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L’aventure des antibiotiques (3/3) — Les bases qu’il faut en avoir en médecine (ECN / iECN)

J’espère que vous avez pu replacer ces médicaments dans leur contexte médical et historique avec « les antibiotiques sont nos amis contre la vie » et « une brève histoire croisée de l’antibiothérapie ».

J’ai illustré le problème des résistances bactériennes avec le Staphylococcus aureus à la fin du précédent article ; j’insiste à nouveau sur l’intérêt d’une bonne connaissance des différentes classes et de leur utilisation, seul moyen actuel pour lutter contre ces résistances acquises.

Il existe des mécanismes de résistance pour tout antibiotique : modification de perméabilité membranaire, inactivation enzymatique, acquisition d’un plasmide ayant le mécanisme de résistance, modification de la cible, efflux de l’antibiotique hors du procaryote, mutation chromosomique… Les antibiotiques sont des médicaments révolutionnaires mais aussi très récents — leur utilité demain dépend de leur utilisation aujourd’hui.  Ca ne veut pas dire qu’il faut réserver ces antibiotiques en dernière intention, mais juste qu’il faut les connaître et les prescrire avec modération et réflexion…

Quelque soit votre discipline médicale (actuelle ou future), vous devez avoir les idées les idées claires sur les antibiotiques. Pour les (i)ECN, vous pouvez oublier le pivmécillinam* le chloramphénicol ou la polymyxine E (entre autres…) ; après aussi d’ailleurs — sauf pour les infectiologues.
(*c’était vrai en 2013, ça ne l’est plus en 2016 : il est devenu une alternative de premier plan dans les cystites aiguës – cf. commentaires).

Evidemment, il est plus facile de demander de retenir les classes d’antibiotiques que le faire. Les classes d’antibiotiques, c’est comme la taxinomie des plantes montagnardes : il y a beaucoup de noms qui ne veulent rien dire, et on n’est même pas sûr que ça puisse nous servir un jour. (Dans le doute, préférez tout de même les classes d’antibiotiques, si vous êtes étudiant en médecine). Pour les mémoriser, j’avais opté pour un regroupement par mode d’action, copié d’une plaquette d’information de laboratoire — oui, je sais, mais elle était vraiment bien faite ! Je l’ai complétée avec divers sites/livres de pharmacologie, cours, connaissances acquises un peu partout.

J’ai essayé de faire synthétique et de livrer des points-clés ou keynotes. Ça ne couvre pas toute l’infectiologie en un tableau, évidemment… J’ai essayé d’être clair et à jour, mais si vous relevez des erreurs, n’hésitez pas à me les signaler.

Bon courage !

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Causes et effets : non, les antibiotiques ne sont pas automatiques, même en ORL…

Cet article s’intercale dans mon triptyque sur les antibiotiques, où j’essaie de rapporter l’importance historique et actuelle d’un choix raisonné. Tant pis, il a parfaitement sa place ici, finalement.

Je viens de découvrir cet article sur Twitter qui titre « Les antibiotiques, c’est pas automatique : un slogan qui fait des victimes ».

Le Pr. Emile Reyt, président du collège français d’ORL, lance une alerte sur l’augmentation inquiétante du nombre d’abcès pharyngés, capables d’engager le pronostic vital des patients. « Le nombre de prescriptions d’antibiotiques a effectivement chuté de plus de 50% (26,5% dans le même article 5 paragraphes au-dessus), mais le nombre de patients souffrant d’un abcès péri-amygdaliens a en parallèle explosé de 51% » nous explique-t-il.

Et là, j’ai envie de faire une pause pour vous parler des MOOC (Massive Open Online Course) et précisément de celui de biostastistiques que j’ai suivi cet été sur le campus virtuel de Stanford. Je vous parlerai un jour des MOOC, c’est vraiment une offre incroyable qui va révolutionner notre mode d’apprentissage à mon avis. Donc, cet été, j’ai été hypnotisé par le génie didactique de Kristin Sainani, qui nous répétait régulièrement l’importance de revenir aux nombres en valeur absolue et non en valeur relative. 

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L’aventure des antibiotiques (2/3) – Une brève histoire croisée de l’antibiothérapie

Je vous préviens, c’est un petit peu long quand même… J’ai essayé d’être fluide dans mon texte, et j’espère que je réussirai à vous intéresser. Vous n’êtes pas obligé d’avoir lu cette première partie pour comprendre, mais c’est mieux. Et pour information, je ne suis pas historien (du tout, du tout, du tout), mes sources sont Wikipedia, quelques articles de PubMed, des recherches croisées sur internet (avec souvent des versions discordantes d’ailleurs – ai-je choisi la bonne ? en tout cas, j’ai choisi la mienne ! ;-))

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Les Hommes traitent des microbes depuis l’Antiquité sans le savoir. Egyptiens, Babyloniens, Perses, Chinois, Gréco-romains ont (ré)inventé l’utilisation du miel aux alentours de 3000 avant Jésus-Christ (antiseptique et cicatrisant grâce aux nombreuses enzymes fournies par la salive d’abeilles), l’hygiène, la diététique, la chirurgie, les césariennes, l’usage médicinal de divers plantes et jus. La magie, les élixirs d’immortalité et l’idée de fluides énergétiques restent bien sûr au premier plan (et n’ont pas totalement disparu aujourd’hui).

Hippocrate (- 460) et Galien (2ème siècle après J.-C.), médecin des gladiateurs, décrivent la « pyrotechnie chirurgique », et traitent les plaies par le feu, lorsque le vin et le vinaigre ne suffisent pas.

Jeanne D'Arc : une pyrotechnie chirurgique qui a mal tourné ? (lisez son histoire chez @Padre_Pio par contre !)

Jeanne D’Arc : une pyrotechnie chirurgique qui a mal tourné ?

Vous pouvez lire l’histoire de Jeanne D’Arc brillamment racontée par @Padre_Pio sinon.

Les Hindous émettent l’hypothèse que quatre « microbes » seraient responsables des maladies dans l’Atharva-Véda. Varron reprend la théorie en -36 dans le Rerum rusticarum : certaines créatures minuscules que les yeux ne peuvent voir, qui flottent dans l’air et pénètrent dans l’organisme par la bouche et le nez causent de graves maladies.

Ces observations sont encore anecdotiques. La théorie des quatre éléments d’Hippocrate fait longtemps autorité ; la notion de souffle vital (aérien) persistera jusqu’à la découverte de la circulation du sang en 1628 par William Harvey — le cœur n’est connu comme une pompe que depuis moins de 400 ans !

A la fin du XVIIème siècle, Antoni Van Leeuwenhoek observe pour la première fois des micro-organismes grâce à des microscopes qu’il fabrique lui-même.

Au milieu du XIXème siècle, Ignaz Semmelweis montre que se laver les mains entre une autopsie et un accouchement réduit le nombre de fièvres de la mère de 900%… Ce n’est pas la première telle théorie hygiéniste : au début du siècle, Dominique-Jean Larrey, chirurgien de la garde impériale, reprenait déjà des méthodes égyptiennes pour soigner les plaies (cf. ma tweetstory sur le même site →)

Près de 1900 ans après le texte de Varron, Agostino Bassi décrit le rôle pathogène de Beauvaria bassiana dans une épidémie muscardine des vers à soie. Louis Pasteur valide cette théorie microbienne en 1860, et réfute la théorie de la génération spontanée soutenue de Van Leeuwenhoek. Les microbes naissent aux yeux humains, il y a 150 ans (bien qu’ils soient apparus sur Terre il y a 3 800 000 000 ans, soit environ 3 797 700 000 ans avant le genre Homo, à deux-trois semaines près).

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L’aventure des antibiotiques (1/3) – Les antibiotiques sont nos amis contre la vie

Dans cette introduction aux antibiotiques, je vais tenter d’apporter une réponse (un peu subjective) aux questions suivantes :

         Les antibiotiques, qu’est-ce que c’est ?

Pourquoi les antibiotiques n’ont pas 100% d’efficacité ? Pourquoi ont-ils des effets secondaires ?

         Depuis quand ça existe, qui a créé et utilisé les premiers antibiotiques ?

         Pourquoi existe-t-il des résistances aux antibiotiques ? Comment les éviter ?

Quels antibiotiques faut-il connaître pour les ECN/iECN ? Et après, en médecine générale ?

 

Comme c’est long, une fois n’est pas coutume, je vais scinder mon billet en trois parties…

 

Partie 1 – Les antibiotiques sont nos amis contre la vie

Antibiotique signifie « contre » (anti) « ce qui a rapport à la vie » (biotique).

Un antibiotique est donc « contre la vie ». Super engageant, comme traitement !

Aujourd’hui, nous réservons le terme d’antimicrobiotique aux anti-bactériens. Il existe d’autres anti-infectieux : anti-viraux, anti-parasitaires, auxquels on pourrait volontiers associer les anti-mycotiques, insecticides, pesticides, dératisants, et tout autre poison… Le but de ces traitements est le même : tuer des cellules, « tuer la vie ». Leur principal problème est évidemment d’être à la fois contre la vie de l’intrus, et pour la survie de l’hôte. Eviter les dommages collatéraux, en somme… Etre ciblés.

Nous prescrivons souvent des antibiotiques (trop souvent, même). En 2013, nous en connaissons plus de 10 000. Nous en utilisons moins de 100, pour des raisons de disponibilité, d’efficacité, d’acceptabilité, d’effets indésirables, de coût… Pourtant, malgré ce pool gigantesque, aucun n’a une efficacité parfaite. Pour détruire toutes les bactéries, un antibiotique devrait agir sur des mécanismes conservés au cours de l’évolution ; il serait efficace, mais aussi terriblement dangereux pour l’être humain.

Les antibiotiques permettent de réaliser une chimiothérapie, c’est-à-dire de traiter par un médicament synthétisé chimiquement (initialement, la chimiothérapie était la destruction de germes pathogènes par des produits chimiques, lorsqu’elle a été énoncée par Ehrlich, comme nous le verrons en deuxième partie). La chimiothérapie représente un mode thérapeutique, à côté de la phytothérapie (plantes), de la chirurgie (mécanique), de la vaccinothérapie (stimulation de défenses immunitaires), de la radiothérapie (rayonnements ionisants), de la phagothérapie (virus bactériophages), de l’acupuncture, homéopathie et tout ce que vous voulez.[1]

Il y a plusieurs types de chimiothérapie : anti-cancéreuse (pour laquelle on réserve aujourd’hui le terme chimiothérapie), anti-infectieuse, mais aussi les traitements antalgiques (chimiothérapie antalgique par paracétamol), les médicaments luttant contre les maladies cardiovasculaires, neuropsychiatriques… La première chimiothérapie créée était un antibiotique, à base d’arsenic. Je vous reparlerai du 606 très bientôt ! J’essaie de dire qu’il n’y a pas une barrière entre la chimiothérapie (sous-entendue anti-cancéreuse) avec son cortège d’effets indésirables, et les autres traitements synthétisés chimiquement qui n’auraient pas ces effets adverses.

Tous ces traitements sont des chimiothérapies, tous ont des effets indésirables en agissant sur les cellules de l’organisme qui étaient saines. La presse (re)découvre ce fait régulièrement, mais personne ne viendrait jamais s’intéresser aux effets indésirables de chimiothérapies anti-cancéreuses, car ils sont considérés acquis.

Dans les cancers, les cellules dangereuses partagent le même métabolisme et les mêmes structures que les cellules saines. Détruire les cellules cancéreuses est un vrai défi, car il faut cibler les mécanismes anormaux, et laisser fonctionner les cellules voisines très similaires ! Tuer les bactéries est plus facile : elles ont des membranes, des protéines, une synthèse d’ADN différentes, certaines se développent avec ou sans air, en milieu acide ou alcalin… (vous pouvez même lire ma nouvelles sur les Extrêmophiles, génial non ?). Voilà pourquoi les antibiotiques possèdent moins d’effets indésirables que les chimiothérapies anti-cancéreuses. Elles n’en sont toutefois pas dépourvues, car chacun va réagir de façon différente à une nouvelle molécule, parfois trop ou pas assez.

Par ailleurs, nous vivons en symbiose avec énormément de bactéries… Notre microbiote intestinal compte 100 000 milliards de bactéries, soit dix fois plus que l’ensemble des cellules humaines de notre organisme ! Tout antibiotique cause des dégâts dans cette union harmonique, et peut permettre à des bactéries moins « pacifiques » de s’installer (diarrhées post-antibiotiques avec, notamment, la colite pseudo-membraneuse à Clostridium difficile…)

Certains travaux récents retrouvent un déséquilibre dans la flore intestinale dans les maladies inflammatoires chroniques intestinales (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique), sans établir de lien de causalité. Les probiotiques (type Actimel® ou Ultralevure®) et la « transplantation fécale » adoptent ce créneau : mangeons de bonnes bactéries pour peupler notre intestin convenablement… Nous n’avons pas de preuve de l’efficacité, mais le sujet est intéressant. Il y aura certainement de nombreuses études là-dessus dans les années à venir.

Dans la deuxième partie, nous verrons comment un peu de morve au nez a permis une découverte scientifique, pourquoi il faut prendre des vacances, et comment un thésard aurait pu découvrir le premier antibiotique un quart de siècle avant tout le monde. A bientôt 😉



[1] L’homéopathie n’est pas un traitement par les plantes (phytothérapie). Hahnemann a utilisé pour la première fois China, mais ensuite, c’est allé beaucoup plus loin, avec des prélèvements d’écoulements de blénorragies (Medorrhinum), de crachats de coquelucheux (Pertussinum), d’abeilles vivantes (Apis), etc. Les trois principes en sont l’infinitésimalité (le tout est dilué au minimum à 5CH soit 1 goutte pour 500 litres, 1 ml dans 10 tonnes d’eau, ), la similitude (vous vous brûlez, on vous donne du chaud ; vous toussez, on donne une plante qui fait tousser…) et la globalité (vous êtes malade parce que votre énergie est perturbée et si vous avez une angine gauche, ce n’est pas un hasard que ça ne soit pas à droite, mais bien parce que votre corps n’aime pas sa gauche). En gros.

Notez également que les plantes ne sont pas inoffensives, sinon Socrate aurait juste dit « hum, un peu amère, cette ciguë ».

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Ordonnance gastronomique

Au cours de nos consultations, visites, tours hospitaliers, il arrive qu’on croise des patients dont la liste de traitement ressemble furieusement à un Best-Of de la pharmacie du coin.

Je me souviens d’une patiente… Elle avait été suivi par des gastros, des endocrinos, un pneumologue, un neurochirurgien, un ophtalmo, et bien sûr par un médecin généraliste. C’est ce dernier qui avait demandé une hospitalisation pour diminuer une improbable ordonnance de 23 médicaments par jour (soit 66 comprimés, le chiffre de la bête).

Devant l’ordonnance, nous n’avions pas fait le vide du jour au lendemain sans connaître la patiente, au dossier relativement complexe… Chaque matin pendant une semaine, je m’amusais (littéralement) à supprimer un ou deux médicaments qui ne me semblait plus utile. J’ai pris un plaisir certain (et partagé avec mes chefs) à supprimer 8 comprimés de dompéridone, 6 de lopéramide, 6 ultralevures, 6 météospasmyl par jour… Ca n’a rien modifié sur le plan digestif : elle n’avait ni douleurs ni diarrhées à l’entée, et c’était identique à la sortie. Elle avait eu des diarrhées motrices pendant un temps, sans étiologie retrouvée, et le traitement était resté sans réévaluation. Le prenait-elle encore vraiment ? Difficile à dire, vu l’absence de modification à l’arrêt.
7 jours plus tard, la patiente sortait avec 12 médicaments et un projet de sevrage pour 4 d’entre eux (elle avait quand même un diabète de type 2 avec microangiopathie, neuropathie, ainsi qu’un asthme et des douleurs sur canal lombaire étroit). Pas mal.

En médecine libérale, afin d’aider au sevrage, je pense que j’aurais utilisé Theriaque et son analyse d’ordonnance (l’inscription est gratuite). Voire que j’aurais partagé l’information avec la patiente pour lui expliquer qu’un mélange de médicaments n’est jamais anodin.

Aujourd’hui, j’ai lu ce tweet de @NoSuperDoc, déclencheur de ce billet :

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