Comment améliorer sa ROSP en toute malhonnêteté ?

Depuis 2011, certains médecins (généralistes, gastro-entérologues, cardiologues, bientôt endocrinologues…) bénéficient d’une Rémunération sur Objectifs de Santé Publique, versée une fois par an par la sécurité sociale [1]. Il existe deux types d’indicateurs :

  • organisation du cabinet (avoir un logiciel pour les prescriptions, faire de la télétransmission, indiquer ses horaires sur le site Ameli…)
  • qualité de pratique médicale, pondéré par le nombre de patients nous ayant déclaré comme médecin traitant (en gros si vous faites tout bien avec 120 patients, vous aurez sans doute moins que si vous êtes moyen avec 1200 patients).

Pour l’organisation, c’est très bien, et ça permet de participer au paiement de nos outils de travail.
Pour la qualité des soins, sur le papier, « valoriser les bonnes pratiques », c’est plutôt positif. Me filer 1700€ en 2016 et 3000€ en 2017, franchement j’étais favorable à cette excellente initiative (évidemment on n’oublie pas que c’est du « super-brut de patron », que 40 % repartiront un an plus tard dans les cotisations type CGS et retraite, et qu’une partie non négligeable ira aussi aux impôts sur le revenu).
Dans la foulée, je désamorce tout de suite le traditionnel « si tu critiques la ROSP, tu pouvais la refuser » par : « oui c’est gentil, mais :
1/ je crois qu’on ne peut plus une fois acceptée,
2/ si je n’ai pas à me plaindre du tout de ma situation, je ne prends pas encore de bains de louis d’or – mon objectif de vie, ça va sans dire, et
3/ on m’a appris à ne jamais cracher sur 3000€ pour un document à remplir ».

Mais allons plus loin encore. Avant d’accepter, on peut se poser 3 questions :

  • est-ce que la ROSP va changer quelque chose à ma pratique ? (probablement pas grand-chose… c’est d’ailleurs pour ça que je me permets de faire ce billet légèrement cynique pour creuser les effets pervers qu’on pourrait avoir, en être conscient pour mieux les éviter…) 
  • si oui, est-ce que ce changement sera délétère pour quiconque ? (probablement pas… c’est même minime à côté de petits détails du quotidien – pression à la prescription d’antibiotiques, les « pour moi il n’y a que la C3G qui fonctionne comme le disait mon précédent médecin », etc. Ceux qui en pâtiront sans doute le plus seront les comptes de la sécurité sociale, comme on verra). 
  • si oui, est-ce que ça peut être compensé par plusieurs milliers d’euros sur mon compte ? (faible effet, grands bénéfices : donc oui, clairement).

Le problème de cette ROSP, c’est que c’est un conflit d’intérêt qui peut modifier le comportement du rémunéré en favorisant des pratiques coûteuses pour la sécurité sociale… 
En 2016, fort de ce succès (?), la nouvelle convention a modifié la ROSP [2]. Ont-ils tenu compte de ce « problème » ?
Evidemment, non ! Détaillons quelques effets pervers potentiels de la ROSP…

(Note au lecteur, notamment non médecin : il s’agit d’un billet qui donne des recettes pour « améliorer sa ROSP en toute malhonnêteté ». A priori, aucun médecin sensé ne va les appliquer volontairement car ça irait à l’encontre de notre mission de soignant, que chacun met bien loin devant le fait de gagner 300 ou 400€ de plus par an… L’idée finale n’est pas de savoir « comment améliorer ses chiffres » mais « comment ça se fait qu’en suivant les recos, je me retrouve avec des résultats moins bons que je ne les suivais ». C’est juste que c’est moins vendeur et moins rigolo écrit comme ça. Et moi, j’aime bien quand c’est rigolo.)

 

Surdiagnostiquer et surtraiter

Depuis mon installation, j’ai déprescrit pas mal de metformine. Je ne comprenais pas bien pourquoi j’avais parfois des patients diabétiques de type 2, avec une HbA1c à 5-6 %, sous metformine 500 mg 1 fois par jour (par exemple). En l’arrêtant, l’hémoglobine glyquée restait peu ou prou la même et j’étais même un peu embêté avec ces patients (quel intérêt de doser une HbA1c chez un plus-vraiment diabétique). Un jour, un patient m’a glissé une piste de compréhension : « le précédent médecin (retraité) m’avait dit de pas hésiter à charger en sucre le matin de la 2ème prise de sang de contrôle après une première glycémie haute, comme ça je serais à 100 % pour les prises de sang, les médicaments, l’opthalmo… » (je rapporte les dires d’un patient, qui sont peut-être erronés…)
Premier effet pervers du forfait : ça nous incite à « créer des diabétiques » en mode Dr Knock (ne faites pas ça chez vous). 
Bref, donc, j’ai des patients non diabétiques en ALD diabète, à qui je déprescris de la metformine (et on ne peut pas annuler une ALD alors qu’on peut guérir du diabète). J’ai aussi des patients qui ont objectivement eu 2 glycémies à jeun supérieures à 1,26 g/l sans jamais « tricher », des patients qui restent à des taux d’HbA1c ne nécessitant pas d’autre traitement que le régime et même des diabétiques qui ont perdu du poids et repris une activité physique, et ne sont plus diabétiques.

Du coup… je ne suis pas très efficient car j’ai « trop peu » de « diabétiques » traités par metformine (83 %). Vous savez comment je pourrais gagner 45 points (soit 315€) et être « efficient de la prescription » ? En prescrivant de la metformine à des gens qui n’en ont pas besoin. 

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Autre exemple : l’antibiorésistance. Je me suis fendu de 3 billets sur ce blog sur l’antibiorésistance (ici, et encore ), ça n’est pas pour balancer des fluoroquinolones et des C3G comme un golem. Pourtant…

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Le calcul ici, c’est « numérateur (amoxicilline + acide clavulanique, C3G, C4G, FQ) » / « dénominateur (tout antibiotique) ». Prenons 2 situations opposées :

  • vous prescrivez peu d’antibiotiques, mais bien. Vous êtes amenés à mettre des C3G/FQ dans des situations d’infections urinaires, ou de l’amoxicilline + acide clavulanique dans des sinusites frontales (et vos patients vont voir des confrères en ville ou à l’hôpital qui leur prescrivent ces antibiotiques). Votre taux risque de dépasser les 27 % fatidiques. Comment l’améliorer : en prescrivant davantage d’amoxicilline ! 
  • … parce que si vous prescrivez de l’amoxicilline à tout ce qui a 2 jambes et 2 bras et qui franchit le seuil de votre bureau (rhino-pharyngite, angine sans faire de strepta-test, infection urinaire…), votre taux risque d’être toujours sous les 10 %. Et dans ce cas, pourquoi l’améliorer, vous êtes déjà dans les clous ! 😎

 

Surdemander les bilans biologiques, surconsulter les autres spécialistes

Revenons aux diabétiques… Je suis « suboptimal » sur ces 3 critères ci-dessous.

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Là encore, je peux jouer le bon élève de la ROSP et demander un fond d’oeil biannuel à des gens qui sont en ALD diabète, même s’ils ne sont plus diabétiques. Avec des rendez-vous à un an chez les ophtalmo (et un nombre de postes d’ophtalmo en décroissance en France d’ailleurs), je crois que ça serait une mauvaise idée pour la « santé publique ».

Un autre problème pervers se pose avec le dosage une fois dans l’année d’une TSH isolée (sans T3 ou T4). J’ai fait 3 mois de stage en endocrinologie et je suis d’une génération où on sait très bien ça. Malgré tout, je suis à 95 %, hors norme… Je sais que ça n’est possible que j’en sois responsable parce que je ne le fais jamais de demander TSH + T3, T4 sans avoir une bonne raison (i.e. une TSH anormale préalable).
Plusieurs explications donc :

  • un patient qui a eu en 2016 une TSH puis TSH, T4 de contrôle en 2017… (ça, ça peut être moi…)
  • ou un patient qui a vu quelqu’un d’autre (médecin généraliste, endocrinologue) qui a prescrit TSH, T3, T4 une seule fois dans l’année.

Mais ce qui est pervers, c’est que pour corriger ces anomalies, j’ai une possibilité très simple : dosage de TSH à tout le monde dans l’année, au moins une fois. Ca n’est pas recommandé, c’est plus délétère qu’autre chose pour le coup, mais je suis sûr de remonter vers le 100 %. En vrai, doser peu souvent des TSH est mauvais pour ma ROSP. 

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On a le même problème avec les hypnotiques et le critère « part de patients ayant initié un traitement pour une durée > 4 semaines » où il faut être bas. Si vous initiez des hypnotiques à tout le monde pour des durées courtes, vous augmentez le dénominateur, et vous « noyez » vos accrocs aux hypnotiques. Par contre, si vous ne prescrivez jamais d’hypnotique pour éviter les dépendances, vous n’avez plus que vos patients sous hypnotiques au long cours. Donc meilleure solution pour la ROSP : prescrire souvent des hypnotiques pour des courtes durées, afin de noyer ceux qui en prennent (à tord) au long cours (quitte à en faire des dépendants par la suite, qui seront corrigés par d’autres personnes mises sous hypnotiques pour des courtes durées, quitte à en faire des…). 

Et c’est là que j’arrive à mon taux incompréhensible, qui est en chute libre depuis le début d’année sans que je ne change rien à ma pratique…

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… des critères d’une fiabilité parfois douteuse 

Je ne comprends pas cette « chute » avec les hypnotiques. J’ai réussi à en arrêter quelques-uns (allelujah) mais pas tant que ça bien sûr ! Je n’ai quasiment pas primo-prescrit d’hypnotiques (5-6 fois dans l’année au max, en annonçant que ça serait une durée courte de 7 jours dans des circonstances particulières d’insomnie aiguë réactionnelle avec besoins de performance le jour, comme lors d’un deuil ou une séparation). Peut-être que ça a suffi à baisser le taux… Peut-être que mes patients se sont vu prescrire une fois des hypnotiques par d’autres confrères. Ou peut-être simplement que le calcul est foireux.

Parce que oui, il semble y avoir plusieurs défauts. Par exemple, j’ai l’impression (peut-être fausse) que les microalbuminuries demandées pour les diabétiques sont différentes des rapports protéinurie / créatininurie demandées pour les hypertendus, dans leurs critères… Ca ne me semble pas très pertinent de demander les deux examens pourtant.

Les patients « sous antihypertenseurs », ça n’est pas très clair. Les bêta-bloquants sont-ils encore considérés comme des antihypertenseurs ? Chez moi, ils sont surtout utilisés dans des tremblements idiopathiques ou en prévention secondaire ou en cas d’insuffisance cardiaque par exemple…

Et que dire des résultats ci-dessous (sans changement drastique dans mes prises en charge sur quelques mois) ? Comment puis-je être à 0 % de patients ayant 10 INR dans l’année par exemple, alors que j’étais à 50 % au premier trimestre et que je passe mon temps à rappeler des gens pour leurs INR ?


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Une ROSP favorisant les vieux installés et les « bons » environnements 

Quand vous êtes un « vieil installé », normalement vos marques sont prises, et vous avez dans votre patientèle beaucoup de « non malades » (renouvellement annuel de pilule, renouvellement annuel de certificat de sport chez des jeunes en bonne santé). Ces non-consommateurs de soins gonflent tous vos critères, c’est cool.

Quand vous êtes un « jeune installé », vous n’avez pas encore (ou très peu) de ces non-malades. Vous récupérez les gros consommateurs de soins, ceux qui sont déçus de leur précédent médecin, ceux qui sortent d’un médecin radié de l’Ordre, les jeunes qui n’avaient plus de médecins et qui sont malades pour la première fois depuis 3 ans… Votre patientèle est réellement à « créer » et ça incite à demander pas mal de « premiers » bilans biologiques par exemple, avoir plus d’arrêts de travail que la moyenne éventuellement, traiter davantage par antibiotiques proportionnellement (vous n’avez quasi que des malades !)…

Prenons un exemple concret qui me permet de révéler ma vraie nocivité.

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Je prescris trop d’antibiotiques par rapport au seuil, ou plutôt mes patients prennent trop d’antibiotiques (prescrits par moi ou un autre, exerçant dans mon département… où les patients des autres en prennent deux fois plus). Et c’est un point que j’ai cité en filigrane de tout : on parle de « patients ayant déclaré MT », et on compte tout ce qu’ils vont prendre. Donc si vous exercez dans un département où les pratiques sont « mauvaises », votre ROSP sera baissée. En même temps, si on partait uniquement des prescriptions du médecin, ça pourrait inciter à hospitaliser à tord et à travers pour « ne pas être le prescripteur du médicament qui baisse la ROSP ». Il n’y a juste pas de bonne solution, mais il faut le savoir.

Alors, je me suis interrogé sur ce taux. Hier sur 18 consultations d’hiver, j’ai mis un antibiotique local pour un impétigo et un antibiotique chez une patiente de plus de 90 ans qui fait une bronchite aiguë sur une insuffisance respiratoire chronique sous oxygène… (pour ma « défense », j’ai refusé 3 « demandes » claires d’antibiotiques, et j’ai fait 2 strepta-test négatifs). Et prescrire 0 à 2 antibiotiques pour 20-25 consultations par jour, c’est clairement ma norme.

Donc c’est étrange mais il y a plusieurs explications possibles :

  • le taux est mal fichu. On parle de 35,5 traitements par antibiotiques pour 100 patients, donc pour moi 177 boîtes (?) d’antibiotiques mis dans la nature répartis sur mes 500 patients. Si ce sont des boîtes, j’imagine que les 3 mois de cycline pour une acné sévère comptent pour 3 « traitements ». De la même façon, une monodose de fosfomycine (MONURIL) compte pour un traitement.
  • des jeunes nouveaux patients sont venus une fois cette année pour un problème aigu nécessitant un antibiotique (angine bactérienne, otite hyperalgique, sinusite bactérienne, pneumonie, infection urinaire, acné sévère, morsures d’animaux, conjonctivites à risque de complication, abcès dentaire avec refus de soins du dentiste sans antibiothérapie…) ; ils compteront l’an prochain dans mon « dénominateur » de non-consommateurs… parce que ce qui compte ici c’est le « nombre de patients MT » !

Petit point positif néanmoins : la valeur du point est majorée de 20 % pour la 1ère année d’installation, 15 % pour la deuxième année et 5 % pour la 3ème année (évidemment, ils mettent ça en place pour ma 3ème année ^^).

 

Au final, tout ceci n’est pas très grave. Mais c’est à savoir, parce que ça peut être frustrant d’essayer de bien faire les choses et d’avoir des « mauvaises notes« . Comme moi dans ce billet, vous pouvez être amenés (avec plus ou moins de bonne foi :D) à essayer d’expliquer ces contre-performances. J’insiste grossièrement sur ces termes parce que c’est un effet qu’a la ROSP sur moi : une certaine « frustration » d’avoir des mauvais résultats sur des éléments qui me tiennent à coeur (antibiorésistance, hypnotiques, etc. ; d’autres seront plus agacés d’ailleurs par les taux de vaccination anti-grippale, de mammographies, de frottis que je ne détaille pas ici car j’ai déjà été trop bavard… mais si vous voulez jeter un oeil dans les commentaires, n’hésitez pas 😉)
Je ne dois pas être le seul dans ce cas : les médecins sont des habitués des concours, des notes… mettez leur une mauvaise note, et en général, ils se poseront des questions, se remettront en question.
Il ne faut pas oublier que ces taux ne valent pas grand-chose. Ils peuvent valoriser de mauvaises pratiques, voire y inciter… J’ai donné des pistes de « mauvaise pratiques pour augmenter la ROSP » : j’espère bien évidemment que vous ne les utiliserez pas 😀 Mais ça me semble intéressant d’ouvrir la boîte pour comprendre pourquoi vous ferez peut-être moins bien sur l’antibiorésistance (selon la CPAM) que le plus gros prescripteur local d’amoxicilline, ou pourquoi le mieux reste sûrement de ne pas se « préoccuper » de sa ROSP 😉

 

[1] https://www.ameli.fr/cote-d-opale/medecin/textes-reference/convention/2011/2011-rosp

[2] http://convention2016.ameli.fr/

PS : Je n’ai pas parlé du calcul de la ROSP. Si vous voulez, c’est simple : la rémunération est égale au nombre de points (selon la grille dont j’ai extrait des morceaux ci-dessus), multiplié par le taux de réalisation pour l’indicateur (selon la formule 0,5 x (taux de suivi-taux de départ)/(objectif intermédiaire – taux de départ) ou 0,5 + 0,5 x (taux de suivi – objectif intermédiaire)/(objectif cible – objectif intermédiaire) lorsque l’objectif intermédiaire est dépassé), pondéré par le rapport entre la patientèle déclarante et la patientèle moyenne de référence (800) et multiplié par la valeur du point (7€). Rien de compliqué.

PS 2 : Twitter fourmille de « bonnes idées » également… Ainsi, @Docjedy propose de prescrire « les médicaments qui rapportent » en boîtes de 30 et les autres (par exemple les non-génériques) en boîtes de 90 ; @ami89_pharma propose lui de « remplacer le paracétamol (souvent délivré en Dafalgan ou Doliprane) par du tramadol » (même si ça n’est pas le même palier d’antalgique, ni la même indication)…

PS 3 : Je rappelle que malgré le titre un peu funny et le discours tenu ici, qu’il ne s’agit pas de truander la ROSP et que de toute façon, aucun médecin ne le fera pour gagner 3 sous en échange de « mal-« traiter son patient. L’idée est surtout de montrer qu’une bonne prise en charge n’est pas forcément valorisée par la ROSP, et que de mauvaises pratiques peuvent amener à de meilleurs scores par le calcul des taux tel qu’il a été (mal) pensé.

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[FMC] Certificat pour les absences scolaires

Oui mais je ne l’utilise plus… Les écoles sont raisonnables ici ; si certains parents veulent un certificat je leur fais.

— Michaël (@mimiryudo) 18 novembre 2017

Ma pratique c’est :

  • « abus » au sein d’une ou plusieurs écoles (certificat médical systématique) : je fais le certificat avec la précision sur le texte de loi. Pour l’instant ça fait un moment que je ne le fais plus, mais ça peut revenir, par exemple au décours d’un changement de CPE, etc.
  • parents anxieux (notamment si leurs enfants ont déjà eu pas mal d’absences, des difficultés scolaires ou autre contexte particulier…) ou pour ne pas payer la cantine : je fais le certificat normal, sans la précision ; ça me coûte 10 secondes, une feuille A4 et un peu d’encre, donc si ça permet de lever un peu d’anxiété et de ruminations, c’est médicalement hyper rentable 😉 (mais ça se discute, peut-être que je freine le progrès vers le 0 certificat…)
  • parents qui demandent s’il faut un certificat pour l’école : je réponds non, que c’est à eux de mettre un mot dans le carnet.

Mon modèle est plutôt neutre et explicatif, parce que je ne sais pas si c’est l’école qui insiste devant un passif scolaire (de l’enfant ou de sa fratrie, etc.), par habitude ou autre ; ou si c’est le parent qui insiste.

Bref, voici pour @Pirouette4 mon modèle (qui, comme d’habitude, est libre d’utilisation et de reproduction) :

Je, soussigné Docteur @mimiryudo (je mets mon vrai nom ^^), certifie avoir examiné <nom et prénom du patient ><âge> ans.

Son état de santé nécessite une éviction scolaire jusqu’au <date> inclus, avec une surveillance à domicile par un des deux parents (congés de présence parentale). (formule en italique que je retire si besoin).

Certificat remis en mains propres pour faire valoir ce que de droit.

@mimiryudo.

Note : Pour rappel, la circulaire DSS/MCGR/DGS n° 2011-331 du 27 septembre 2011 rappelle les cas où le certificat médical est nécessaire et ceux où il ne l’est pas (notamment l’absence à l’école ou à la cantine – en dehors de quelques maladies contagieuses – et les sorties scolaires).

Vous pouvez retrouver ce texte ici —> http://social-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2011/11-10/ste_20110010_0100_0056.pdf

L’annexe simplifiée est disponible ici —> http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/331_annexe_certifs_medicaux.pdf

En pratique, les seuls certificats utiles sont :

– ceux pour les maladies contagieuses (définies par l’arrêté du 3 mai 1989 relatif aux durées et conditions d’éviction, mesures de prophylaxie à prendre à l’égard des élèves et du personnel dans les établissements d’enseignement et d’éducation publics et privés en cas de maladies contagieuses : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000705286).

– les régimes alimentaires spéciaux pour les cantines scolaires,

– les absences en crèche d’au moins 4 jours (pour des raisons d’exonération),

– l’inaptitude au sport scolaire (l’aptitude au sport scolaire, en EPS, associations ou fédérations scolaires, ne nécessite pas de certificat d’après les art. L552-1 à 4 du Code de l’Éducation)

– la non contre-indication au sport extra-scolaire en entraînement ou en compétition (valable pour une durée de 3 ans)

– les certificats liés à un handicap,

– les autres certificats obligatoires (coups et blessures, etc.)

EDIT du 12 août 2020. Les liens ont changé, et les règles pour les certificats de sport sont à 3 ans maintenant.

Pour les absences scolaires : https://solidarites-sante.gouv.fr/fichiers/bo/2011/11-10/ste_20110010_0100_0056.pdf ou l’annexe simplifiée : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/331_annexe_certifs_medicaux.pdf

Pour les certificats de sport tous les 3 ans : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=4AEE461CB45FD4C6420BE8724AE63A4C.tplgfr27s_1?cidTexte=JORFTEXT000034411047&idArticle=LEGIARTI000034411261&dateTexte=20170413

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[FMC] CAT devant une hyperferritinémie

(Petite nouveauté sur le blog à compter de ce jour : les commentaires des articles vieux de plus de 60 jours sont désactivés. L’activité de réponse empiétait sur le temps libre disponible pour créer de nouveaux articles… Show must go on, et tout ça.)

 

Parmi mes problèmes fréquents (hebdomadaires), j’ai régulièrement « que faire avec cette hyperferritinémie ? (alors que j’avais dosé devant un VGM bas et que j’espérais tomber sur une hypoferritinémie dans la plupart de ces cas) ». Il y a des trucs comme ça, ça ne veut pas rentrer, alors je me fais des petites fiches… et je profite de cet espace pour les partager.

Pour rappel, la ferritinémie stocke le fer (4500 atomes/molécule) au niveau des hépatocytes et du système macrophagique (foie, rate) – celle qu’on dose est bien sûr dans le sang… C’est une molécule de l’inflammation, dont la synthèse est stimulée par l’alcool. Sa norme sanguine est entre 30 et 300 ng/ml ; la toxicité viscérale (fibrose hépatique, cardiaque, hypophysaire, pancréatique dont diabète) est attendue pour une ferritinémie chronique au-delà de 1000 ng/ml.

Voici ma conduite à tenir pratique en médecine générale devant une hyperferritinémie > 300 ng/ml, d’après les sources mises en bas de l’article. Elle est bien sûr ouverte à discussion, utilisable et réutilisable comme vous le voulez (avec la licence qu’utilise François TJP : Do What The Fuck You Want to Public License) 😉 

  1. Revoir le patient avec son bilan biologique pour faire le point. Chercher cliniquement une cause secondaire :
    • consommation d’alcool
    • « syndrome métabolique » (surpoids, sédentarité…)
    • transfusions récentes ou anciennes
    • (antécédents familiaux d’hémochromatose ou de cataractes précoces)
  2. Le cas échéant, demander au patient de réduire sa consommation d’alcool (en sachant qu’après un sevrage en alcool, le fer sérique va passer de élevé à normal en 1 semaine environ, mais que la ferritinémie va passer de élevée à normale en 3 mois environ).
  3. Bilan biologique de première intention : 
    • coefficient de saturation de la transferrine : CSF 
    • glycémie à jeun, cholestérol total, HDL-c, LDL-c, triglycéridémie +/- uricémie (syndrome métabolique)
    • ASAT, ALAT, CPK (lyse cellulaire, hépatique ou musculaire)
    • NFS-réticulocytes +/- haptoglobine (hémolyse)
    • gGT (alcool, syndrome métabolique)… pas forcément un très bon marqueur
    • CRP (inflammation)
    • +/- TSH (hyperthyroïdie, même si c’est plutôt de la 2ème intention…)
  4. Et selon le bilan : soit on a le diagnostic, soit on demande une IRM hépatique (CSF normal), soit on recherche une mutation génétique pour l’hémochromatose (CSF élevé)… Détaillons ça ! Nous avons maintenant 2 grandes situations qui se dégagent :
  • Hyperferritinémie avec CSF normal ou bas (< 45 %)
    • Inflammation (souvent hyperferritinémie discrète < 500 ng/ml)
      • sauf pour la maladie de Still ou arthrite juvénile idiopathique (hyperferritinémie très élevée, avec diminution de la portion glycosylée de la ferritinémie)
      • … et hors médecine générale, il y a aussi le syndrome d’activation macrophagique (fièvre, hypertriglycéridémie, hypofibrinogénémie dans un contexte d’infection virale, de connectivite ou de néoplasme…)
    • Cytolyse éventuellement (même si classiquement, CSF > 45 %)
    • Hépatosidérose dysmétabolique (souvent hyperferritinémie franche entre 600 et 1200 ng/ml)
    • … si ce n’est pas une de ces causes, aller à l’IRM hépatique sans injection pour quantification de la charge hépatique en fer :
      • hépatosidérose dysmétabolique (de loin le plus fréquent, avec une charge hépatique en fer CHF modérée)
      • … et sinon, on ira à un avis spécialisé, avec pour information : 
        • charge en fer faible/nulle :
          • certaines mutations du gène FTL (plus fréquentes chez les patients Noirs – d’autres mutations vont entraîner une neuroferritinopathie avec hypoferritinémie avec supplémentation en fer délétère !)
          • maladie de Gaucher (tableau d’hépatosplénomégalie, plus fréquent chez les Juifs Ashkénazes)
          • syndrome hyperferritinémie/cataracte ou syndrome de Tonneau-Beaumont par mutation du gène FTL également (penser à demander les cataractes précoces dans la famille)
        • charge en fer élevée (> 3N) :
          • maladie de la ferroportine (hémochromatose de type 4, plutôt chez les Noirs ; elle peut aussi se présenter avec un CSF élevé !)
          • acéruléoplasminémie (signes extrapyramidaux, ataxie cérébelleuse, anémie, dégénérescence rétinienne)
  • Hyperferritinémie avec CSF élevé (> 40 % chez la femme, > 45 % chez l’homme, à 2 reprises) :
    • Cytolyse, myolyse périphérique ou cardiaque
      • Faire le point ensuite sur l’hépatopathie éventuelle (VHB, VHC, etc.)
    • Ethylisme chronique (la ferritinémie peut être supérieure à 1000 et mettra 3 mois à se corriger)
    • Transfusions massives (anciennes ou récentes)
    • Porphyrie cutanée tardive : y penser devant une dermatose bulleuse des zones photoexposées majorée à l’alcool, et une cytolyse –> dosage des porphyrines urinaires et avis spécialisé
    • … sinon, évoquer une hémochromatose : avis spécialisé et recherche génétique (en attendant le rendez-vous) de mutation C282Y et H63D du gène HFE si CSF > 60 % chez l’homme et > 50 % chez la femme :
      • C282Y +/+ (homozygote) : hémochromatose de type 1. Attention, l’hétérozygotie N’EST PAS une hémochromatose, elle n’élève pas significativement la ferritinémie… sauf si c’est C282Y + / H63D+ (double hétérozygote), d’où l’intérêt de chercher les deux !
      • il existe aussi des hémochromatoses non liées à HFE (type 2 juvénile liée aux gènes HJV, HAMP ; type 3 liée à des mutations du récepteur de la transferrine de type 2 – oui, c’est pratique, le type 3 est lié au type 2)

Devant une hyperferritinémie chronique, il sera utile de faire une échographie hépatique voire un fibroscan pour évaluer le retentissement. Et devant une hyperferritinémie incomprise > 600-1000 ng/ml persistante à 3 mois, un avis spécialisé restera utile.

Le traitement découle de la cause : traitement de l’inflammation, de l’hépatopathie ; règles hygiénodiététiques (alcool ou dysmétabolique)… La plupart des hyperferritinémies peuvent être diagnostiquées, expliquées et traitées en médecine générale. Pour les causes rares nécessitant un recours à un avis spécialisé, il existe des molécules type déféroxamine (acéruléoplasminémie, etc.) ou la possibilité de saignées (hémochromatose ou hyperferritinémie avec fibrose hépatique).

Dernier point : il peut être discuté « dans un souci d’économie et de santé publique » de faire seulement le CSF, puis dans un deuxième temps doser soit les transaminases (CSF haut), soit la CRP et le bilan métabolique (CSF normal). Sauf que 1/ les cytolyses peuvent accompagner un CSF normal ; 2/ il faut revoir le patient pour prescrire le bilan de 2ème temps, et donc coter une consultation à 25€ – ce qui doit être à peu près le coût du bilan complet… 😉

 

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Do What the Fuck You Want to Public License (WTFPL)

Sources (que des sources secondaires, j’ai fait le fainéant) : 

– www.snfge.org/content/cp002-conduite-tenir-devant-une-hyperferritinemie
– https://hepatoweb.com/DES/DES_GO/SEMINAIRE_102006/Hyperferritinemie.pdf
– http://www.fmcgastro.org/wp-content/uploads/file/pdf/387.pdf
– http://ammppu.org/wordpress/wp-content/uploads/2015/11/hyperferritinemie.pdf
– merci à @granulomathoz pour ses compléments d’informations sur Twitter

 

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Ancien chef de clinique des universités

Ce mardi soir, à 23h59, mon clinicat s’achèvera dans les cris et hurlements d’enfants et adolescents déguisés en fantômes, sorcières et autres quémandeurs de bonbons. Drôle d’image.

C’est sûrement le bon moment pour en faire un bilan, et faire des remarques tout à fait personnelles sur le clinicat tel que je l’ai vécu (notamment pour les futurs chefs de clinique en médecine générale). Je vais donner quelques chiffres et clairement, ça va avoir un côté CV : je mets ici ce que j’aurais bien aimé avoir ce genre d’exemple (non exemplaire !) avant de commencer mon propre clinicat, ou avant de choisir… Si tout ça est trop pénible, c’est sans doute que vous n’êtes pas concernés et je vous conseillerai donc de passer votre chemin (il y a cette excellente vidéo par exemple qui peut vous occuper ;-))

 

Pourquoi un clinicat ? 

En novembre 2014, mon internat (3 ans) était terminé ; ma copine avait encore 1 an d’internat puis 2 ans d’assistanat à temps partagé (dont 80 % à Lille), avec un projet d’installation ultérieure sur la côte. Le clinicat était possible, compatible avec son post-internat (et notre vie commune sur 2 sites séparés de 150 km), me permettait d’avoir un poste salarié à Lille avec une activité libérale déjà débutée sur la côte…

Ca n’est pas la seule raison bien sûr : j’aurais pu remplacer aussi, j’aurais eu une vie plus cool !

Je voulais aussi faire un peu d’enseignement et de recherche – « rendre aux enfants l’enseignement que j’ai reçu de leurs pères », dit-on dans le serment d’Hippocrate… Je voulais surtout contribuer à améliorer l’enseignement de la médecine générale, parce que dans ma promo, je crois qu’à peu près tout le monde était critique envers celui-ci. J’ai commencé à y réfléchir après mon 3ème semestre (en médecine générale), soit en mai 2013 environ.

Fin octobre 2014, juste avant de débuter, j’avais écrit un mot dans les notes du téléphone : « ne pas oublier que je fais ça pour m’amuser, pas pour être MCU ou PU. Je veux faire de l’enseignement pour apporter quelque chose aux étudiants, et faire un peu de recherche. Si à la fin je peux et veux postuler en tant que MCU, pourquoi pas ; mais cela ne doit être qu’un moyen de poursuivre l’enseignement et pas une fin. » 

Je suis assez content aujourd’hui d’avoir écrit ça. Et du coup, je recommanderais bien volontiers aux futurs CCU de faire de même : une petite note d’intention. Parce qu’une fois dans le maelström, on peut un peu perdre de vue nos objectifs premiers, voire céder aux injonctions contraires au nom des sacro-saints critères de la CNU.

 

Qu’est-ce que j’ai fait pendant ces 3 ans ? 

J’ai fait des trucs. Forcément, 3 ans c’est un peu long à résumer, mais je vais essayer de synthétiser…

J’ai développé à partir de rien mon activité clinique :

  • après 3 mois de simili-remplacement, j’ai créé une activité dans un cabinet en solo,
  • mon activité a augmenté de 0 acte à 25-30 actes/jour (bonne moyenne à laquelle j’aimerais rester sans trop monter…),
  • je suis médecin agréé aux comités médicaux et commissions de réforme depuis 2 ans (en gros faire les certificats d’aptitude pour les fonctionnaires, les entrées en école d’infirmier, expertiser sur la recevabilité d’un congé longue maladie, etc.), je suis membre du réseau Sentinelles (c’est sympa en ce moment, je recommence à écouvillonner le nez des gens pour voir s’ils ont la grippe ou pas) et je participe à la permanence des soins localement,
  • je ne pense pas être plus mauvais qu’un autre, en tout cas en suivant mon auto-évaluation et/ou les relevés de sécurité sociale (dont les indicateurs sont très discutables et soumis à de nombreux biais – j’en reparlerai sûrement ici à l’occasion :)).

J’ai suivi une formation à l’enseignement : 

  • un DIU de pédagogie médicale, aussi appelé CIDMED niveau 2 (et appris à vouer un culte à tout ce qui vient des méthodes pédagogiques canadiennes – que le Grand Caribou nous bénisse),
  • les séminaires animation 1 et 2 avec d’autres chefs de clinique de médecine générale (un super moment !)

J’ai fait de l’enseignement en 2ème cycle pour le département de médecine générale : 

  • écriture de 3h d’enseignement sur « la prévention en médecine générale » pour l’enseignement à choix libre de médecine générale en MED-5 (actualisé et animé 3h pendant 3 ans),
  • écriture de 2 x 1h sur un séminaire de présentation de médecine générale pour les MED-4 (animé 3-4h de séminaire pendant 3 ans),
  • évaluation de 4 ans de ce séminaire de présentation dans le cadre d’une thèse,
  • co-responsable des enseignements de médecine générale pour le 2ème cycle l’an dernier,

J’ai fait de l’enseignement en 2ème cycle pour la faculté cette fois, ou pour la préparation aux ECNi (dont se fiche royalement le DMG) : 

  • j’ai été co-responsable d’une conférence de préparation aux ECNi pendant 2 ans (j’en reparlerai plus bas),
  • j’ai fait une conférence de médecine générale, de tutorat, de LCA ; écrit des dossiers à 2 concours blanc de la fac ; participé à une conférence de pharmacologie, de sémiologie sur les 3 ans ; au total, j’ai donné 117 heures d’équivalent TD en 3 ans,
  • j’ai aussi écrit un recueil de cas cliniques (Dossiers Transversaux), participé bénévolement à un autre avec 2 cas cliniques (Bon usage du médicament), coordonné un troisième qui vient de sortir ce 24 octobre (Les dossiers des conférenciers) et préparé un autre (120 QI de pharmacologie) dont la version finale a été transmise ce 30 octobre  à S-Editions (contrat déjà signé),

J’ai participé aux activités classiques de tout universitaire : j’ai corrigé une fois la PACES (sciences humaines et sociales) et surveillé 27 examens de 2 à 3h en 1er et 2ème cycle…

J’ai fait de… « l’animation pédagogique » en 3ème cycle (disons ça, puisqu’en médecine générale on privilégie l’apprentissage à l’enseignement) :

  • dès mon arrivée en décembre, j’ai créé une fiche d’aide à la rédaction d’un RSCA pour rendre l’évaluation plus homogène (c’était un peu une sorte de cheval de bataille, et j’ai redit la même chose jusqu’en septembre 2017…)
  • je compte environ 240h sur 3 ans, dont 110h de groupes d’échanges de pratique, et le reste de façon variée : prévention individuelle et collective, communication et négociation (tous deux bien appropriés), portfolios (tous les ED – que j’ai synthétisés en 4 au lieu de 5 et mis à jour d’ailleurs), recherche d’informations, séminaire de rentrée (recherche), dermatologie, abord du patient avec cancer, gestes pratiques, vision globale,
  • et j’ai relu 31 portfolios (en étant sûrement un des évaluateurs les plus cools, puisque je n’ai jamais rien fait refaire – mon commentaire allant de « c’est très bien mais ça tu peux améliorer (détail) » à « c’est limite, j’accepte pour cette fois mais les fois prochaines, merci d’améliorer ces points sinon ça ne passera pas (détail) »)

J’ai écouté 28 fois le serment d’Hippocrate par mes thésardsa priori tous satisfaits (mon co-chef de clinique m’a fait remarquer que c’est un peu comme si j’avais encadré 4 à 5 % de chaque nouvelle promo pendant 3 ans :D) ; je l’ai aussi écouté 4 autres fois en tant que membre de jury non directeur…

J’ai fait de la recherche en médecine générale :

  • validé mon DESC de pharmacologie clinique et évaluation des thérapeutiques
  • obtenu un master 2 (7ème sur une promo de 57 mêlant scientifiques, médecins et pharmaciens – pas si mal pour un master 2 à mi-temps ;-)),
  • enchaîné avec deux ans de « thèse de science » (3ème et normalement dernière année en cours – ce qui a été validé par mon comité de suivi individuel le mois dernier \o/),
  • participé à une grosse étude locale (PaCUDAHL-Gé) : recrutement d’internes, formation aux bonnes pratiques cliniques, tenue d’une base de données initialement, encadrement de 2 thèses, participation à quelques rencontres, relectures de synopsis, protocoles, compte-rendus, etc.
  • publié 7 articles en 1er, 2ème ou avant-dernier auteur dans des revues françaises (j’ai réellement participé très activement à tous, qui concernent tous de la médecine générale) – si j’en crois SAMPRA, ça me fait un score SIGAPS de 40, « ce qui est bien mais pas top » ; j’en ai 2-3 autres pré-acceptés et je pense paradoxalement que je vais davantage pouvoir publier maintenant que j’ai du temps libre pour faire ça…

J’ai aussi eu une petite activité « d’expertise » en :

  • participant à des congrès… 
    • 4 communications orales en tant qu’invité dans des congrès à visée régionale (journées régionales de médecine, journées régionales de pharmacovigilance),
    • 1 communication orale dans un congrès international à Prague (en 1er auteur car mon article, mais je n’étais pas le présentateur car occupé et aussi anglophone qu’un poisson rouge slave),
    • 3 posters (2 au CNGE, et 1 à Lille dans le cadre de la thèse de science à présenter en anglais à des français, et avec les questions en français – ouf…)
    • 12 présentations orales aux congrès de médecine générale (CNGE et CMGF), dont 9 présentées,
    • 1 atelier co-animé (avec des amis de Twitter, good old times, tout ça ^^)
    • je suis membre du comité scientifique des journées régionales de médecine depuis 2 ans et j’ai été modérateur à une session de congrès à Lille
  • participant à relire des documents d’agences de santé :
    • 6 fiches INCa,
    • 2 fiches des réseaux OncoNor/OncoLogik
  • et participant à des revues :
    • 2 commentaires d’articles dans Exercer, 2 articles dans Données pour exercer
    • 3 articles rédigés chez Prescrire (entre décembre 2014 et juin 2017 où j’ai mis en stand-by),
    • 3 reviewings chez Exercer, 1 chez la Revue d’épidémiologie de santé publique et 28 chez Prescrire.

 

Sur quels points attirer l’attention d’un futur chef de clinique ? 

Concernant la part clinique…

Mon clinicat a assez mal démarré sur la partie « clinique ». C’est avant tout un mauvais concours de circonstances qui ne devrait plus se reproduire : déjà je devais débuter en novembre 2015 après une année « DESC » mais le candidat 2014 s’est désisté tardivement (en avril avec les dossiers à rendre en janvier normalement…). Le DMG m’a dit « non mais c’est bon, tu peux trouver ton lieu d’installation jusqu’en octobre » avant de me dire « ah non en fait tu as 15 jours » quelques semaines plus tard (changement de responsables, etc.)… Le cabinet où j’étais était parfait, mais il n’y avait pas de place avant un départ en retraite 2 ans plus tard. J’ai donc dû trouver en urgence un cabinet acceptant de m’accueillir, sans me connaître, sur un poste à mi-temps, avec un contrat de l’ARS à signer… Bonne chance !  

J’ai trouvé un poste, et c’était aussi inattendu que cool… Mais être à mi-temps, dans une structure coûteuse (1800€/mois en temps plein) avec un rythme plutôt effréné, c’est peu acceptable en général. C’était difficile d’avoir une légitimité en étant présent 4 demi-journées par semaine, avec des pratiques divergentes sur certains points, sans pouvoir accepter trop de nouveaux patients non plus vu qu’à mi-temps (pour ne pas surcharger les collègues en mon absence, ce qui est logique) – et pour rappel au début nous n’avons pas les papiers et numéros nécessaires à notre exercice pendant 1 à 2 mois. A l’heure actuelle, je suis sûr que ça passerait mieux, mais en début de clinicat, il me fallait clairement plus de liberté pour gérer la fac ET le cabinet. Bref, nous avons rompu d’un commun accord (et en bons termes) notre contrat à 3 mois et j’ai dû rebondir. J’avais anticipé notre rupture : fin décembre, j’ai visité le cabinet d’un ancien kinésithérapeute (à 300m du cabinet que j’allais quitter) pour lequel je signais en janvier, en me disant que c’était une bonne occasion de créer une activité que le clinicat.

Et je confirme ! C’est à mon sens une des meilleures solutions pour une raison simple : l’activité clinique montre crescendo, et le travail universitaire va plutôt decrescendo pendant le clinicat (enfin ça dépend bien sûr, mais en tout cas, il y a moins la charge de préparer 6h de cours quand on avance par rapport aux premiers mois – et on maîtrise mieux la direction de thèses par exemple, etc.)

Sauf que :

  1. l’ARS (Nord-Pas-de-Calais en tout cas) refuse de verser la prime de chef de clinique si on n’a pas un contrat de collaboration. Je me suis donc assis sur plusieurs milliers d’euros pour pouvoir exercer en solo… Mais pas de regret ! Si j’étais resté dans la MSP à 1800€ mensuels, j’aurais  à faire mes comptes aujourd’hui avec la perte de salaire ARS je pense ; là, être en cabinet solo m’a permis d’économiser quelque chose comme 1200€ sur les 1800€ mensuels de la MSP et c’est « plus sain » disons. Enfin je vis assez bien l’idée de « ne rien devoir » à l’ARS… je n’aime pas les devoirs de réserve ^^
  2. les critères CNU acceptent les « médecins installés » pour l’activité clinique, mais il faut aussi montrer « la capacité à animer une équipe clinique pluriprofessionnelle, attestée par une description du projet et/ou la production de protocoles de soins visés par la structure ». Bref, je pense qu’à l’heure actuelle il est mieux vu d’amener un dossier de « moteur de maison de santé pluridisciplinaire avec un projet s’inscrivant dans une up-levelisation du niveau de santé de la population locale en fonction de ses particularités » plutôt qu’un dossier de « je m’installe comme dans les années 70 lolilol ».

Vous pouvez aussi vous installer dans une MSP avec un des membres de votre DMG, mais il semble que parfois c’est préférable de scinder l’activité clinique et l’activité à la faculté.

Bref, j’ai deux conseils ici :

  • prévoir le clinicat tôt et trouver une « part soins » qui vous corresponde, avec des collègues qui ont une pratique qui vous convienne et qui acceptent quelqu’un avec votre pratique à (théoriquement) mi-temps (encore une fois, je pense qu’on est de mieux en mieux accompagnés) ; 
  • attention à ne pas « dépendre » un peu trop du complément de revenus de l’ARS (ne pas en avoir m’a évité cet écueil). On a vu des chefs qui avaient du mal à la transition « chef de clinique » – « pas chef » : pensez de façon précoce à cette transition.

 

Concernant l’enseignement…

Pour les enseignements de médecine générale, j’ai eu beaucoup de plaisir à animer certains enseignements (prévention et dépistage, ça a été mon dada). Quelques autres étaient pénibles (vision globale, cancer…). Tout le monde le sait – étudiants, enseignants -, mais il n’est facile de refaire des cours… Ca devrait néanmoins s’arranger bientôt avec la reprise de tous les enseignements prévue pour la promotion à venir, dans le respect de la réforme des DES.

On touche toutefois à ma principale frustration de la partie « enseignement de médecine générale » : chez nous, l’enseignant ne peut pas refaire le cours qu’il va « donner ». C’est normal et je l’entends bien : un même enseignement est décliné à plus de 10 groupes par an, parfois par 3 ou 4 enseignants différents, avec une validation préalable par d’autres intervenants en général ; si chacun le fait à sa façon (comme ça a pu arriver), on se retrouve avec des messages inhomogènes voire contradictoires, et on passe pour des clowns (au mieux)…
Mais malgré tout, le système est un peu fermé. Pour changer « officiellement » la moindre virgule, il fallait demander au concepteur qu’il le fasse lui-même, sachant que 1/ il peut être très mal pris de modifier un powerpoint qu’on n’a pas réalisé (ne pas faire en absence d’un adulte qualifié) ; 2/ certains concepteurs sont retraités ou à l’autre bout du monde. Certains se passent simplement du support de présentation et le font a capella. 
Bref, un juste milieu devrait pouvoir être trouvé. Si on ne « débloque » pas ça un peu, s’il n’y a pas de système simple d’édition, de commentaires ou de partages (même sur un Google Drive ou équivalent), ça sera toujours frustrant… Là encore, la liste des « référents » par ED sera mise à jour avec la refonte des enseignements donc ça devrait pouvoir se simplifier…

Dans le même principe, j’ai appris après 8 mois de clinicat qu’il fallait « s’approprier » les ED qu’on faisait (c’est-à-dire y assister en tant qu’enseignant observateur), y compris si on a déjà eu l’ED (6h) en tant qu’interne 1 an plus tôt, si on a lu le déroulé pédagogique et si on a potassé la présentation… (je l’ignorais, et d’ailleurs personne ne me l’avait dit lors de mon inscription sur le planning à plein d’ED…) C’est un peu particulier, ça n’existe clairement pas dans les autres spé chez nous ; je ne sais pas si c’est répandu dans les autres facs en médecine générale… Bref, un conseil : renseignez-vous avant de faire de l’enseignement sur ce que vous avez le droit ou pas le droit de faire. 

L’autre point de frustration, c’est que 3 ans après, si je me dis « qu’est-ce que j’ai changé ? », eh bien en médecine générale, je crois que la réponse est « pas grand-chose, voire un peu moins ». Ca soulève même la question « sommes-nous là pour changer quelque chose ? » Je pense que c’est une question à se poser avant de débuter le clinicat : quelle place voulons-nous avoir ? Que voulons-nous changer ? 
Il y a quelques enseignements que j’ai (re)faits sur la recherche, la prévention ou la communication, mais rien qui n’aurait pu se faire de la même façon sans moi. Par ailleurs, je serais bien incapable de citer la moindre décision d’importance du DMG que j’aurais pu vraiment influencer par mon avis. Ce n’est pas qu’on ne m’a pas écouté, c’est juste que mon avis n’était pas dans le sens des grandes décisions qui ont été prises de façon collégiale par les instances actuelles.

Ca n’est pas une critique, c’est un constat. Par exemple, mon opinion a toujours été pendant ces 3 ans – de façon non exhaustive – d’être :

  • « favorable » à des équivalences de temps d’enseignement par d’autres choses (DU, DIU, congrès, etc.), parce que je sais que c’est galère quand on est en stage de s’absenter à plusieurs internes en même temps, et qu’il y a des congés et d’autres trucs : au contraire, le DMG a serré la vis pour réduire les équivalences pour favoriser le suivi des ED,
  • « favorable » à augmenter un peu la part « magistrale » réclamée par certains étudiants (pas forcément en enseignement magistral, mais en supports en ligne, référentiels ou autres) : au contraire, les textes légaux, le CNGE et le DMG veulent davantage de groupes d’échanges de pratique pour majorer encore l’apprentissage de la réflexivité,
  • « favorable » à être plus cool sur les évaluations de portfolios et ce qu’on en demande (parce que c’est un équivalent de mémoire, ce qui demande quelque chose comme 100h environ au total dans un autre DES, et qu’on demande 7 RSCA + 6 rapports de stage…) ; au minimum, ne pas faire refaire encore et encore le même RSCA… (j’ai vu des étudiants apparemment sains d’esprit développer une vraie phobie avec 2-3 correcteurs). Au contraire là encore, le CNGE (et donc localement) s’est prononcé pour majorer le portfolio avec un journal de bord, voire l’étendre ensuite au 2ème cycle et à tout professionnel de santé. (A part les chefs de clinique et une poignée d’ayatollahs, la plupart des membres de DMG et évaluateurs de portfolios n’ont jamais eu à rédiger de RSCA. Le jour où on voudra étendre cet « exercice » à l’ensemble de la profession, il y aura une telle levée de boucliers que les gens croiront à une éclipse).
  • « favorable » à laisser l’internat à 3 ans : bon bah, apparemment ça ne se dit pas, il faut être pro-4 ans parce que le CNGE l’est.

Et j’ai vraiment essayé de changer certaines choses qui m’avaient gêné en tant qu’interne. Pour les RSCA, j’ai retrouvé la fiche (ci-dessous) que j’ai faite en décembre 2014 (à 1 mois de clinicat donc), transmise, intégrée dans les ED, validée. Pour autant, lorsque 3 ans plus tard nous discutons de ce qui doit être ou pas dans un RSCA, tout le monde n’est pas d’accord sur la partie « analyse » ou autre. Nous attendons un ouvrage de référence sur les RSCA sur lesquels s’appuyer… une perspective là aussi.

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Donc le message ici pour les futurs CCU, c’est sûrement de réfléchir en amont à ce que vous voudriez changer, en un ou deux seuls points. Depuis un an maintenant chez nous, les chefs de clinique sont intégrés dans l’organigramme et c’est une bonne chose, à développer.

Finalement ce qui m’a sans doute le plus plu, c’est la responsabilité de conférences de préparation aux ECNi (c’est paradoxal car c’est lié au clinicat universitaire, mais pas du tout à la médecine générale). Ca a été une activité hautement chronophage, mais tout aussi enrichissante pour :

  • les connaissances : j’ai beaucoup « révisé » en relisant les conférences du tour de spécialité pendant deux ans,
  • la pédagogie : s’adapter aux changements de docimologie des ECN, choisir le « programme » de la conférence / concevoir un projet, demander aux étudiants ce qu’ils ont besoin, le mettre en place,
  • l’organisation / le relationnel : travailler en binôme de façon sereine et efficace pendant 2 ans, c’était vraiment cool ; organiser 2 fois un concours blanc, gérer un planning de 50 conférenciers, gérer 3 groupes de 40 étudiants (en MED-6) pendant 2 ans, faire du coaching et du tutorat (à quelques jours/semaines/mois du plus gros concours de leur vie), gérer des « mini »-urgences sur des problèmes de salle ou autre…

Ca a aussi été la partie d’enseignement où j’étais vraiment dans « l’enseignement » bien plus que dans « l’apprentissage de la réflexivité » et c’est peut-être aussi simplement pour ça que ça m’a plu. C’est sans doute davantage ce que je recherchais par un poste d’enseignant-chercheur. Avec cette activité, j’ai eu toutes les activités scindées dans un département de médecine générale : administratifs, décisionnels et exécutants… Et clairement, j’ai eu plus de liberté et d’influence ici par l’équipe de la faculté qu’au sein du DMG, dans un domaine pourtant « précieux » (les meilleurs MED-6 de la fac avant les ECNi pour lesquelles le rang de classement de la faculté est scruté nationalement). Bref, si vous avez l’opportunité d’avoir un tel poste, foncez ! (Les places sont rares, 15 pour toute la fac et généralement tenus par des internes).

 

Concernant la recherche… 

La CNU était avant avec les internistes, puis a a été proclamée séparée (section 53.03) avec de nouveaux critères au congrès du CNGE de Lille en novembre 2014 par le Pr Dubois-Randé en tant que conseiller auprès du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à l’époque (il est directeur d’UFR à Paris-Est-Créteil où le directeur de DMG est le Pr Vincent Renard, président du CNGE depuis 2010 ; il est également président de la conférence des Doyens depuis février 2016 et il a récemment annoncé la suppression des ECN pour « mieux accompagner l’acquisition de compétences cliniques par les étudiants »).
Bref, donc j’ai commencé avec une histoire de « attention aux points SIGAPS » et poursuivi avec « attention il faut des articles dans Exercer et dans des revues de médecine générale anglophones ». Ca n’a pas changé grand-chose, d’autant que j’avais ma note d’intention qui me rappelait régulièrement de ne pas travailler pour un CV mais d’avoir un CV parce qu’on travaille sur ce qui plait (j’insiste mais c’est vraiment une notion qu’on a tendance à perdre…)

J’ai été invité à participer activement à une étude en cours, et ça a été une enrichissante expérience.

En dehors de cette étude et de mes travaux personnels (master 2, mémoires de DESC ou DIU, thèse de science), j’ai fait principalement de la direction de thèse (sans la formation, mais j’avoue que je n’y trouve plus un fol intérêt après une petite trentaine de directions). Ma principale erreur, ça a été de ne pas orienter ces thèses dans le seul domaine de ma thèse de sciences. A l’heure actuelle elle serait déjà finie…

Ma principale fierté, ça a été de ne pas orienter ces thèses justement… et de laisser aux thésards la liberté de choisir les domaines d’études qui les intéressaient. J’ai encadré des sujets de pédiatrie, gynécologie, médecine du sport, pharmacologie, pédagogie et même un d’histoire de la médecine – le tout étant toujours centré sur la médecine générale bien évidemment.

 

Est-ce que je me suis amusé ?
Indéniablement, j’ai « vécu » des moments très chouettes. Les directions de thèse m’ont beaucoup plu, la responsabilité d’une conférence était aussi inattendue qu’incroyable. Les sessions « animation » avec les autres chefs de clinique, et certaines amitiés créées par le clinicat… bah tout ça, c’est bien ! 🙂
Finalement, ce sont des moments de « liberté » pour moi, que j’ai bien appréciés. Il parait que j’ai eu plus de mal sur le travail en équipe – ceci étant, ça n’est pas ma faute si j’ai des idées qui sont contraires à certaines du CNGE par exemple, et peut-être que c’est bien d’avoir dans une équipe un membre qui a des idées un peu divergentes (peut-être que c’est pénible aussi). (Et puis c’est relatif, bosser en équipe en étant responsable de conf s’est très très bien passé…)

 

Et après ?
Déjà faisons simple : je n’ai pas les critères pour être MCU sur plein de motifs.
Primo, les articles, j’en suis loin (il me manque les 3 en anglais notamment).
Deuxio, je ne suis pas MSU et je n’ai pas l’intention de l’être pour l’instant – parce que c’est une création d’activité, parce que j’ai envie de faire du soin plus que de la pédagogie pour laquelle j’ai déjà pas mal donné dernièrement, parce qu’avant d’enseigner il faut savoir et que j’ai à progresser sur mon examen clinique par exemple, ou d’autres détails…
Tertio, ça n’est pas limitant dans les textes mais être « en solo » n’offre sans doute pas un CV facile à défendre devant le terrible CNU.

Ensuite, je n’ai pas postulé pour une 4ème année de clinicat (ma copine – maintenant femme – débutant son nouveau poste à 50 km de moi le 2 novembre). De toute façon le poste ne m’a pas été reproposé non plus. J’ai l’habitude des ruptures en bons termes, vous voyez 😀

Officiellement, je suis « chargé d’enseignement » mais je n’ai pas repris d’ED vraiment – je finis mes groupes d’échanges de pratique et je suivrai l’évolution (réforme de DES, nouveaux enseignements, etc.)

Bref, pour la première fois, je suis vraiment seul (mon clinicat a fait suite directement à l’internat).
Seul, avec un cabinet et des patients, et je dois m’améliorer sur mon activité clinique, ma sémiologie, mes prises en charge, ma gestion des dossiers…
Je ferai encore un peu de recherche avec ma dernière année de thèse d’université, et la vingtaine de travaux à valoriser qui sont dans mes dossiers…
Quant à l’enseignement, la pédagogie, le partage de connaissances… J’aime assez ça et sans doute que le contact avec les étudiants/internes me manquera. Mais l’enseignement ne se limite pas à la faculté : il y a des gens qui font ça très bien sur leurs blogs (le Dragi Webdo, d’un autre chef de clinique de médecine générale ; Qffwffq en neurologie…), il y a des vulgarisateurs géniaux sur YouTube… sans doute que ce genre de « voie » pourrait me permettre de poursuivre un peu de « pédagogie ». Je ne sais pas… On verra où m’amènera cette quête insensée du fun, qui m’a poussée hier à entreprendre un clinicat, mais demain – qui sait ? – peut-être simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi.

Voilà ! C’est fini ! Enfin ! Vous avez vraiment lu tout ça jusqu’ici ?! Vous êtes fou !
Au passage, si jamais vous êtes concernés : bon premier semestre aux néo-internes de demain, bon début aux nouveaux chefs de cliniques, et bonne « retraite » aux anciens assistants / chefs / internes 😉

 

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Dépistage par mammographie du cancer du sein

S’il y a un truc qui fait débat en ce moment, c’est bien… euh, le LEVOTHYROX ? l’aluminium ? l’obligation vaccinale ?
Tout ça, mais aussi le dépistage par mammographie du cancer du sein, parce que nous sommes au milieu d’Octobre Rose et de ses actions en faveur d’un dépistage systématique… et que celui-ci est l’objet de polémiques depuis plus de 10 ans.

Une fois n’est pas coutume, je vais essayer d’être synthétique (OMG !)

 

En quelques mots, quelle est la polémique ?
Depuis 1989 dans certains départements et depuis 2004 au niveau national, les autorités recommandent un dépistage systématique par mammographie tous les 2 ans de 50 à 75 ans (ladite mammographie est lue par 2 radiologues différents). L’Institut National du Cancer (InCA) associe ce dépistage à une réduction de 15 à 21 % de la mortalité par cancer du sein.

En 2001, une méta-analyse Cochrane de Gotzsche et Olsen remettait en cause ce dépistage. Elle a été mise à jour (comprendre « ajouter de nouvelles études aux anciennes ») en 2006, 2009, 2011 et 2013 et conclue invariablement à « ça ne diminue pas la mortalité, ça augmente les mastectomies« . Cette augmentation de mastectomies a été confirmée en 2017 en France dans une étude sur les bases de données hospitalières. L’InCA lui-même retient une valeur de 1 décès évité pour 3 surdiagnostics (2 décès évités pour 1 surdiagnostic au mieux ; 1 décès évité pour 10 surdiagnostics au pire). Le surdiagnostic correspond à une lésion cancéreuse qui n’aurait pas évolué vers un cancer infiltrant du vivant de la patiente. 

En 2016, la Ministre de la Santé a lancé une concertation citoyenne qui a conclu le message suivant : « l’état des connaissances sur les bénéfices et les risques associés au processus de dépistage du cancer du sein doit faire l’objet d’une information claire, précise, complète, afin de permettre aux femmes d’adhérer ou non à cette démarche« . L’annexe 4 du document (page 155 et suivantes) propose des outils d’aide à la décision – dont celui de notre ami Twittos, @Dr_JB_Blanc ! (Gloire aux blogs ^^) 

 

Qui est dépisté et comment ?
Inutile de réinventer la roue : Mme Patricia Rosselet a produit un super tableau dans l’annexe 3 du rapport de concertation citoyenne (page 144 et suivantes).

Nous ne parlerons ici que du dépistage systématique. Le dépistage ciblé chez les patientes ayant un facteur de risque génétique identifié (BRCA1/2…) ou les suivis après cancer du sein ne sont pas concernés par tout ça.

 

Que voulons-nous savoir et pourquoi ça sera compliqué ? 
Voici la courbe de l’incidence et de la mortalité par cancer du sein en France (page 16 de la concertation citoyenne).

Capture d’écran 2017-10-14 à 22.15.32
Première question : est-ce que la mammographie systématique diminue la mortalité du cancer du sein ? Voire la mortalité totale ? 

Si le dépistage était suivi à 100 %, très fiable et si le traitement était très efficace, nous aurions une mortalité à 0 entre 50 et 75 ans, mais la courbe serait à nouveau ascendante ensuite (ainsi qu’avant 50 ans) – or, le principal taux de mortalité est après 75 ans. Bref, si nous cherchons à parler d’efficacité ou de nocivité, il faut s’intéresser à la bonne tranche d’âge, et ne pas parler de « cancers du sein à tout âge » (sous peine de gommer l’effet à cause d’une mortalité dans une tranche non dépistée).
Par ailleurs, entre 50 et 55 ans, le taux de mortalité du cancer du sein est environ de 1 femme pour 3000 (dans cette tranche, le taux de mortalité est de 2,4/1000 femmes dont 0,3 liées à un cancer du sein). Avec un taux de dépistage à 50 %, les études qui ne se comptent pas en dizaine de milliers de patientes ne pourront rien montrer. C’est compliqué donc à mettre en place.

Pour la mortalité totale, c’est personnel mais ça m’agace toujours un peu (euphémisme) parce que ce « critère fort » si souvent recherché ne veut pas souvent dire grand-chose…
Déjà, il faut savoir de quel délai on parle, et bien le choisir. Le risque de décès après 130 ans de suivi est toujours à 100 % : aucun vaccin, aucun médicament, aucune prise en charge ne réduit ce risque. Désolé 🙁
Ensuite, il faut connaître un peu l’importance de la maladie dans les décès totaux, et l’impact attendu de l’action menée. Nous parlons ici d’une pathologie causant en France 11 000 décès sur 580 000 annuels (soit 2 %), avec un dépistage sur 25 ans (et la courbe montre bien qu’il y a des décès avant et après) suivi par 50 % des femmes.
Par ailleurs, si nous « sauvons » une personne avec le dépistage, elle peut quand même décéder d’autre chose : infection, autre cancer, cardiopathie, accident de la route… Les gens peuvent développer plusieurs maladies dans leur vie, avec en plus des facteurs communs entre les unes et les autres (tabac, obésité, sédentarité, alcool…). Si vous regardez le risque de décès à 10-15 ans dans une population de 60 ans en moyenne en n’agissant que sur le dépistage d’une seule pathologie, vous êtes à peu près assuré de ne rien trouver. De la même façon, il serait très peu pertinent de regarder si la ceinture de sécurité recommandée chez les femmes de 50 à 74 ans réduit le risque de décès de toute cause chez les femmes de plus de 50 ans par exemple

A cela s’ajoute d’autres variables : l’amélioration des outils de dépistage (systèmes numériques depuis les années 2010), l’amélioration des traitements… Tout cela rend rapidement caduque les études menées dans les années 80 ou 90. Or, voici les études de la méta-analyse Cochrane de 2013 citée en introduction :

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J’adore le travail de la Cochrane, mais tout ça est ancien et la pertinence d’une méta-analyse se discute avant même de la faire sur de telles données… Pour les mastectomies, tout date du siècle dernier ! Et c’est cette méta-analyse qui est réutilisée partout ensuite, dans certains outils à destination du grand public (comme ici le Harding Center for Risk Litteracy).

Par ailleurs, faire de nouvelles études est compliqué car le dépistage organisé est très répandu… donc nous comparons des différences de mortalité sur des différences parfois minimes de taux de participation au dépistage (j’en ai un peu parlé dans ce billet il y a 2 ans).

Et puis il faut aussi tenir compte de la modification des rythmes de dépistage et de taux de participation (selon les pays et les années)… Pour les études plus récentes, il peut être un peu difficile d’extrapoler en France avec les mêmes chiffres une étude britannique où le dépistage est entre 50 et 70 ans tous les 3 ans.
Comme nous avons vu plus haut qu’il faut de grosses études pour montrer un effet, nous voici face à un joli problème.

 

Deuxième question : est-ce que le dépistage est nocif ?
Il peut l’être de 3 façons :

  • augmenter le nombre de cancers (radio-induits) : rien n’est prouvé là-dessus… on connait le risque après 100 mSv mais en-dessous, on ignore si le risque est linéaire ou pas (pour information,  l’irradiation naturelle en France est de 2,4 mSv, un scanner c’est 10 mSv et une radiographie c’est 0,5 mSv),
  • augmenter le stress précoce inutile (faux positifs principalement, ou conséquences d’un surdiagnostic)
  • augmenter le nombre de traitements inutiles (pour une pathologie qui n’aurait pas évolué vers la mort, voire qui aurait régressé spontanément dans 20 % des cas environ) : le problème ici va être de différencier les traitements utiles des inutiles… Nous n’avons pas de boule de cristal, donc ce surdiagnostic/surtraitement ne peut qu’être estimé par des méthodes statistiques.

 

Et donc au total, est-ce que le dépistage est utile (en fonction des tranches d’âge) ? Est-ce que le dépistage est nocif (en fonction des tranches d’âge) ?

J’aime bien le commentaire sous l’article de la Cochrane de 2013 qui a comparé 3 méta-analyses…

Pour prévenir le décès d’une femme d’un cancer du sein, avec un RR autour de 0,80 pour les 3 méta-analyses, il faut inviter au dépistage :

  • 2000 femmes de 50-70 (?) ans selon la Cochrane : « Pour les 7 essais sur la mortalité due au cancer du sein, le RR était 0,81 (0,72 – 0,90) à 7 ans et 0,81 (0,74 – 0,87) à 13 ans » (ou en VO pour rechercher dans le texte : for all seven trials taken together the RR was 0.81 (95% CI 0.72 to 0.90) after 7 years and RR 0.81 (95% CI 0.74 to 0.87) after 13 years).
  • 1339 femmes de 50-59 ans et/ou 377 de 60-69 ans selon l’US Preventive Services Taskforce

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  • 235 femmes de 55-79 ans invitées au dépistage depuis 20 ans, selon l’independent UK Panel (dans le texteThe panel’s review of the evidence on benefit – the older RCTs, and those more recent observational studies – points to a 20% reduction in mortality in women invited to screening. A great deal of uncertainty surrounds this estimate, but it represents the panel’s overview of the evidence. This corresponds to one breast cancer death averted for every 235 women invited to screening for 20 years). Cette étude a été schématisée ici par Dominique Dupagne.

Pour le surdiagnostic, il est estimé de 1 % à 30 % selon les études… A cela s’ajoute des effets néfastes psychologiques.

 

Voilà et j’ai dit que j’allais essayer d’être synthétique donc je m’arrête là.
Si mon message n’est pas clair, en voici une version courte :

  • Il semble y avoir une réduction du nombre de décès par cancers du sein grâce au dépistage (de l’ordre de 20 %).
  • Cette réduction ne change pas le nombre de décès tout cancer confondu ou toute cause confondue, pour plein de raisons évidentes (nombreuses autres causes de décès possibles notamment après 50 ans avec un suivi à 13 ans…)
  • Il semble y avoir un surdiagnostic avec un surtraitement (de l’ordre de 10-20 % environ).  
  • L’important est d’informer : pour ça, les outils en annexe 4 de la concertation citoyenne ou sur Atoute sont très bien pour donner un ordre d’idée des avantages et inconvénients de la mammographie.
  • Néanmoins les chiffres (d’un côté et de l’autre) sont probablement très faux, parce que basés sur des méta-analyses récentes d’études anciennes, dans des populations différentes avec un schéma de dépistage différent de celui français, avec un taux de participation différent, et des facteurs de confusion (génétiques, alimentaires, hormonaux…) différents.
  • Ainsi, il me semble illusoire et contre-productif de donner une « fausse » précision sur ces schémas : il est préférable de montrer et expliquer la balance entre bénéfices et risques avec des données qui semblent moins assurées, parce que c’est dans cet état qu’est la science actuellement… 

Si j’avais un peu le courage et le temps, je m’amuserais avec 2 trucs :

  • faire des petits schémas explicatifs similaires avec le tabac et/ou son arrêt (nombre de décès imputables…)
  • avec le tableau de l’annexe 3 (dépistage du cancer du sein par pays) rapporté à la population féminine de 50-74 ans, et les décès par cancer du sein dans le Global Burden of Disease de l’OMS.

S’il y a des amateurs… 😉

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