Les non-vaccinés du 28 juin 2021 : une enquête sur Twitter

Nous parlons beaucoup en ce moment des indécis et des réfractaires à la vaccination. Hélas, nous manquons de données issues de la médecine générale pour en comprendre les raisons.

J’ai donc proposé un questionnaire simple, sans grande prétention, diffusé via Twitter sur la journée du 28 juin.

J’ai un peu traîné pour l’analyse, désolé, mais voici les résultats…

Description de la population

J’ai obtenu 123 réponses venant pour :

  • 91 de médecins généralistes
  • 13 d’IDE
  • 9 de patients
  • 5 de pharmaciens
  • 4 d’autres spécialistes (pneumologue, endocrinologue)
  • 1 de sage-femme

(ATTENTION : il ne s’agit pas de 91 médecins généralistes non vaccinés. Il s’agit bien de 123 patients, avec des questionnaires remplis par des médecins généralistes dans 91 cas, des IDE dans 13 cas, etc. Nous parlons bien de non-vaccinés en population générale, et pas de non-vaccination chez les soignants !)

Les répondeurs venaient d’un peu partout en France, avec une large prédominance pour le Nord-Pas-de-Calais (sur-représenté sur ma timeline Twitter ?)

Nombre de patients inclus par département

Les patients inclus étaient :

  • 70 femmes
  • 53 hommes

L’âge médian des patients était 44 ans [Q1 : 33 ans ; Q3 : 64 ans].

Age des patients inclus

Raisons de la non-vaccination

Les raisons de non-vaccination étaient cumulatives (un patient pouvait signaler refuser par « manque de temps » et « faible intérêt ressenti » par exemple).

Voici les raisons dans l’ordre décroissant, parmi cette population de non complètement vaccinés (j’insiste mais c’est important de bien se rappeler qu’on étudie ici uniquement ceux qui n’ont pas encore été vaccinés le 28 juin) :

  • Manque de recul à long terme : 42 (34 %)
  • N’en ressent pas l’utilité (faible bénéfice individuel, faible circulation virale, absence de comorbidités…) : 30 (24 %) – dont 13 après 50 ans
  • N’a pas pris le temps, mais va le faire : 29 (24 %) – dont 11 après 50 ans
  • Attente de sa 2ème dose de vaccin : 17 (14 %)
  • Attente d’un vaccin spécifique (français, etc.) : 8 (7 %) – 6 entre 30 et 50 ans
  • Veut être vacciné à domicile : 7 (6 %)
  • Discours anti-vaccin complotiste (Bigard, Lalanne, 5G, Nouvel Ordre Mondial, Bill Gates…) : 7 (6 %) – 3 avant 50 ans, 4 après 50 ans
  • Appréhension à cause d’un proche (qui refuse que la personne se fasse vacciner, la menace de couper les ponts, a eu un effet indésirable type myocardite, etc.) : 6 (5 %)
  • Veut être vacciné chez MG/pharmacien : 6 (5 %)
  • Crainte d’un effet sur fertilité : 6 (5 %) – uniquement des femmes
  • Attente 2-6 mois après infection : 5 (4 %)
  • A appelé mais pas trouvé de RDV : 5 (4 %)
  • Ne veut pas car n’a jamais fait de vaccin : 4 (3 %)
  • Pas au courant que sa situation lui permet de se faire vacciner (âge, AME, association avec consommation d’alcool…) : 3 (2 %)
  • Peur des piqûres : 1 (1 %)
  • Attente que des copines le fassent : 1 (1 %)

Si les professionnels avaient un vaccin ARNm sous le coude…

J’ai enfin posé la question aux professionnels de santé qui ont répondu : « Si vous aviez eu du Pfizer/Moderna accessible au cabinet aujourd’hui, auriez-vous pu vacciner ce patient ? »

  • Oui : 38 (31 %) – 16 femmes (23 % des 70 femmes), 22 hommes (42 % des 53 hommes)
  • Non : 48 (39 %)
  • Non concerné (COVID ou vaccin trop récent ou ne vaccine pas) : 24 (20 %)
  • Ne sait pas : 13 (11 %)

Limites de cette enquête

Evidemment, cette enquête a plusieurs limites et biais :

  • réponse de quelques professionnels de santé (20 à 30 ? – donnée non recueillie pour simplifier le questionnaire) répartis inégalement en France ;
  • chaque praticien a inclus plusieurs patients, pouvant donner un poids plus ou moins important à leur propre pratique dans le résultat final ;
  • les répondeurs sont probablement plus impliqués et intéressés par le sujet ; ils ont pu mener certaines actions par ailleurs (envoi de mails à leur patientèle, appels, aide à la prise de rendez-vous, etc.) ;
  • questionnaire diffusé uniquement via Twitter, par des gens qui me suivent principalement, avec une sorte de « biais de sympathie » sans doute ;
  • la consigne d’inclure des patients non entièrement vaccinés n’était sans doute pas très claire, pouvant donner un poids plus faible que réel à cette variable ;
  • il s’agit de questions adressées par le médecin à un patient à un temps t ; ces données peuvent évoluer (certains l’ont d’ailleurs signalé à 4 reprises : « en fin de consultation, le patient a changé d’avis et va se faire vacciner ») ;
  • le patient peut être enclin à ne pas révéler les raisons profondes de sa non-vaccination, notamment un certain « complotisme » auquel il serait critique.

Enfin, j’ai proposé ici une analyse très sommaire, parce qu’il me semble peu pertinent de croiser d’autres données sur une base de petite taille, avec ces limites.

Que conclure de cette enquête ?

Toutes ces limites mises de côté, il semble se dessiner 5 leviers d’intérêt pour promouvoir la vaccination :

  1. avoir des vaccins ARNm en ville :
    • cela peut aider à accélérer la vaccination auprès de patients (plutôt des hommes ?) – jusqu’à 31 % de non-vaccinés qui auraient pu l’être dans notre enquête !
  2. avoir la liste de nos patients non vaccinés… (* cf. ce tweet ou celui-ci ou ce défi du Hackathon ou le thread en fin de billet) :
    • ça va de pair avec le premier point et avec 2 commentaires que j’ai eu : si on « ouvre » un vaccin Moderna, il nous faut 10-12 candidats ; pour un Janssen il en faut 6…
    • j’arrive à suivre ma patientèle avec un fichier que j’alimente au quotidien : j’ai 90 % de vaccinés chez les 80+ ans, 90 % chez les 75-79 ans, 97 % chez les 70-74 ans… à force « d’aller chercher » ces gens, ce que je n’aurais pas pu faire sans ce suivi (j’attribue ma différence avec la moyenne départementale par ma liste de suivi…)
    • or, la CPAM dispose de cette liste pour aider les professionnels de santé, mais ne la livre pas. C’est stupide car elle est DÉJÀ accessible mais péniblement ; il ne s’agit pas d’avoir de nouvelles données mais d’avoir une simplification de leur accès.
  3. créer des lieux de vaccination sans RDV (dans les lieux de passage, de commerces, de vacances…) :
    • 1/4 des répondeurs n’avaient « pas pris le temps » alors qu’ils souhaitent le faire ;
    • c’est aussi un moyen de toucher les plus précaires, ceux qui ne consultent même pas leur médecin traitant (ou n’en ont pas), ceux qui ne savent pas utiliser Doctolib, etc.
    • évidemment pour faire ça, il ne faut plus être dans la situation de pénurie de vaccins (le « gap » entre vaccins livrés en France et vaccins effectués est faible : il y a peu de stock en réalité) ;
  4. informer sur l’intérêt du vaccin pour ceux qui pensent qu’il est faible au 28 juin :
    • la circulation virale va réaugmenter (réouverture des lieux clos sans masque – restaurants, bars, discothèques, salles de sport -, arrivée du variant delta… et les suivants qui, soumis à une pression de sélection, ne manqueront pas d’émerger)
    • même si la vaccination va protéger massivement contre les hospitalisations, réanimations et décès, la circulation du virus reste un problème à plusieurs niveaux : quelques décès ça reste gênant, COVID long, nécessité d’isolement (avec arrêt de travail, éviction scolaire et les conséquences que ça a dans les 2 cas), port du masque à maintenir en lieux clos (écoles à la rentrée), etc.
    • tout le monde aspire à retrouver une vie normale, sans limitation, sans pass, sans masque, ce qui ne sera possible que lorsque l’immunité collective sera atteinte… par la vaccination et/ou l’infection ;
  5. informer sur le recul à long terme qui est le premier frein pour les patients.

Pour ce dernier point, plusieurs arguments peuvent être utilisés :

  • mon premier et principal argument est qu’on n’a pas de recul à long terme sur le coronavirus SARS-CoV-2, donc à choisir je préfère un vaccin qu’on a créé plutôt qu’un virus qu’on découvre : il existe des cas d’infections virales pouvant donner des complications à long terme :
    • varicelle et zona,
    • HPV et cancer du col de l’utérus,
    • rougeole et panencéphalite sclérosante subaiguë,
    • EBV et lymphome,
    • et il y a aussi des études liant coronavirus OC-43 et sclérose en plaques (pas en tant que cause unique, soyons bien clairs, mais possible association)…
  • des vaccins à ARN, ça existe depuis longtemps : le vaccin ROR est un vaccin avec 3 virus à ARN (rougeole, oreillons, rubéole)… la différence ici est qu’il s’agit d’ARNm « artificiel » et pas « vivant atténué » (remarque de Steve Pascolo sur France Inter, pour rendre à César…)
  • les vaccins à ARNm « artificiel » sont évoqués depuis 1990, avec un début d’essais cliniques en 2002.
Xu S, Yang K, Li R, Zhang L. mRNA Vaccine Era-Mechanisms, Drug Platform and Clinical Prospection. Int J Mol Sci. 2020 Sep 9;21(18):6582. doi: 10.3390/ijms21186582. PMID: 32916818; PMCID: PMC7554980.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32916818/

Enfin, ce que « montre » (ou semble montrer, soyons humbles) cette enquête est que les anti-vaccins complotistes représentent 5-6 % des non-vaccinésc’est moins que les gens qui veulent pouvoir être vaccinés à domicile ! Pourtant la parole est régulièrement prise par les premiers, mais jamais aux seconds… Comme dit plus haut, il faut mieux aller vers les plus précaires plutôt que polariser les discours entre pro et anti-vaccins. Et pour ça, une première bonne piste serait de donner un accès facilité aux MG à la liste de leurs patients non vaccinés, comme ce qu’on réclame depuis mi-avril…

Merci à tous ceux qui ont pris le temps de répondre au questionnaire 🙂

Bonne vaccination et bonnes vacances à tous, le cas échéant !

(Image mise en avant par cromaconceptovisual de Pixabay)

EDIT du soir (bonsoir) : Pour les personnels intervenant dans les établissements de santé qui veulent donner leur avis sur la vaccination COVID-19 , il existe une cohorte de l’AP-HP nommée ESPERES.

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[Fiche] Certificat d’isolement – version octobre 2020 (le retour)

Je la fais courte : le 5 mai, préparant le déconfinement, le gouvernement avait prévu du chômage partiel pour les personnes les plus vulnérables. Il y avait une liste de 11 pathologies, dont l’obésité, le diabète, les pathologies respiratoires sévères, etc.

La vulnérabilité mentionnée au I de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 susvisée répond à l'un des critères suivants :
1° Etre âgé de 65 ans et plus ;
2° Avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d'accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
3° Avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;
4° Présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d'une infection virale : (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d'apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;
5° Présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;
6° Etre atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
7° Présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;
8° Etre atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise :


- médicamenteuse : chimiothérapie anti cancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;
- infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;
- consécutive à une greffe d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;
- liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;


9° Etre atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pugh au moins ;
10° Présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;
11° Etre au troisième trimestre de la grossesse.
Critères de vulnérabilité au 5 mai, selon la science

Le 29 août, alors que la plupart des scientifiques sérieux (parfois dits « alarmistes ») disaient que la deuxième vague était face à nous, le gouvernement a choisi de remettre tout le monde au travail, à l’exception des plus vulnérables parmi les plus vulnérables (par exemple les diabétiques de plus de 65 ans pouvaient bosser, sauf en cas d’obésité ou d’infarctus/AVC/AOMI/rétinopathie/neuropathie/néphropathie ; les personnes dialysées pouvaient aussi se dispenser d’aller au travail).

Sont regardés comme vulnérables au sens du I de l'article 20 de la loi du 25 avril 2020 susvisée les patients répondant à l'un des critères suivants et pour lesquels un médecin estime qu'ils présentent un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2 les plaçant dans l'impossibilité de continuer à travailler :
1° Etre atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
2° Etre atteint d'une immunodépression congénitale ou acquise :


- médicamenteuse : chimiothérapie anticancéreuse, traitement immunosuppresseur, biothérapie et/ou corticothérapie à dose immunosuppressive ;
- infection à VIH non contrôlée ou avec des CD4 < 200/mm3 ;
- consécutive à une greffe d'organe solide ou de cellules souches hématopoïétiques ;
- liée à une hémopathie maligne en cours de traitement ;


3° Etre âgé de 65 ans ou plus et avoir un diabète associé à une obésité ou des complications micro ou macrovasculaires ;
4° Etre dialysé ou présenter une insuffisance rénale chronique sévère.
Critères de vulnérabilité au 29 août, selon le… la… enfin selon.

Le 15 octobre, le Conseil d’Etat a suspendu ce deuxième décret, pour lequel les critères ont été jugés « ni cohérents, ni justifiés ».

C’est tellement pathétique de se faire recaler par le Conseil d’Etat pour une forme de négligence quant à la santé publique des citoyens que je ne vais pas commenter plus que ça. Si vous voulez en savoir plus, dans son journal d’épidémie du 19 octobre publié dans Libération, Christian Lehmann est revenu très clairement (et sans concession) sur ces décisions, sur l’égarement de France Assos Santé et du gouvernement.

Voici donc le certificat que je remets à nouveau à mes patients ; je précise l’avis du conseil d’Etat afin d’éviter que les employeurs ne s’y retrouvent pas (hélas à ce jour, le gouvernement a peu fait de publicité de cette décision du Conseil d’Etat). N’hésitez pas à l’utiliser de votre côté.

Je, soussigné Docteur METTEZUNMASQUEDANSTOUSLESLIEUXCLOSOUDENSES, certifie que

doit, compte tenu des recommandations sanitaires, respecter une consigne d’isolement le conduisant à ne pas pouvoir se rendre sur son lieu de travail. 

Il peut télétravailler ou à défaut bénéficier du chômage partiel (ou, dans la fonction publique, être placé en autorisation spéciale d’absence / ASA).

Ce certificat est établi selon le décret n° 2020-521 du 5 mai 2020 définissant les critères permettant d’identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placés en activité partielle au titre de l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

Pour mémoire, le juge des référés du Conseil d’Etat a prononcé le 15 octobre 2020 la suspension des articles du décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 pris pour l’application de l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, jugeant « que le choix des pathologies qui ont été conservées comme éligibles (…) n’est pas cohérent ni suffisamment justifié par le Gouvernement » (décision consultable ici : https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/suspension-des-nouveaux-criteres-de-vulnerabilite-au-covid-19-ouvrant-droit-au-chomage-partiel).

Certificat établi à la demande de l’intéressé et remis en mains propres. 

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e-CMGF 2020 (2 et 3 juillet) : le premier e-congrès de médecine générale de France

Les 2 et 3 juillet, alors que ma grand-mère fêtait ses 94 ans et que le Président nommait un nouveau Premier Ministre, s’est déroulé le premier e-congrès de médecine générale de France. J’ai posé mes 2 journées pour le suivre depuis mon cabinet (ou son jardin), c’était un chouette moment.

Ca fait un moment que je devais faire un retour, mais le temps m’a un peu manqué… mieux vaut tard que jamais, d’autant que le congrès est encore en ligne jusqu’en décembre, vous pouvez toujours vous inscrire et tout retrouver là-bas, à des prix très concurrentiels… Je vais donc essayer de vous donner envie 😉

Les tarifs sont particulièrement faibles pour les externes, internes et jeunes médecins : 35€ !

Le fond du congrès : ce que j’en ai retenu

Comme toujours, la cérémonie d’ouverture a été un grand moment. Ce n’est évidemment pas l’intervention « boisée » du ministre qui avait un intérêt mais celles d’Isabelle Cibois-Honnorat, de Paul Frappé et de sa fille !

Comme l’an dernier, j’ai « live-twitté » ce que je suivais (ces tweets peuvent être « déroulés ») :

Un petit résumé condensé ici ce que je retiens pour ma pratique, en quelques lignes :

  • il existe un questionnaire pour les allergies médicamenteuses, que personne n’utilise (ENDA, disponible iciarticle là)
  • Il existe un site web pratique pour déterminer si une étude passe ou non par un comité d’éthique selon la loi Jardé
  • Signes cliniques du COVID-19 : courbatures, anosmie et agueusie ; le reste est aspécifique ; les signes digestifs sont plutôt négatifs
  • le trouble déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH) – 2 sessions intéressantes :
    • triade inattention (oublis, sensibilité aux distracteurs, ne termine rien…), hyperactivité motrice (une idée, une action… donc prise de risque), impulsivité (vit dans le présent, interrompt…)
    • depuis toujours et partout
    • 5 % des enfants,
    • n’est pas dû à « trop de laxisme » ou à « trop d’écrans » (à l’inverse, ça peut être associé à plus de punition et plus de consommation d’écrans),
    • ce n’est pas une mode sociétale (moins diagnostiqué avant, quand l’hyperactivité – notamment des filles – pouvait être plus brimée, et quand les enfants faisaient parfois 10 km à pied pour aller à l’école avant de jouer en extérieur…) ;
    • à la maison, les parents peuvent utiliser l’autoquestionnaire de Conners,
    • il existe des outils pour le dépistage à l’école ;
    • ils ont des avantages à utiliser (curiosité, attention, énergie, inventivité…) ;
    • il faut être dans le renforcement positif plutôt que la punition ;
    • il faut apprendre à fractionner les tâches pour avancer.
  • Alcool :
    • 41 000 décès/an en France et 120 milliards de dépenses de santé par an
    • Consommation normale d’alcool : pas plus de 10 verres par semaine + pas plus de 2 verres par jours + des jours sans consommer (résumé parfois en « maximum 2 verres par jour, pas tous les jours »).
    • Toutes les prises en charge ont un niveau de preuve « moyen »
    • selon le Dr Jean-Michel Delile, « on aurait la mutation pour digérer l’alcool depuis 10 millions d’années (avantage sélectif) » et « nous avons probablement stocké de la bière avant le pain ».
    • il faut des objectifs cohérents avec les attentes des patients : pour 50-80 % d’entre eux, il s’agit d’une réduction (l’abstinence est plutôt réservée aux patients en rechute) : « evidence does not make decisions, people do. »

Mes interventions

Comme souvent, j’avais plusieurs présentations. Vous pouvez retrouver les PPT sans la présentation vidéo sur ResearchGate, derrière les liens suivants :

Evidemment, je n’ai pas livetwitté mes interventions, donc vous ne les retrouverez pas plus haut. Les plus intéressantes à mon sens étaient le retour sur Stop-Postillons et sur l’actualité en pharmacovigilance.

Une de mes présentations a été reprise par Le Généraliste dans un article.

La forme du congrès

Au-delà du fond, ce premier e-congrès a été une expérience nouvelle et intéressante. Comme toujours, je me suis posé la question : pourquoi y participer ?

  • Présenter mes travaux (c’est toujours plaisant de partager – c’est un peu le but de faire des travaux de recherche de pouvoir les diffuser, pour que d’autres s’appuient dessus) ; c’est d’autant plus plaisant quand ça ne présente plus aucun intérêt dans mon CV, j’ai un agréable sentiment de grande liberté sur le fond et la forme !
  • Faire une pause dans mon quotidien au cabinet en s’amusant… le CMGF est particulièrement « détente » ; cette année, le thème était « la BD », dans le design, le choix du nom des ateliers, etc.
  • Mettre à jour mes connaissances et donner de nouvelles idées de recherche, en assistant à des sessions intéressantes.

Il y a eu pour moi plusieurs intérêts à ce congrès en ligne :

  • gagner le temps de transport, de logement, pouvoir poursuivre des activités locales (comme aller à un cours de piano avec un masque !) ;
  • avancer de la paperasse au cabinet entre deux : scanner, répondre à des courriers, renvoyer une ancienne box à la Poste après le passage à la fibre, etc. (2 jours de pause clinique mais sans se surcharger au retour, c’est appréciable !) ;
  • naviguer entre les sessions pour ne piocher que ce qui nous intéresse (ce n’est pas possible en pratique, on ne quitte pas les salles entre deux…)
  • continuer de (re)voir des sessions intéressantes par la suite, jusque fin décembre.
  • parler entre personnes assistant au congrès (notamment en plénière) : le chat a bien fonctionné pour ça.

J’ai bien aimé le format court aussi : je préfère personnellement 2 jours que 3 (j’ai du mal à maintenir longtemps mon attention…). Le format en ligne permet justement de suivre l’équivalent de 3 jours finalement !

Les à-côté du congrès ont été particulièrement réussis et intelligents aussi : c’était agréable entre 2 sessions d’aller assister à l’escape game (dans les bureaux du CMGF !), à la chasse au trésor, ou de récupérer un « livre de jeux de vacances » pour le médecin généraliste !

Dans les points amusants (mais non officiel pour cette année), il y avait le bingo de @DrePetronille… que nous avons largement alimenté lors de la dernière présentation sur les « actualités » où j’avais l’honneur d’être invité !

Evidemment, il y a quelques regrets pour ce e-CMGF :

  • Même si nous pouvions bien communiquer via les chats, ce n’est pas exactement pareil qu’un congrès « IRL » où nous pouvons nous croiser au détour d’une allée, d’une session, d’un restaurant indien…
  • Pas de cérémonie de clôture, ni de remise de prix (qui permettent de (re)découvrir ce que d’autres ont aimé et qu’on a pu rater) : après la dernière session où j’avais l’honneur d’être invité (et où nous nous sommes bien amusé en s’instruisant), j’avais donc une impression de rester sur ma faim (la clôture était notée jusque l’avant-dernier programme).

Mais ça, c’était avant le 7 septembre ! Désormais, la cérémonie de clôture est en ligne et a permis la remise de plusieurs prix pour des présentations de grande qualité (posters à retrouver ici) :

  • Prix de poster du comité scientifique : Repenser le principe de l’autonomie pour favoriser la relation de soin, par Florian Martinet-Kosinski, étudiant en médecine (externe) à Toulouse
  • Prix de poster du public : La vasectomie : revue narrative de la littérature et élaboration d’une fiche d’information à l’intention du médecin généraliste, par Julie Vergonjanne, également à Toulouse.
  • Prix de la communication orale du comité scientifique : Coviclinique, signes cliniques associés à la RT-PCR chez les patients, par Hubert Maisonneuve de Genève (et Benoît Tudrej, Paul Sebo, Julie Lourdaux, Clara Cuzin, Martin Floquet, Dagmar Haller). Une excellente présentation que je recommande aussi particulièrement !

En conclusion de ce congrès, je me suis dit qu’il y aurait la place pour un congrès CMGF à Paris sur 2 jours en mars 2021 (si possible !) et un jour de e-congrès en juillet, ou quelque chose dans ce goût. Le e-congrès est un bon complément au congrès et maintenant que tout est en place, il peut être reproduit plus facilement que la galère qu’on imagine pour cette première édition en urgence ! Un énorme bravo à toute l’équipe d’organisation…

… et j’en profite pour glisser le fait que je viens d’intégrer le comité scientifique du CMGF 2021, qui aura lieu du 25 au 27 mars 2021, normalement à Porte Maillot à Paris (on y croit encore !) 😉

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[Fiche] 2 fiches remises aux patients suspects ou contact COVID-19

La 2ème vague de COVID-19 étant face à nous, il faut être réactif pour gérer à la fois :

  • les consultations habituelles de renouvellement d’hypertension artérielle, diabète, hypothyroïdie, épilepsie, etc. (que j’espace autant que possible à 6 mois pour libérer un peu décembre…),
  • les consultations habituelles d’urgence non programmée (un hameçon dans le doigt en rangeant la canne à pêche, une entorse de cheville en trottinette, etc.)
  • les certificats qui ne s’arrêtent pas (pour le sport, pour une assurance, pour la MDPH, etc.)
  • et par-dessous tout ça, les appels pour toux fébrile, pour contact avec quelqu’un qui a eu une toux fébrile, pour contact COVID+ authentifié (dans des écoles primaires où le masque n’est pas encore recommandé), etc.

Ces derniers relevant à mon sens de « l’urgence (relative) », il serait idiot de les voir à J3-J4. Donc j’essaie de les gérer en plus de ma consultation habituelle. Et pour ça, j’ai besoin d’efficacité, donc de fiches toutes prêtes !

Il y a plusieurs fiches du gouvernement toutes faites ici (partie « Déconfinement, dépistage massif et cas contacts : fiches et affiches »). Ca m’a permis de construire ces fiches ci-dessous, sous forme de « modèles » dans mon logiciel (MediStory 4). Je les personnalise rapidement au fil de la (télé-)consultation et j’imprime (ou envoie par mail) les 2 fiches.

Comme toujours, vous en faites ce que vous voulez, elles sont libres de droit. Si vous avez des conseils / remarques, n’hésitez pas ! (Elles sont susceptibles d’évoluer, avec l’évolution des recommandations…)

FICHE 1 : PCR

Bilan biologique à faire au laboratoire d’analyse : 

– PCR COVID-19

Date de début des symptômes = 

Dernier contact COVID-19 connu =  

Où prendre RDV ? 

(Ci-dessous je mets les adresses postales + URL Doctolib pour la prise de RDV + numéros de téléphones de 3 sites).

(Ne pas hésiter à consulter plusieurs fois ces pages Doctolib, car des créneaux sont parfois libérés).

ATTENTION !!

(Localement, je recommande de ne pas faire les tests COVID PRESTO (AAZ) vendus sans remboursement en pharmacie, car leur validité scientifique est insuffisante – ce pourquoi ils ne sont pas remboursés, à 12-17€)

FICHE 2 : CONDUITE À TENIR

LIRE LA FICHE « J’ai été en contact avec une personne malade du COVID-19 » 

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_personne_contact_12092020.pdf

PRENDRE RENDEZ-VOUS POUR LA PCR RAPIDEMENT 

– à faire dès aujourd’hui (si vous avez des symptômes, ou si vous vivez sous le même toit que quelqu’un ayant une PCR positive)

– à faire 7 jours après le dernier contact avec une personne ayant une PCR positive (quand je dis que je personnalise, je supprime ici l’un ou l’autre des tirets)

S’ISOLER AU MOINS JUSQU’À RÉALISATION DE LA PCR 

(idem pour les tirets suivants)

– Si la PCR est négative ET que vous n’avez pas été en contact avec une personne COVID + : reprise d’activité normale dès la fin de symptômes (pour éviter de transmettre cette infection)

– Si la PCR est négative ET que vous avez été en contact avec une personne COVID + hors de la maison : levée d’isolement après les résultats de la PCR faite 7 jours après le dernier contact

– Si la PCR est négative ET que vous avez été en contact avec une personne COVID + au sein de la maison : refaire la PCR 7 jours après la guérison (fin des symptômes) de la personne COVID +, rester isolé encore 7 jours après cette guérison 

– Si la PCR est positive : isolement au moins 7 jours (et jusqu’à 48h après la fin des symptômes si persistants plus de 7 jours).

TANT QU’IL N’Y A PAS UN CAS POSITIF DANS LA FAMILLE, IL N’Y A PAS D’OBLIGATION À CONFINER TOUT LE FOYER 

Néanmoins, si cela est possible, ça reste préférable pour limiter la dissémination hors du foyer.

PENDANT LE CONFINEMENT : 

– N’allez pas travailler (télétravail possible) 

– Ne sortez pas, n’allez pas faire les courses (privilégiez les Drive si besoin, en respectant les mesures barrières)

– Dormez seul si possible

– Ne rentrez pas en contact avec des personnes fragiles (> 50 ans, insuffisants respiratoires, insuffisants cardiaques, immunodéprimés, femmes enceintes, etc.)

– Il est déconseillé de recevoir de visites (sauf indispensables, comme les aidants à domiciles, en prévenant).

UTILISEZ LES MESURES BARRIÈRES POUR PROTÉGER VOTRE ENVIRONNEMENT : 

– Masque chirurgical systématique quand vous êtes en contact avec les autres, idéalement aussi à la maison pour diminuer la charge infectieuse virale (et pour toutes les sorties, qui sont à limiter au strict minimum)

– Aérer régulièrement, se laver les mains régulièrement, 

SURVEILLEZ VOTRE ÉTAT DE SANTÉ : 

– En cas de difficulté respiratoire, contactez votre médecin traitant rapidement pour une téléconsultation dans la demi-journée idéalement, ou à défaut appelez le 15. (Se méfier notamment d’une aggravation rapide et brutale entre J8 et J12).

– Autres signes devant vous alarmer et amener une consultation rapide ou un appel au 15 : altération de l’état général, somnolence, confusion, troubles de conscience.

– Ne vous rendez pas directement chez un médecin ou aux urgences sans un avis préalable du médecin ou du 15

– En cas de majoration des crachats sales chez un fumeur (exacerbation de BPCO) ou d’autres complications (sinusite unilatérale, otite…), prenez un rendez-vous avec votre médecin traitant en téléconsultation préférentiellement.

NE PRENEZ PAS D’ANTI-INFLAMMATOIRES EN CAS DE FIÈVRE (pas d’ibuprofène, pas d’advil, pas de spifen, pas de nurofen…)

LIMITEZ LES IRRITANTS (tabagisme actif ou passif)

Voilà ! On va commencer à le redire souvent, mais prenez bien soin de vous…

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Le meilleur article de tous les temps

Je vais vous parler dans ce billet du meilleur article de tous les temps, dont je suis un des co-auteurs. Ce billet a longtemps failli s’appeler « est-ce que Violaine Guérin et Martine Wonner ont publié leur article dans une revue qui accepte n’importe quoi, n’importe comment ?« , mais ç’aurait été réducteur face à la fabuleuse aventure que nous avons vécue…

Je vous conseille de lire d’abord l’article, et vous lirez l’historique après !

Il est publié ici : https://www.journalajmah.com/index.php/AJMAH/article/view/30232

Au cas où, pour la postérité, je vous laisse le lien PDF ici…

Oui, oui, on a réellement réussi à publier ça 😎
(Pour les non-anglophones, un de nos lecteurs a produit une traduction à J1 de la parution !)

(Edit du 27 septembre : Et même une V2 de la traduction française avec quelques corrections, toujours par Robin !)

Avant tout, je vais redonner du contexte au « POURQUOI », puis nous parlerons de « QUI » et de « COMMENT ».

Pourquoi ?

Tout commence le 29 mars… Suite aux « révélations » du Pr Raoult, le Dr Violaine Guérin réclame la possibilité de s’auto-prescrire de l’hydroxychloroquine. Tout cela est contre l’avis des autorités et de la pharmacovigilance, mais elle s’en fiche : pour elle, « laissons les médecins prescrire », c’est son dogme, et le nom du collectif qu’elle fonde. Tout un programme.

Le Dr Guérin s’entoure rapidement de collègues médiatiques dès le 1er avril (…) : Dr Martine Wonner, psychiatre et députée de la majorité à l’époque (depuis membre soutenue d’Ecologie Démocratie Solidarité*) ou encore le Dr Thierry Lardenois, président de la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France (embarqué là-dedans pour une raison que j’ignore, mais s’il gère nos retraites avec la même acuité qu’il gère ses recherches médicales, je conseille aux médecins de débuter leur stock de coquillettes).

(* Soit ils soutiennent, soit ils sont malpolis).

Le 1er mai, cette jolie équipe de « chercheurs-trouveurs » diffuse ce qu’ils nomment « un article », hébergé par Le Quotidien du Médecin (qui devrait sans doute songer à le retirer…)

Tout cela est donc relayé dans la presse (RTL, France Info, L’Express, France 3, France Soir, etc.). A l’heure de la rédaction, début août (quand nous savons que l’article a passé – avec stupéfaction – les révisions), on peut par exemple compter 220 occurrences de « Laissons les médecins prescrire » dans Google Actualités. (Pour comparaison avec ce que je connais, avec « Stop Postillons« , nous sommes à 190 occurrences au même moment, pour un collectif lancé un peu avant, et pour lequel je considère qu’on a eu une couverture médiatique large, tout à fait inattendue).

Bon, évidemment, les scientifiques sérieux et raisonnables ont vite critiqué ce « rapport d’expérience » et cette « étude rétrospective » ; la rapide chronologie des faits rapportés ici vous en dira long sur ce que les auteurs entendent par « rétrospectif ». J’ai retrouvé mon avis de l’époque, mais nous sommes des dizaines à avoir donné quelque chose de similaire…

Pour faire simple : c’est vraiment très mauvais et c’est franchement à la limite de légalité cette histoire de médecins cobayes d’essai clinique (prospectif) sans avis d’un comité d’éthique. Par ailleurs, c’est malhonnête de le diffuser grâce à un appui médiatique large, aidé par des responsabilités parlementaires.

Bon, tout ça se tassait un peu, surtout que l’hydroxychloroquine commençait à battre de l’aile au fil des publications (un résumé ici)…

… quand soudain…

Les pieds nickelés sortent leur publication !

Le collectif « Laissons les Médecins Prescrire » venait donc de publier officiellement, le 20 juillet, 3 mois après, leur article initial, dans une revue…

« Petit » problème : ils le publient dans l’Asian Journal of Medicine and Health, une revue inconnue et probablement « prédatrice » (cf. cet excellent billet d’Hervé Maisonneuve sur le sujet).

Le Dr Violaine Guérin s’explique sur France Info : « Nous avons soumis l’article à plusieurs revues (mais il y a) un blocage systématique des publications sur l’hydroxychloroquine en phase précoce. J’ai proposé à mes coauteurs de soumettre à une revue asiatique ». La députée Martine Wonner, elle, affirme d’ailleurs « avoir autant confiance dans cette revue que dans le Lancet« .

Voilà. Bon. Là, c’est peut-être un peu excessif.

Comparer un article accepté dans le Lancet et un article accepté dans Asian Journal of Medicine and Health, c’est un peu comme comparer un monospace et le dernier modèle de chez Majorette « pour partir en vacances en famille dedans, mais attention faut pas être grand, non non ça n’est pas une arnaque, signez ici, elle est à vous ».

Par ailleurs, grâce à la demande du journaliste de France Info, la revue a mis en ligne le reviewing, qui est assez drôle (et détaillé dans ce fil du 14 août ci-dessous).

Si vous voulez aller plus loin et comprendre comment fonctionne une soumission d’article (soumission, relecture par des reviewers indépendants, correction, acceptation, etc.), et ce qui différencie une revue prédatrice d’une « vraie » revue, vous pouvez suivre ce thread clair et didactique.

Le journaliste de France Info, Fabien Magnenou, a consciencieusement fait le boulot et contacté la revue choisie, Asian Journal of Medicine and Health, qui répondait : « Nous pouvons affirmer avec confiance que notre qualité ne peut pas nous valoir l’appellation ‘revue prédatrice’. Avec des moyens limités, nous combattons nous aussi ces journaux.« 

Ce qui est un peu problématique par ailleurs est le silence assourdissant des membres du groupe parlementaire de Martine Wonner… parmi lesquels on trouve Cédric Villani.

Entre temps, nous étions en train d’essayer d’éclaircir tout ça… et de répondre à cette question :

Est-ce que ce collectif médiatique soutenu par une députée de la majorité et le président de la CARMF a soumis son article dans une revue qui accepte absolument n’importe quoi ?

Collectif « Laissons les Vendeurs de Trottinette Prescrire », 20 juillet 2020.

Avant de dire que « la question, elle est vite répondue », nous avons voulu jouer !

Et donc, maintenant que nous avons le « POURQUOI », détaillons le « QUI »…

Qui ?

Nous sommes le collectif « Laissons les vendeurs de trottinette prescrire », et nous nous sommes regroupés sous ce tweet de @NicoKluger…

L’équipe est principalement constituée de :

  • @Damkyan_Omega (qui a déjà une idée de pseudo, qu’il va garder !), chargé de communiquer avec la revue ;
  • @Scintigraphiste, @CovaFlorian et moi (@mimiryudo) pour la team davantage axée sur la rédaction,
  • @RadioactiveJib et @DrJohnFa qui ont suivi l’histoire d’un peu plus loin, mais en nous soutenant dans nos délires.
Un recrutement sauvage, multipliant les compétences (médecine, biochimie, imagerie médicale, philosophie…). On notera que le titre est déjà trouvé et ne changera plus… ainsi que le pseudo de Mathieu !

Comment ?

Maintenant que nous avons vu le Pourquoi, le Qui, voyons le Comment...

Dès le « Quand vous voulez » de @Scintigraphiste, je crée le groupe MP et un Google Doc sur mon téléphone… comme nous le révélons dans nos (incroyables) contributions aux auteurs ! Parce que oui « a créé un groupe MP Twitter », ça a été validé comme devant figurer dans la contribution (si je voulais être mauvaise langue, je dirais que certains chercheurs figurent dans des articles pour moins que ça, remarquez).

Il ne faut pas imaginer qu’on a mené cette opération « sérieusement ». Non, pour vous planter un peu plus précisément le contexte à ce moment là (et montrer le côté « potache » / « fait par-dessus la jambe »), nous sommes le 20 juillet, je suis sur la route vers Étretat, à côté de ma fille de 8 mois endormie, conduits par la maman… Je prends des notes sur le Google Doc avec le téléphone, fais une capture d’écran d’un graphique que j’avais twitté il y a 6 semaines : ça sera la partie la plus scientifique de notre étude… Je fais exprès de faire une capture avec les icônes RT et FAV de Twitter, c’est dégueulasse et ça nous fait rire.

Une figure c’est peu, on se dit qu’il en faut d’autres, j’en cherche une autre sur Google Images… C’est @Scintigraphiste qui la trouve ; pas grave, j’ajoute quand même « Courtesy of Google Images ». Pendant qu’on écrit ailleurs, @Scintigraphiste – toujours lui – nous sort une imagerie (on ne se refait pas) qui n’a aucun sens, pour l’étude 3. Voilà pour les figures.

Notre objectif est simple : tout doit être ridicule, du titre aux références, en passant par les références et la moindre phrase de l’article. Si nous réussissons à publier un tel « article », nous aurons répondu à notre question initiale : est-ce que cette revue publie n’importe quoi ?

Nous créons de faux auteurs : W. Oodendijk (le faux-nez de @Damkyan_Omega donc), Didier Lembrouille, Sylvano Trottinetta, Ötter F. Hantome, Nemo Macron (ils ont une députée, nous avons le chien de l’Elysée) et Manis Javanica (alias le Pangolin javanais). Les affiliations sont à l’avenant, ainsi que les contributions ou les remerciements. C’est simple : il n’y a rien qui va !

Le titre initial annonce la couleur : « SARS-CoV-2 was unexpectedly deadlier than push-scooters ». Nous écrivons et ajoutons de plus en plus d’absurdités.

Le 24 juillet (eh ouais, ça ne chôme pas dans la recherche française), @Damkyan_Omega soumet l’article. C’est lui qui est chargé de soumettre et communiquer avec la revue, sous son pseudo « Wooden Dick » (le nom du fromage Oudendijk modifié en Oodendijk et Willard pour FCD Willard, le chat auteur de publications)… Un travail de magicien là aussi, puisque ses échanges avec les rédacteurs sont également un délice ^^

Dans la plus pure tradition des mauvais auteurs, voici le lien Google Doc vers la première version cet article en pre-print. Ne vous précipitez pas dessus tout de suite, il y a mieux par la suite… (c’est histoire de vous montrer que nous n’avons fait qu’ajouter des bêtises au fil des relectures, mais que c’était déjà pas mal frappé à la V1 !). Car oui, les relectures vont nous permettre d’ajouter bien d’autres bêtises encore ! C’est la version que nous avons soumise, mais pas encore celle acceptée : l’ajout de « la solution unique » sur le titre, Montcuq, Ikea, Jean-Claude Dusse sont autant d’idioties ajoutées grâce au reviewing, qu’on ne remerciera jamais assez !

Le 28 juillet, on reçoit la demande de paiement (77€ bien dépensés). Je règle ça entre 2 commandes de pizzas (le plus long est de changer mon mot de passe Paypal jamais utilisé depuis 2004).

Le 30, la revue annonce que le peer-reviewing va débuter. Ils nous demandent avant ça de… traduire les figures en français ! Oui, c’est pour ça que j’ai détaillé plus haut : aucune des 3 figures n’a de sens, mais il faut les traduire ! @Scintigraphiste se charge alors d’une traduction volontairement dégueulasse sur Paint, avec un sens du détail dans le mauvais effaçage, la traduction et l’alignement ratés. Un travail d’orfèvre : forcément, ça passe… Finalement, notre article « gagne » encore en « qualité », si on peut dire !

Le lundi 3 août, le reviewing est fini, et nous sommes en révisions mineures… Et là ça devient carrément lunaire ! Le reviewer 1 n’en a rien à cirer, il balance un paragraphe tout fait sur l’hydroxychloroquine. Mais le pire ce sont les reviewers 2 et 3 qui ont visiblement lu (traduit ?) des passages, et font des remarques complètement hors sol (un exemple parmi 1000 : « wikipedia n’est pas une source validée » mais Picsou Magazine, YouTube ou Dropbox, ça passe). Je me charge des corrections avec @Scintigraphiste ; @Damyan_Omega soumet le soir même… et le mardi 4 août, nous sommes en « évaluation finale ».

Là où c’est incroyable, c’est que par exemple sur l’hilarante section 3.2., ces reviewings ont permis d’aller encore plus loin (le « manque de précision » a incité à ajouter le paragraphe sur la tentative infructueuse de profanation de tombe par les auteurs, par exemple…). Ailleurs, dans le résumé, le manque de précision sur « la chaise des auteurs » nous incite à préciser qu’il s’agit d’un modèle Ikea, et que nous avons également travaillé à Montcuq, hommage évident au sketch de Daniel Prévost.

Le jeudi 6 août, c’est maintenant le rédacteur-en-chef qui jette un oeil, et fait quelques remarques (par exemple, il nous dit « les auteurs ont dit que le comité d’éthique étaient eux-même »). Oui, c’est normalement le genre de problème UN PEU rédhibitoire (sachant qu’on parle quand même d’une étude où les auteurs ont tué des gens, et ont tenté d’aller les déterrer sans autorisation pour valider leur hypothèse farfelue).

Rapides réponses, et hop, @Damyan_Omega soumet le tout entre deux coups de pioches sur sa terrasse.

Le samedi 8 août, le rédacteur-en-chef insiste sur un point : « I am president of an ethics committee and never one author can evaluate the ethics from his/her research« . Bon, nous changeons ce point en disant que « en fait, nous n’avons pas participé à la décision de notre comité concernant notre étude, nous sommes sortis à ce moment-là ».

Là encore, dans la pure tradition Guérino-Raoultienne, nous vous partageons ici un Google Doc avec le verbatim lunaire de ces échanges avec les reviewers… Vous pouvez également retrouver tous les échanges sur le site de la revue (à noter que la note d’Editeur 2, le seul à avoir dit de ne pas publier, ne nous est jamais parvenue…)

Enfin, le mercredi 12 août (19 jours après notre soumission initiale), l’article est définitivement accepté. Il ne s’agit plus que de « valider nos noms et affiliations » (qui n’ont jamais changé). Le lendemain, nous recevons les épreuves, le 14 il faut encore valider le nom des auteurs… (Toutes ces étapes de vérification, c’est vraiment un travail de précision !)

Et l’article est enfin diffusé ce samedi 15 août ! L’assomption de la science vers des sommets inégalés !

Le meilleur article de tous les temps

Après ce long teasing, n’hésitez pas à relire notre « article » publié dans l’Asian Journal of Medicine and Health. Et comme nous avons toujours du mal à croire que tout ça a été possible, voici une capture d’écran de l’article en ligne (au cas où l’article viendrait à être supprimé – pas de panique, j’ai le PDF ici et sur ResearchGate, avec sa traduction française).

Nous l’avons publié dans cette revue auto-proclamée de qualité.

Ils ont pour objectif de publier des articles de grande qualité.
On les a bien aidé dans cet objectif, je pense.
Ouf, on tombe en plein dans les soldes ! – 89 % ! Quelle aubaine ! (En plus, aucun frais de soumission, on ne paie que si nous sommes acceptés, même s’ils demandent ça avant le reviewing pour éviter de s’encombrer dans des options comme le refus).
Juste dingue.

Voilà. Nous espérons (humblement) que ça sera une petite leçon pour scientifiques crédules ou malhonnêtes et journalistes non habitués au principe des revues prédatrices…

Ces revues acceptent et publient n’importe quoi.

Un article publié n’est pas un gage de vérité.

Violaine Guérin, Martine Wonner et leur bande ont fait preuve soit de naïveté (avec d’autres publications acceptées par le passé, c’est une option peu crédible), soit de malhonnêteté. La question est ouverte.

En conclusion : ne laissons pas les auteurs malhonnêtes raconter n’importe quoi, n’importe où.

Post-scriptum et autres addendums

[ADDENDUM Dimanche 16 août – 18h]

Notre article vient juste d’être rétracté par la revue ! Avec un peu de chance (et nous comptons sur vous qui l’avez lu), cela va provoquer un bel effet Streisand dont nous n’avions même pas vraiment besoin, tant le succès a été incroyable sur les réseaux sociaux (et ici) !

Trente heures plus tard… #RendsLargent

Pour rappel, cet article « à ne pas diffuser » peut se trouver actuellement, soit en tête du billet de blog, soit sur nos pages ResearchGate :

[ADDENDUM Lundi 17 août – 22h]

Bon, la diffusion dépasse un peu nos attentes les plus folles ^^ Dans les commentaires, vous trouverez d’autres blogs qui en parlent (dont le très beau billet de @pioletat, ou celui d’Elisabeth Bik, de RetractionWatch (qui nous a classé en 3ème position des rétractations d’articles de 2020 !), de Zen Faulkes, de Sylvestre Huet du Monde, sur MedScape…). Hervé Maisonneuve, parmi les remerciements, en a évidemment fait un billet. La société française d’ophtalmologie en a parlé en novembre.

Nous sommes désormais cités en exemple dans la page wikipedia des revues prédatrices (parmi d’autres exemples célèbres, ou encore Georges Perec)… et de Nemo Macron !

Voici également quelques relais de notre article où nous avons été interviewés, en France, Suisse et Belgique :

Et les multiples reprises à travers le monde :

C’est beau d’être apprécié du Canard Enchaîné jusqu’à Causeur en passant par Libération et Le Figaro…

(Nous avons décliné RT France et France Soir… que Florian a rickrollé, ce qui les a apparemment agacé à au moins 2 reprises ^^’ Ils nous ont quand même cité, ainsi que Sputnik).

De façon assez cocasse, la plupart des versions différent un peu selon les journaux : tantôt ce sont « des médecins français », parfois « un suisse », « une équipe suisse », parfois 1, 2 ou 3 auteurs sont cités, tantôt on a payé 55$, 85$ ou 85€… ^^

Nous avons également été utilisés dans des groupes de travail ou de réflexion :

Nous avons été cités dans le MOOC « intégrité scientifique dans les métiers de la recherche » de l’université de Bordeaux (2022).

Aux 14ème journées du cancéropôle Nord-Ouest de Deauville en mai 2022, nous étions également cités.

Image
Source : ce tweet !

Nous avons été cité dans la littérature scientifique :

Nous avons été cité dans d’autres ouvrages :

Et évidemment, je ne serai jamais exhaustif puisque l’audience a été très large et que nous avons été repris sur les réseaux sociaux, sur YouTube (Mr. Sam), en Podcast (La Confiture du 9 octobre), la pièce de théâtre de l’Ethique du Chercheur, Moteur de recherche (27 octobre 2022 – vers 26 min), par le Dr Hervé Maisonneuve dans le Quotidien du Médecin (décembre 2022), Pr Michel Dauzat dans Medvasc (la preuve par l’absurde, décembre 2022), etc.

Valentin en a fait un article pour Afis Science en décembre 2020.

J’ai été filmé en octobre 2021 pour Le Blob.

[ADDENDUM dimanche 23 août]

Avec 71,263 vues en version anglaise et 48,210 en version française sur ResearchGate, sans compter les téléchargements sur le site AJMH le week-end dernier, ni les transferts par mail du PDF entre chercheurs… nous avons là un article incroyablement partagé ! Merci à vous pour vos relais ! 🙂

[ADDENDUM samedi 19 septembre]

Un peu plus d’un mois plus tard, avec les mêmes réserves ci-dessus, nous sommes à 96 675 lectures en anglais et 58 173 en français !

De façon cocasse, j’ai été amené à faire… du reviewing pour une autre revue de Science Domain International (sans doute qu’ils sélectionnent leurs reviewers parmi les auteurs qui se sont fait avoir par une revue prédatrice…). Je raconte ça brièvement en quelques tweets, à dérouler ci-dessous :

[Addendum 10 octobre 2021…]

Tous les lundis depuis août 2020, je reçois un mail de ResearchGate pour dire que je suis l’auteur le plus lu de l’université de Lille. Nous sommes tous les 4 dans cette même situation.

L’article continue de diffuser : la semaine dernière, j’ai appris qu’il avait été évoqué en cours aux étudiants de 4ème année de Lille… Pour certains, c’est devenu un document de démonstration pour parler de fiabilité des sources !

https://twitter.com/SchopferCeline/status/1445638217898754048?s=20

Nous avons aussi écrit une lettre à la rédaction dans Thérapie, publiée en novembre 2021 : Raising public awareness about the misuse of predatory journals: One year after the “hydroxychloroquine and push-scooters accidents” hoax

Je présente un sujet sur les revues prédatrices au congrès du CNGE début décembre 2021 à Lille…

[Addendum 2 décembre 2021…]

… et à la demande des collègues de Poitou-Charentes et de Louvain, voici la présentation – à laquelle j’ai intégrée le son du congrès (en lecture automatique).

Et si vous voulez le récupérer en vidéo toute prête, c’est là >> https://mimiryudo.com/blog/wp-content/uploads/2021/12/CNGE21_Rochoy_predateur4_present.mp4

[Addendum 13 février 2022]

Il y aura encore 2 présentations similaires : globalement la même qu’au CNGE pour le congrès de médecine générale de France à Paris (CMGF, 26 mars 2022) et une autre en septembre, en plénière d’ouverture du congrès d’automne de la Société Suisse de Médecine Interne Générale à Davos (22 septembre 2022).

[Addendum 8 mai 2022]

Nous avons aussi été cités dans l’ouvrage Le mauvais air de Jean-Marc Cavaillon (pages 396-397) !

Le mauvais air - Jean-Marc Cavaillon - EDP Sciences

[Addendum du 16 novembre 2022]

La présentation en Suisse a été un très chouette moment ! Je vous en reparlerai sur un billet dédié

[Addendum 12 octobre 2024]

On continue à parler de nous… Ici à 26’30 dans l’épisode Fraudes en médecine de 36,9° sur RTS

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