ». C’est une bonne chose de déprescrire les IPP… mais parfois compliqué d’améliorer des chiffres dans la vraie vie.

L’astuce de Mimi : Recherchez un RGO systématiquement chez vos patients de moins de 65 ans et prescrivez leur une boîte de 28 jours d’IPP, tous les ans ! Les IPP au long cours avant 65 ans ne vous rapportent rien. Lorsque vous prescrirez un AINS à ces patients, vous ne leur prescrirez pas d’IPP : ils en ont dans leur armoire à pharmacie. A vous les 100€ bruts d’intéressement \o/

Tricher avec le Contrat d’Engagement Territorial (CET)

Aaaah le CET. Il divise tant les médecins aujourd’hui, entre ceux qui pensent que c’est de la merde et ceux qui savent que c’est de la merde.

Pour le signer, il faut valider 4 cases (1 dans les objectifs « augmentation de l’offre médicale », 1 dans « accès financier aux soins » et 2 dans « participation aux besoins de soins du territoire ») :

  • la case 2 est simple : secteur 1 et basta
  • la case 3 peut être compliquée si vous êtes isolé, sans possibilité de PDSA et hors d’un territoire de CPTS, hors du périmètre d’action d’IDE Asalée, mais en même temps ni en ZIP, ni en ZAC… En pratique, il y a quand même pas mal de possibilité sinon, le plus simple me semblant être « participer à la CPTS, s’inscrire au SAS (ça prend 5 minutes) avec 2h de créneau réservé par semaine et participer à la PDSA ».
    Notez que les 30 samedis par an valident la case au même titre que « participer au SAS » (= 1h par semaine sur votre emploi du temps) ou « participer à la PDSA » (= une garde bien rémunérée de temps à autre) : il n’y a aucun intérêt pour le CET de se prendre la tête pour valider ce critère sous-coté.
  • par contre, la case 1 est un petit casse-tête : il faut être dans les 30 % voyant le plus de patients (... sachant que vous êtes en « concurrence » avec des maîtres de stage des universités qui bossent avec des internes en autonomie !), ou embaucher un assistant médical. C’est donc clairement une incitation grossière à cette embauche, bien qu’elle n’ait pas du tout montré sa capacité à augmenter l’offre médicale… Pure idéologie. Mais c’est pas grave, j’ai une astuce pour vous 😉

L’astuce de Mimi : pour la case 1, virez votre (télé-)secrétaire, coupez votre téléphone et arrêtez de donner des RDV de suivi à vos patients en suivi chronique ! Le suivi, c’est comme Capri : c’est fini ! Désormais, vous devez consacrer la moitié de votre planning à faire des soins « urgents »… Faites du SAS aussi (inscription en 5 minutes à titre personnel) : c’est de l’idéologie ridicule de gens qui ne comprennent rien aux soins primaires, mais on s’en fout, c’est mieux payé et ça augmente votre file active… au pire, ça vous fait 2h de pause par semaine pour faire votre administratif.
Dans le schéma idéal, toute prise de RDV se fait via Doctolib (ou autre), et vous ouvrez tous vos créneaux pour tout le monde : vous verrez les patients des médecins voisins et aurez une file active importante. Certes, ça va altérer l’accès aux soins, ça va niquer toute éducation à la santé que vos confrères tenteront d’instaurer, et ça va altérer le suivi des patients les moins aptes à utiliser internet mais eh, c’est aussi ça la sélection naturelle ! Et bien sûr, si ça ne suffit pas, faites de la téléconsultation sans rendez-vous au lieu de voir vos patients chroniques (s’ils vous quittent car vous n’êtes plus assez disponible, cela libérera du temps pour faire des soins urgents qui augmentent votre file active !)
Pour la case 3, si vous n’avez pas de CPTS, inscrivez-vous pour le SAS ici ; et si vraiment vous n’avez pas d’autre solution pour le reste, eh bien faites 1 téléconsultation de 10 minutes 30 samedis dans l’année (un acte gratuit banal que vous auriez fait gratos dans la semaine, vous le programmez le samedi à 9h et voilà). Si vous êtes motivé, voyez éventuellement s’il est possible d’adhérer à une CPTS voisine – je ne sais pas s’il y a une obligation d’être dans le même secteur pour adhérer à l’association… en soi, vous pouvez vous passionner pour le parcours de soins des diabétiques à 50 km de chez vous, chacun ses lubies.

Tricher avec le forfait de santé publique

Il y a 15 indicateurs, avec 9 anciens assez clairs et peu discutables :

  1. 2 dosages HbA1c dans l’année pour les patients sous antidiabétiques : ok
  2. Consultation, fond d’oeil ou rétinographie dans les 2 ans : ok (merci pour les secteurs richement pourvus en ophtalmo, tant pis pour les autres) – vous pouvez acheter un rétinographe non mydriatique à 5000€ mais c’est cher payé pour 75 points à 7€ par an (525€) – attendons que des formats portables arrivent ! Ca serait néanmoins une façon de « rentabiliser » votre assistant médical en faisant des fonds d’oeil à tout patient diabétique tous les ans…
  3. Recherche annuelle d’albuminurie et créatininémie si traité par anti-HTA ou antidiabétique : ok
  4. Part des patients MT traités par amoxicilline-acide clavulanique, C3G ou FQ : ok (un peu dommage que ça intègre les prescriptions de vos confrères pour vos patients en votre absence…)
  5. Nombre d’antibiotiques pour patients de 16-65 ans sans ALD : ok (pensez à ne pas trop suivre de femmes faisant des cystites à répétition)
  6. Patientes de 50-74 ans participant au dépistage du cancer du sein : c’est un peu compliqué cet item, vu que c’est une décision médicale partagée qui est recommandée… or, le critère est « plus il y en a, mieux c’est » qui n’incite pas du tout à faire de la décision médicale partagée !
  7. Patientes de 25 à 65 ans ayant un dépistage cytologie / HPV : ok
  8. Patients de 50-74 ans avec dépistage du cancer colo-rectal : ok. Notons quand même que ces 3 dépistages sont une prime à l’exercice en milieu favorisé (il est bien décrit que les patients plus précaires se font moins dépister)
  9. Patients à risque vaccinés contre la grippe : ok

Et puis il y a les 6 nouveaux qui, comme on s’en doute, sont pensés par des gens qui ont une vision Excel-centrée du soin :

  1. Part de patients anciennement sous benzodiazépines et sevrés (cible 9 %) : il faut sevrer 9 % de notre patientèle tous les ans… Mais on fait comment quand on a déjà supprimé l’inutile ?! Par ailleurs, que signifie « anciennement sous benzo » ? L’an dernier ? 3 mois ?
  2. Part des patients ayant débuté un antidépresseur qu’ils conservent au moins 6 mois (cible 50 %) : est-ce que ça inclue le LAROXYL (amitryptiline), antidépresseur donné parfois à visée antineuropathique pour des durées qui peuvent être plus courtes ? si un patient arrête de lui-même son traitement après 3 mois parce qu’il se sent mieux, doit-on le forcer à le reprendre ? si un patient switche d’un antidépresseur vers un autre après 6 semaines, est-ce considéré comme une durée < 6 mois ? (quel est l’intervalle accepté d’arrêt entre 2 antidépresseurs pour considérer que c’est le même traitement suivi ?). Bref, un bel indicateur de merde, bien joué !
  3. Part des patients BPCO ayant eu une spirométrie dans l’année. Encore une prime à l’exercice à proximité de pneumologues (ou la réalisation de spirométrie par les MG)
  4. Sensibilisation aux addictions (déclaratif) : bon bah, déclaratif, tout le monde va mettre 100 % ou presque, avec une cible à 95 %. Assez ridicule.
  5. Patients de 75 ans et plus en polyprescription continue (objectif 15 %) : j’ignore comment ils vont compter ça… un patient âgé fumeur qui a fait un infarctus et a une BPCO sévère peut se retrouver avec bêta-bloquant, antiagrégant, statine, IEC, bronchodilatateurs, corticostéroïdes inhalés… est-ce que les ALD ne seront pas inclus ? Est-ce qu’il faut qu’on supprime de nos patientèles ces patients relevant d’une polyprescription continue utile ?
  6. Part de patients à risque ayant une vaccination VPP23 : bonne idée ça…

Enfin, chez les enfants :

  1. Asthme persistant et CSI : ok… mais qu’est-ce qui va définir l’asthme persistant ? Le fait d’avoir un CSI ? Une ALD ?
  2. Asthme persistant et EFR annuelle : ok, une prime à l’exercice à proximité de pneumopédiatres.
  3. PART DES PATIENTS < 4 ANS TRAITÉS PAR C3G PARMI CEUX TRAITÉS PAR ANTIBIOTIQUE : mais sérieusement, c’est quoi votre problème dans la vie pour prendre un dénominateur « ceux traités par antibiotique » et non pas « tout enfant » ?! Si vous traitez tout rhume par de l’amoxicilline, votre ratio C3G / antibio va être bas ; si au contre, vous mettez avec parcimonie des antibiotiques, le ratio C3G / antibio va augmenter. C’est tellement stupide… et c’est une erreur qui traîne depuis 2017 !
  4. Idem pour les > 4 ans
  5. Participation des enfants de moins de 16 ans au programme M’T Dents : ok mais on n’a aucune place là-dedans entre le courrier reçu par les parents et le dentiste… c’est encore un indicateur qui reflète principalement la précarité de la population…
  6. IMC dans les dossiers (déclaratif) : 95 % de cible, ridicule (d’ailleurs ça impliquerait de voir tous les enfants de moins de 16 ans au moins une fois par an pour le faire… on les convoque pour leur dire de venir se peser sur notre balance ?)
  7. Part des enfants 15-16 ans ayant un schéma complet vaccin HPV : ok.

Conclusion sur tout ça…

L’Astuce de Mimi : Mettez plein d’amoxicilline sur les rhinites des enfants de moins de 16 ans : ça baissera votre taux de C3G pédiatrique sur tout antibiotique et en plus ça n’est pas comptabilisé dans l’indicateur « antibiotique chez les 16-65 ans sans ALD ».

Si un patient vous dit qu’il arrête son antidépresseur, prescrivez-lui quand même pendant 6 mois en disant de le prendre en pharmacie « au cas où ».

Mettez fréquemment des benzodiazépines pour avoir des patients à sevrer facilement. Ce qui compte n’est pas de raisonner l’initiation mais de sevrer des patients !

Refusez dans votre patientèle tout patient polypathologique de plus de 75 ans ayant plus de 5 traitements sur son ordonnance.

Si vous avez un assistant médical, faites-lui faire des vacations techniques : spirométrie, fond d’oeil… la plus-value en termes de soins sera sans doute médiocre, mais vous trouverez bien un mouchoir dans la boîte à gants de votre nouvelle Mercedes pour essuyer vos larmes.

Conclusion

Voilà quelques pistes de réflexion pour améliorer votre santé financière au détriment de la santé publique.

Par ailleurs, je me suis livré à l’exercice de voir les « recettes » (brut) de cette nouvelle convention : +3500€/an sur le forfait patientèle (avec 1437 patients dont 432 en ALD) et +10000€/an avec la nouvelle nomenclature à 1,5€ entre autre… mais si le CET met la consultation à 31,5€ comme les autres spécialités (ce qui serait logique), cela rajouterait près de 30 000€ (soit +43500€/an brut). En somme, le principal levier dans tout ça, c’est clairement le prix de la consultation… et le fait de signer le CET !

Le CET va donc potentiellement créer une différence de salaire de l’ordre de 25-30 000€ entre les signataires et les non-signataires. A vous maintenant de choisir votre clan entre ceux qui pensent que c’est de la merde, et ceux qui le savent 😉

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