Valoriser sa thèse de médecine générale : les prix

Une thèse qui reste sur une étagère est une thèse qui meurt un peu… Ca n’est plus aussi vrai qu’avant, parce que chaque faculté les met maintenant à disposition (pour Lille, c’est sur Pepite), avec un référencement Google qui peut aider à la diffusion (exemple d’un thésard qui a travaillé sur la « médecine dans le Boulonnais pendant la seconde Guerre Mondiale », et qui reçoit encore plusieurs fois par an des appels de passionnés d’histoire locale qui sont tombés sur le PDF de sa thèse en accès libre en cherchant un nom, un évènement…)

En dehors de cette mise en ligne donc, il existe plusieurs autres moyens de valoriser sa thèse de médecine (générale) :

  • les informations / publications locales : dans des revues locales (par exemple auprès de l’ARS, d’un réseau de soin…), sous forme d’article du mois (FAYR-GP le fait pour Exercer)
  • les congrès : présentations orales ou posters (on en a déjà parlé : cf. ce billet sur le CMGF2019 par exemple, ou celui-ci sur le CNGE 2018)
  • les publications dans des revues : nationales ou internationales, référencées ou non… (on en a déjà parlé ici du parcours « de la thèse à la publication » puis dans l’itinéraire d’un article publié partie 1 et partie 2).
  • et les prix…

Le billet du jour est sur ces prix, avec une liste non exhaustive (n’hésitez pas si vous en connaissez d’autres !). Ils méritent qu’on s’y intéresse, parce qu’ils demandent souvent peu d’investissement (la plupart du temps, ça prend 5 minutes à 1 heure de travail) et ça peut rapporter de l’argent ! (Tout l’inverse des articles : beaucoup d’investissement qui ne rapportera jamais rien financièrement). 

Tout directeur de thèse peut donc rappeler à ses thésards les prix suivants, classés par date limite de soumission : (Légende : N = année en cours).

  • Prix de thèse de la faculté de médecine : ça, ça n’est pas dépendant de vous, mais de votre jury de thèse, qui peut soumettre au jury annuel de la faculté… Ce prix peut donner accès à la mention « lauréat de la faculté de médecine ».
  • Prix de thèse du département / du collège local : là, à part vous renseignez localement… Par exemple à Grenoble, ils ont le prix du collège interalpin des généralistes enseignants.
  • Prix de thèse de l’URPS : là encore, renseignez-vous localement… Pour l’URPS des Hauts-de-France :
    • thèmes : Prévention/dépistage, Organisation des soins, Amélioration des pratiques médicales en médecine libérale
    • thèse de l’année N-1
    • soumise avant fin janvier N (à noter qu’on peut soumettre à tout moment de l’année, sans date de début, donc y compris le lendemain de la soutenance de thèse…)
    • par mail, à récupérer sur le site de l’URPS (prix-these@urpsml-hdf.fr), avec 1 CV, la thèse en PDF, une version article courte en 6000 signes (résumé élargi donc), 1 copie du diplôme, le règlement signé
    • (à noter qu’il existe une grille en 30 points sur laquelle est jugé ce travail ; la grille n’est pas rendue publique, ce qui est dommage, et favorise probablement ceux qui pourraient la connaître – les lauréats étant régulièrement des thésards des membres du jury…)
    • remise lors de la journée d’installation en avril-mai N (prix 2000€ – 1500€ – 1000€ pour les 3 lauréats)
  • Prix Alexandre Varney de l’ISNAR-IMG : 
    • Thème : tout ce qui peut concerner notre futur métier de médecin généraliste et la manière dont nous y sommes préparés, la formation, son contenu, mais aussi tous les à-côtés d’une vie d’interne, les différentes façons d’y faire face, etc…
    • thèse de l’année N-1 ou N (ou mémoire, article, vidéo, BD)
    • soumise avant janvier N
    • par courrier en 4 exemplaires au siège social de l’ISNAR-IMG (cf. règlement ici)
    • remise lors du congrès de l’ISNAR en février N (prix 1000€, trophée et présentation)
  • Prix de l’Académie de Médecine (nombreux prix, certains tous les ans, d’autres tous les deux ans, certains créés, d’autres disparus ou regroupés…) : en général, plutôt pour des gens en thèse de science, ou qui ont déjà quelques publications à leur actif quand même : 
    • Thèmes : très variés, notamment :
      • Prix généraux « pour travaux jugés dignes par l’Académie » : prix de l’Académie nationale de médecine, prix Achard-Médecine, prix Jansen, prix de la société des eaux minérales d’Evian-les-Bains, prix Eloi Collery, prix Léon Baratz Docteur Darolles…
      • Prix du ministère de la jeunesse et des sports (biologie appliquée aux sports) ; prix Albert Creff (recherche fondamentale ou pratique concernant la nutrition et l’hygiène de vie appliquées à l’activité physique et au sport)
      • Prix Albert Sézary (jeune médecin ou chercheur digne d’intérêt)-
      • Prix Drieu-Cholet (travaux sur le cancer ou les maladies vasculaires)
      • Prix Maurice-Louis Girard (biochimie ou immunologie clinique)
      • Prix Elisabeth Taub (recherche toxicologique, risques toxiques des produits qui nous entourent) ; prix Edouard Bonnefous (travaux sur l’environnement et les conséquences sur la santé)
      • Prix Janine Rouane-Crépeaux (jeune médecin/chercheur, santé des femmes et gynécologie-obstétrique) ; prix Jacques Salat-Baroux (reproduction humaine)
      • Prix alimentation nutrition (études originales sur l’alimentation et la nutrition humaine et animale)
      • Prix Charpak-Dubousset (prix franco-chinois pour l’innovation collaborative dans le domaine de la santé)
      • Prix Etienne Chabrol (insuffisance hépatique de l’enfance)
      • Prix de cardiologie Lian-Escalles, Jean Di Matteo (maladie du coeur ou des vaisseaux)
      • Prix Auguste Secrétan (étudiant en médecine jusqu’à interne, ayant fait un travail pouvant aider au soulagement de la douleur)
      • Prix Joseph-Antoine Maury (soulager ou atténuer la souffrance physique humaine)
      • Prix Léon Lanoy (pharmocodynamie, ou pathologie exotique) (rigolo, ça n’a juste pas de rapport, on dirait un candidat Fort Boyaux ^^)
      • Prix Deschiens (maladies infectieuses ou parasitaires)
      • Prix de neurologie Victor et Clara Soriano, Henri Baruk (neurologie)-
      • Prix Aimée et Raymond Mande (maladie de Parkinson ou leucémie chronique)
      • Prix lutte contre l’alcoolisme (préventif et curatif, compréhension des désordre induits par l’alcool)
      • Prix lutte contre le tabagisme (préventif et curatif)
      • Prix Jacques Mirouze-Servier (diabète) ; prix Léon Perlemuter (endocrinologie ou diabétologie, avant 50 ans) ; prix André Lichtwitz (jeune médecin ou chercheur, endocrinologie générale ou équilibre phosphocalcique) ; prix Gilberte et Jacques Tacussel (mécanismes conduisant au diabétique, amélioration des traitements anti-diabétiques, outils physiques ou numériques facilitant l’adaptation du traitement ; les moyens peuvent financer des dépenses de fonctionnement, d’achats d’équipements ou d’un post-doctorant…)
      • Prix de chirurgies… Prix Belgrand-Chevassu (jeune chirurgien chercheur en anatomopathologie) ; Prix Henri Mondor (urgences chirurgicales) ; Prix Emile Delannoy-Robbe (jeune chirurgien sur la chirurgie expérimentale ou clinique) ; Prix d’urologie (ça parle tout seul)
      • Prix d’ophtalmologie : Prix Raymonde Destreicher (médecine des yeux) ; Prix Prospère Veil (étudiant en ophtalmologie ou médecin chercheur digne d’intérêt…)
      • Prix Jean-François Ginestié (jeune chercheur, imagerie médicale du système vasculaire ou de l’appareil ostéo-articulaire)
      • Prix de cancérologie : Prix Prince Albert 1er de Monaco (diagnostic ou traitement des cancers) ; Prix Paul Mathieu (recherches, ouvrages ou organismes ayant pour but la lutte contre les tumeurs malignes) ; Prix Amélie Marcel (traitement des leucémies) ; Prix Berthe Péan, Antoine et Claude Béclère (cancérogenèse et traitements des cancers) ; Prix Henry et Mary-Jane Mitjavile (lutte contre le cancer… puis quand le cancer sera jugulé, on passera à un autre fléau !) ; Prix Gallet et Breton (progrès techniques ou thérapeutiques relatifs à la cancérologie) ; prix cancer (travaux dans le domaine du cancer)
      • Prix Michel Noury (pour celui qui mettra au point un traitement guérissant clinique la rage chez l’Homme !)
      • A noter 2 prix littéraires : Prix Jean Bernard (oeuvre littéraire sur la médecine) et Prix d’histoire de la médecine de la société d’histoire de la médecine et de l’académie nationale de médecine (récompense un ouvrage)
    • il est intéressant d’aller voir les lauréats des précédentes années pour juger du niveau et de la pertinence d’une soumission ou non quand même…
    • soumis entre le 15 novembre N-1 et le 15 février N 
    • par courrier en 2 exemplaires avec candidature, CV et tirés à part + version électronique à administration@academie-medecine.fr (cf. règlement ici)
    • annonce en juin-juillet N (prix de 325€ à 40 000€…)
  • Prix « Grands prix du Généraliste » : 
    • Thème : organisation des soins (mode d’exercice innovant), première expérience professionnelle (en adéquation avec les besoins), formation-recherche, meilleure initiative numérique en santé (site ou autre projet numérique utile aux confrères), 
    • soumis entre février N et avril N
    • par mail sur le site dédié
    • remise en juin N lors d’une cérémonie dédiée (prix 1000€)
  • Prix « Groupe Pasteur Mutualité » : 
    • Thème : thérapeutique, prévention médicale, innovation en santé
    • soumis avant novembre N
    • par mail sur leur site (prix 1500€ chacun pour les 6 lauréats)
  • Prix de thèse du CNGE + prix de la MSA :
    • thèse de juillet N-1 à juin N,
    • soumis entre mars et septembre N,
    • par mail sur le site du congrès du CNGE
    • remise en novembre N lors du congrès annuel (prix 1500€ et présentation lors de la cérémonie de clôture)
  • Prix de thèse d’histoire de la médecine Georges Robert : 
    • thèse d’octobre N-2 à octobre N
    • soumis avant le 31 décembre N
    • par voie postale à la BIU de Paris 6 (cf. règlement)
    • remise ensuite (prix 500€ et une médaille de la société)

Il existe également des prix « spécifiques », dont voici quelques exemples en gériatrie (le site de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie en liste quelques-uns)  :

  • Prix Fondation de France / Médéric Alzheimer : 
  • Prix Joël Ménard : 
    • Thème : recherche clinique et translationnelle, recherche en sciences humaines et sociales, recherche fondamentale
    • soumis avant mai N
    • candidature sur le site dédié
  • Prix Edouard et Louis Chaffoteaux : 
    • Thème : la recherche biologique en vieillissement et sénescence ; la recherche clinique en gériatrie ; les sciences humaines et sociales concernant les problématiques liées au vieillissement et à la prise en charge des patients âgés.
    • Prix occasionnel (tous les 3-4 ans)

Généralement, les congrès proposent également des prix pour les thèses (par exemple la société française d’accompagnement et de soins palliatifs, le congrès national de médecine et santé au travail, la Société française de pharmacologie et thérapeutique…). En dehors de la médecine générale, c’est aussi le cas de certaines associations ou sociétés savantes, souvent pour les internes/jeunes médecins de la spécialité (ANOFEL pour la parasitologie et mycologie, SFC pour la cardiologie…)

Enfin, il est tout à fait possible d’imaginer que la thèse consiste à diffuser un livre ressource pour professeurs contribuant à l’enseignement de la médecine pour une tranche d’âge bien définie… et rentrer dans les critères du prix du livre d’enseignement scientifique de l’Académie des Sciences par exemple. L’Académie des Sciences propose d’autres prix (notamment Jean-Pierre Lecocq et grand prix de cancérologie de la fondation Simone et Cino Del Duca), qui ne sont pas vraiment accessibles pour des thèses d’exercice 😉

Comme dit plus haut, si vous connaissez d’autres prix pour lesquels il peut être intéressant de se pencher après une thèse de médecine (plutôt générale), n’hésitez pas à me le signaler ! 

EDIT du 27/1/2021 : Il y a également des prix de littérature médicale :

Loading spinner

DocToSlip : en quelques clics, mon médecin en slip

Le 19 janvier 2020, avec l’aide de ma Chérie, j’ai tourné une petite parodie de publicité…

Sûrement un projet d’avenir pour la télémédecine !

 

Loading spinner

Les mutuelles qui ne jouent pas le jeu… #MutuelleDuPapier

Les médecins et patients sont invités par les mutuelles à faire des « tiers-payant ».

Il existe deux façons pour un médecin de faire un tiers payant pour une consultation à 25€ : 
    – TP AMO : la sécurité sociale donne les 70 % (17,5€) directement au médecin, le patient avance 7,50€ qui sont remboursés par la mutuelle
    – TP AMO + AMC (tiers payant intégral) : la sécurité sociale et la mutuelle donnent les 25€ au médecin. Peu de médecins le font, à raison… 
Lorsque nous faisons un TP AMO au moyen d’une feuille de soins électronique (avec la carte vitale), la sécurité sociale transmet à la mutuelle la facture. 
Certaines mutuelles comprennent très bien, et remboursent directement le patient (TP AMO) ou le médecin (TP AMO + AMC) : elles comprennent tellement bien qu’on peut alterner l’un et l’autre sans erreur. 
Par contre, d’autres mutuelles, disposant des mêmes informations, ne remboursent personne tant qu’elles n’ont pas reçu de factures (un papier totalement falsifiable et sans valeur, soyons clairs). Il est difficile de savoir s’il s’agit d’un vrai procédé malhonnête, d’une précaution paranoïaque ou d’une simple incompétence, et nous ne sommes pas là pour juger. Néanmoins, tout ça est gênant. Surtout que ces mutuelles savent envoyer des petites cartes « tiers payant » mais oublient sûrement de prévenir par courrier que « ah au fait, tiers payant mais on ne vous remboursera que si on a la preuve infalsiable par la feuille de soins électronique, suivie d’un courrier avec une feuille A4 où le médecin a imprimé le montant de la facturation ». Mais, encore une fois, nous ne sommes pas là pour juger.
Nous pouvons en parler sur Twitter (avec #MutuelleDuPapier, #MédecinAdministratif ou #BalanceTaMutuelleQuiRemboursePasSaufAvecUneFacturePapier ou tout ce que vous voulez…), ou en parler ici. 
En tout cas, afin d’informer justement les patients (et médecins) sur quelles mutuelles réclament ces factures, et quelles mutuelles sont compétentes pour gérer ça depuis la feuille de soins électronique, je vous propose de séparer les mutuelles sur ce critère, en sourçant.
J’avais fait ça sur https://public.etherpad-mozilla.org/p/MutuellesFactures mais malheureusement, l’Etherpad a disparu dans les limbes de l’internet (et le web ne conserve pas de traces des Etherpad visiblement). Donc si vous voulez, vous pouvez ajouter en commentaire et je mettrai à jour.
MUTUELLES QUI REMBOURSENT DEPUIS LA FEUILLE ÉLECTRONIQUE 
– Apreva : https://www.apreva.fr (6 avril 2018, @mimiryudo)
– MNH : https://www.mnh.fr/index.html (6 avril 2018, @mimiryudo)
– Génération : https://www.generation.fr (6 avril 2018, @mimiryudo)
MUTUELLES QUI NE REMBOURSENT QU’AVEC UNE FACTURE PAPIER QUI LEUR EST TRANSMISE
– CGAM : http://cgam.fr/ (5 avril 2018, @mimiryudo)
– GSMC : http://www.mutuelle-gsmc.fr/home (5 avril 2018, @mimiryudo)
– HUMANIS  : https://humanis.com (6 avril 2018, @Louismaiso)
-BE/ALMERYS : https://www.be-almerys.com/ ( 18 avril 2018 @doclafrite90) 
Loading spinner

Forfait de réorientation : l’argent magique pour financer le non-soin

Ca y est, la Sécurité Sociale va bientôt payer l’hôpital pour refuser de soigner des gens malades.

Acte I – Le projet du député (et neurologue) Olivier Véran depuis 2017.

Payer l’hôpital pour réorienter les patients, une solution pour décongestionner les urgences ? https://t.co/rqx68PpI5N via @LCP

Il y avait déjà eu une salve de « MAIS C’EST N’IMPORTE QUOI » à l’époque. Je retrouve facilement mon tweet, mais évidemment nous étions plusieurs à trouver ça idiot.

Suite à ces remarques, le député avait « dénoncé le côté réac' » des opposants. Très amusant de trouver « réac' » le fait de soigner des gens, et « moderne » sans doute le fait de payer pour ne pas soigner.

Donc nouvelle salve de remarques sur le sujet… 

Cette mesure absurde se voudrait la réponse à « comment éduquer les patients à aller chez un MG et pas aux urgences pour des problèmes non-urgents ? ». Les députés de la majorité proposent « par la sanction en les virant des urgences » ; ça n’est pas de l’éducation à la santé !

 

Acte II – L’origine du projet : de la finance

J’ai dit au-dessus que c’est un projet de 2017, mais le tweet date de 2018.

En fait, cette mesure, on en parle déjà au nom d’Olivier Véran dans le rapport d’information n° 685 (2016-2017) de Mmes Laurence COHEN, Catherine GÉNISSON et M. René-Paul SAVARY, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 26 juillet 2017 :

« Il s’agirait, en somme, de donner à l’hôpital un intérêt financier à agir dans le sens d’un recentrement sur son coeur de métier pour chacun des acteurs de la prise en charge en urgence. Vos rapporteurs proposent dès lors, à la suite notamment des préconisations émises par notre collègue député Olivier Véran lors de son audition (…) de créer un forfait de réorientation visant à inciter les services à réadresser les patients ne nécessitant pas de prise en charge hospitalière vers les acteurs de ville. »

C’est extrait de la section : B. REVOIR LE MODE DE FINANCEMENT DES URGENCES HOSPITALIERES / 2. La réforme du financement des urgences / b) Faire du mode de financement des urgences un outil incitatif pour une meilleure coopération entre les différents acteurs de la prise en charge du soin non programmé.

Clairement, on est donc sur une mesure financière.

Il est à noter que dans le même rapport, quelques pages plus tôt, on peut lire (je vous mets les titres) :

  • L’évolution des motifs de demandes de soins urgents remodèle peu à peu la mission des urgences (…)
  • En dépit d’une forte stabilité du profil des patients accueillis et de la prévalence des consultations pour traumatologie, les prises en charges effectuées aux urgences tendent à se diversifier (…)
  • Des situations d’urgence sociale de plus en plus visibles (…) Des situations d’urgence sociale de plus en plus visibles (…)
  • La question des passages inutiles aux urgences : un faux problème (je vous promets, c’est le titre !) car c’est « une notion difficile à objectiver, recouvrant bien souvent des difficultés réelles des usagers du système de soins », impossible à appliquer avec l’actuelle « classification des patients (qui) ne peut cependant être faite qu’au terme d’un premier examen clinique »
  • Le recours aux urgences, une solution « de confort » pour une minorité de patients : « La commodité de l’accès aux services des urgences est évoquée comme un motif de recours par certains patients (mais) près de huit patients sur dix décrivent leur venue aux urgences comme « clairement décidée pour un motif médical ». « Au total, s’ils existent bel et bien, les recours motivés par de strictes raisons de convenance personnelle apparaissent largement minoritaires ».
  • Une évolution sociétale valorisant l’immédiateté de l’accès aux soins (immédiateté et consumérisme). Cette incapacité résulterait en partie d’une absence de connaissance et donc d’éducation thérapeutique. »

 

Et si on continue à remonter, c’est évoqué à travers le rapport de la fameuse Cour des Comptes en 2014 cherchant à identifier les passages évitables (pages 371s) :

Selon l’enquête de la DREES, un passage sur cinq n’a pas comporté d’acte, ce qui recouvre la catégorie CCMU1 (état clinique stable, pas d’acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique). Cette donnée pourrait correspondre sous réserve d’analyses plus approfondies sur le profil sanitaire des patients en cause et toutes choses égales par ailleurs, à une réorientation éventuellement possible de l’ordre de 3,6 millions de passages annuels vers une prise en charge en ville.

Sur la base du différentiel entre le coût moyen estimé supra de 161,50 € par passage et du tarif des consultations en ville, l’ordre de grandeur des économies brutes susceptibles de résulter de la réorientation vers une prise en charge en ville de ces patients se présentant aux urgences, compte non tenu notamment des besoins de renforcement éventuels de la permanence des soins pourrait être de l’ordre de 500 M€ (ce calcul se base sur l’hypothèse de 3,6 millions de consultations à 23 € prises en charge en ville (soit 82,8 M€) à comparer avec leur coût à l’hôpital sur la base d’un coût moyen par passage de 161,50 € (581,4 M€). »

On notera que la Cour des Comptes (depuis le luxueux palais Cambon… ;)) pense qu’un passage aux urgences sans acte diagnostique ou thérapeutique complémentaire est valorisé 161€. Or, « selon la Cnam, moins de 5 % des passages ne donneraient lieu à aucun examen clinique ; 20 % d’entre eux se traduiraient par des actes et consultations pour un montant égal ou inférieur à 25 euros ; 80 % pour un montant supérieur à 25 euros (80€ en moyenne, en incluant les actes) » (source : le rapport des sénateurs cité ci-dessus).

C’est donc sur la base d’un calcul foireux de la Cour des Comptes qu’est né ce projet ! ^^

 

Acte III – Ce qui semble problématique dans ce projet de forfait de réorientation

Je vous résume ce que je notais dans les threads de l’époque :

  • les patients vont être les grands perdants :
    • dans l’immense majorité des cas, les patients ne sont pas des crétins qui vont sans raison aux urgences (postulat de base, tout à fait réactionnaire vous en conviendrez – le modernisme c’est prendre les gens pour des cons) ;
    • personne ne va rester plusieurs heures en salle d’attente « pour rien » (bien sûr, vous trouverez toujours des anecdotes « croustillantes » d’une personne venue pour pas grand-chose, sur une garde ayant vu passer 200 patients – parce que c’est celles qu’on trouve amusantes à partager, mettre en BD…).
    • les urgentistes ne vont pas donner « le bon RDV » au patient. Ils vont donner « un » RDV : peut-être que ça sera au moment de la sortie d’école, d’un moment où il faut s’occuper d’un parent/proche, d’un cabinet inaccessible à un patient sans véhicule…
    • ce qui comptera c’est « réorienter », pas que le patient consulte (libre au patient de changer de RDV si celui trouvé aux urgences ne lui convient pas – et libre à lui de prévenir le médecin généraliste ou pas d’ailleurs de son absence…)
    • il y aura forcément des renvois non justifiés, des RDV non honorés, des renoncements aux soins… Je veux dire, les gens sont devant un médecin, qui au lieu de les soigner va les réorienter : on ne peut pas améliorer les soins avec cette démarche « pseudo-éducative ». Même si seulement 20 % ne voient pas d’autre médecin, ça fait 20 % de renoncement aux soins. Bref, au minimum, on aura donc des retards ou des non prises en charge, pour des patients qui ont vu un médecin aux urgences (ou un IDE qui a pris un avis médical pour se couvrir).
  • … mais les MG ne seront pas en reste : 
    • les médecins qui ont beaucoup de créneaux dispo, ça peut être les jeunes installés (cool) ou les médecins-lumino-gemmotherapeutes que les gens fuient pour des raisons qui sont peut-être bonnes (relationnel ou compétences sous-optimaux) (pas cool).
    • les MG sont débordés, sinon les gens n’iraient pas aux urgences sans RDV pour des pathologies relevant de la MG…
    • ça implique de voir des patients qu’on ne connait pas (c’est plus long), après qu’ils aient déjà vu un médecin aux urgences…
    • un planning de MG, ça n’est pas forcément que du soin : nous avons des obligations de libéraux / chefs d’entreprise, et besoin de temps pour scanner des courriers, lire des bilans biologiques… (les urgentistes aussi lisent les bilans biologiques et rédigent des courriers, mais ils ne sont pas sur un planning sur rendez-vous ; la notion de flux est différente aux urgences et dans un cabinet de médecine générale qui n’est pas ouvert 24h/24, nous on doit rentrer chez nous le soir).
    • il est probable que la suite soit un lien « urgences -> CPTS » avec des enjeux financiers (la CPTS et les MG auront une rémunération selon le nombre et le taux de réorientations acceptées). Et qu’au lieu de soigner des gens, on passe du temps à réfléchir à comment gagner de l’argent sur le fait qu’on manque tous de temps pour soigner des gens. Ce qui, d’un point de vue pratique de soignant, est contre-productif – bien que lucrativement passionnant.
    • pour jouer le jeu, à terme, il faudra que nous partagions tous le même agenda. Le plus simple sera d’aller faire ça chez Doctolib déjà défendu par le gouvernement en se fichant de vendre toutes les données de santé à une seule boîte privée, pour réaliser leur rêve d’une start-up de « Silicon Valley à la française ».
    • comme dit plus haut, le risque d’un lapin est énorme (les urgentistes vont filer le premier RDV dispo, empocher les 60€ et on s’en fiche si le patient va honorer ou non ce RDV…) Ce qui signifie qu’un patient du médecin n’aura pas ce RDV et ira peut-être aux urgences. C’est le concept de déshabiller Pierre pour habiller Paul.
    • au total, le vrai problème c’est qu’il est idiot de prétendre défendre l’efficience des soins et bloquer un créneau de médecin urgentiste + un créneau de médecin généraliste pour le même problème, qui sera réglé en 30 minutes au lieu de 15… (comme s’il y avait une scission totale entre la ville, les urgences et l’hôpital)
    • (Je ne parle même pas du fait que les urgentistes toucheront 60€ pour ne pas voir le patient et que je le vois ensuite pour 25€. Le but n’est pas de vouloir augmenter mon tarif de consultations d’urgence – rien à carrer je gagne assez ma vie comme ça. Le but est que les patients que je suis continuent à être soignés quand ils ressentent une urgence !)
  • et les urgentistes vont également être perdants à moyen terme :
    • il va de soi que les urgences auront à terme des taux de réorientation à respecter
    • au lieu d’une prise en charge en 10-15 minutes pour soigner, ces 10-15 minutes seront dévolues à réorienter. Ca n’est pas l’hôtesse ou l’infirmier d’accueil qui reorientera, tout est seniorisé…
    • Or, si l’activité baisse (avec la tarification actuelle), les moyens et les postes baisseront.
    • si j’ai bien compris, la mesure compensatoire de 60€ va durer 2 ans, puis après les régimes d’assurance maladie ne financeront peut-être plus. On revient à la baisse de moyens et donc baisse de postes.

 

Acte IV – Les indéniables problèmes et leurs évidentes solutions

On ne peut pas le nier : il y a un problème de manque de moyens par rapport à la demande aux urgences. C’est un fait. Il y a aussi un manque de moyens en aval (trouver un lit pour les patients à hospitaliser) qui embolise les urgences :

« La disponibilité de lits influe sur la durée de passage aux urgences. La recherche d’une place d’hospitalisation prend plus de 50 minutes dans la moitié des cas dès que plusieurs appels sont nécessaires pour l’obtenir. » (source)

La réponse est : augmenter les moyens, créer des parcours alternatifs SUR PLACE et AU MOMENT du soin débuté. Pas à distance avec un autre médecin où les patients n’iront pas toujours. Créer du soin. Apparemment, ça doit être reac de vouloir que les gens se soignent. Ce qui est « tendance » c’est de penser que les patients sont des imbéciles qui vont aux urgences parce qu’ils réfléchissent comme des veaux. (C’est la condition requise à cette mesure, c’est le postulat !)

Motivations des patients à venir aux urgences en juin 2013 (source)

Motivations des patients à venir aux urgences en juin 2013 (source)

L’autre problème, c’est que les gens viennent aux urgences, et qu’une fois le diagnostic posé, on se rend compte que ça aurait pu être pris en charge en ambulatoire sans perte de chance (à pondérer avec les 21 % ci-dessus venus aux urgences par défaut dont la moitié par absence de rendez-vous).

Le 11 juin 2013, dans la région PACA, les MG ont vu 11 045 patients en consultation (dont 69 adressés après appel au SAMU) ; les urgences ont vu 4 370 patients, dont 2 415 venus de leur propre chef, 821 après avis de leur MG, 768 après avis du SAMU.

Néanmoins, « la répartition des consultations de 1° recours (entre MG et service d’urgence) ne peut pas être évaluée du fait de l’impossibilité de mesurer de manière fiable les données d’activité non programmée réalisée en médecine ambulatoire (urgence et non urgence). » (source, pages 25-26) (en fait c’était à peu près 12 % en 2004 de soins urgents pour la médecine ambulatoire, mais ça a pu évoluer).

 

Acte V – Un an après, le J.O.

Et nous voici 2 ans et demi après le rapport des sénateurs, et mené jusqu’au bout par Olivier Véran : le forfait de réorientation va être expérimenté pendant 24 mois à partir de la prise en charge du premier patient au 1er avril 2020 (c’est dans le Journal Officiel depuis une semaine et dans la presse hier).

Lisons cet arrêté du 27 décembre 2019 relatif à l’expérimentation du forfait de réorientation des patients dans les services d’urgence… 

  • Justification : « les enquêtes et en particulier celle conduite par la DRESS en 2013 montrent qu’entre un quart et un tiers des patients qui se présentent aux urgences auraient pu, sans perte de chance, être pris en charge par des praticiens de ville. » (C’est l’enquête réalisée le 11 juin 2013 dans 736 points d’accueil des urgences (52 000 patients) dont je cite quelques résultats au-dessus.)
  • D’ailleurs, ils précisent : « Cette inadéquation de la prise en charge n’est imputable ni aux services d’urgence, ni aux patients (…) Il n’est pas possible, non plus, d’imputer cette inadéquation aux praticiens de ville car il n’existe aucune relation comme le montre le schéma ci-dessous entre d’un côté le niveau de fréquentation des urgences hospitalières et de l’autre côté les visites à domicile et les consultations par habitant. »
  •  « Le forfait de réorientation (…) se substitue à tous les autres éléments de rémunération de l’établissement (…) sans impact sur le FAU. » Donc incitation à réorienter dans un premier temps (tant que le forfait existe), puisque l’ATU est coté 25€ et que le FAU est conservé.
  • « Pour les praticiens libéraux, le forfait de réorientation ne peut déclencher la facturation de la majoration d’urgence (MU) en plus de la consultation et/ou des actes. » Oui, alors cette MU ne se cote pas avec une consultation mais uniquement avec une visite… j’ose espérer que vous n’allez pas envoyer un médecin généraliste en visite à domicile chez un patient que vous avez renvoyé des urgences, hein… (Sérieusement quand je vois cette phrase, je me dis qu’aucun MG n’a participé à la rédaction de ce texte, qui traine depuis 2 ans et demi. C’est un peu couillon quand on sait que les MG sont les médecins qui voient le plus d’urgences non programmées).
  • « Par ailleurs, le patient est exonéré de reste à charge sur le forfait de réorientation. Ce dernier peut, à tout moment, refuser la réorientation. » Oui enfin dans ce cas, ça veut quand même dire mettre le patient dehors sans soin OU dire au patient qu’il sera vu quand même, quand on aura le temps ? 
  • « Pour la gestion des relations (de toute nature) avec les médecins libéraux partenaires dans le cadre de la réorientation, l’établissement établit une convention. » Ah, donc plusieurs nouvelles : les MG peuvent être partenaire ou non ; ça implique de signer une convention qui doit donc impliquer une compensation d’une sorte ou d’une autre (… on renvoie nos patients vers les urgences pendant nos vacances ? LOL, je plaisante ! Bah non, ça sera forcément une compensation financière, qu’est-ce qu’on peut demander d’autre à l’hôpital public en tant que MG, puisqu’on a déjà un service d’excellence en matière de soins urgents… ?)
  • « L‘expérimentation repose sur un travail conjoint entre les urgentistes et les praticiens libéraux :
    • communication des plages de consultations et modalités d’accès à celle-ci pour l’hôpital,
    • modalités de la réorientation et des informations transmises de l’hôpital au médecin de ville et de ce dernier vers l’hôpital, suivi et pilotage de l’expérimentation etc.).
  • Donc concrètement, les MG partenaires devront partager le même type d’agenda (je veux bien dire « je suis partenaire, les RDV chez moi sont pris par téléphone », mais je doute que l’infirmier d’accueil passe son temps à appeler tous les médecins un à un… quand il existe Doctolib – par exemple !)
  • Et c’est même clairement dit plus loin : « Les sites de prise de rendez-vous en ligne seront sollicités pour apporter leurs concours à la mise à disposition des données pour les établissements ; »
  • La seconde étape est de construire dans chaque service d’urgence le processus concret de la réorientation (…) sachant que les deux seules obligations faites à l’hôpital sont les suivantes :
    a) La décision de réorientation est prise par un médecin sénior (au vu des résultats du questionnaire de proposer la réorientation au patient).
    b) La réorientation se traduit pour le patient par un rendez-vous (date, heure et lieu) qui est synthétisé sous la forme d’un bulletin de réorientation. »

    • Donc comme ça a été dit, on va dépenser du temps infirmier et médecin et administratif pour ne pas soigner un patient… Tout devra être séniorisé, et le forfait dépassant l’ATU, il y a une vraie incitation à ce qu’un médecin, sur un problème CCMU1, ne voit pas le patient mais du temps sur le dossier pré-rempli en salle d’attente par le patient…
  • Les objectifs poursuivis par l’expérimentation sont : entre 5 et 10 % de patients réorientés par service d’urgence expérimentateur ; a minima 70 % des consultations de réorientation honorées par les patients ; (pas d’incidence sur l’état de santé, ralentir la progression des passages aux urgences) ».
    • Ah mais donc c’est PIRE que ce que j’imaginais : ils annoncent d’emblée le taux de réorientation attendu (oh bah quelle surprise, sinon quoi ? une punition financière ? moins de moyens ? les bras m’en tombent), et SURTOUT, ils annoncent 30 % de lapins chez les médecins partenaires !
  • « Cet approfondissement va aussi dans le sens des politiques (…) avec la création et le développement des CPTS et plus globalement de la structuration des soins de ville. »
  • « Dans le cadre de l’expérimentation le surcoût du forfait sera donc de l’ordre de 1,7 millions d’euros (le forfait de réorientation aura un coût annuel de 5,8 millions d’euros en substitution d’une facturation « classique » de 4,1 millions d’euros). Ce surcoût devra être pris en compte dans une réforme plus globale du mode de financement des urgences. » Oui, donc voilà, on a trouvé 1,7 millions d’euros par an dédiés à ne pas soigner les gens. 

Et évidemment, pour tout le monde, ce projet va être inaudible…

 

Acte VI – A qui profite le crime ? 

Alors, à la fin, si les patients sont perdants (pour tout ce qui a été dit au-dessus), si les généralistes sont perdants (parce qu’on va demander à des gens bossant en moyenne déclaré 55 heures par semaine de faire un effort supplémentaire), si la sécurité sociale est perdante (parce que 60€ + la FAU + 25€ pour un CCMU1, ça commence à faire cher), si les urgentistes ne sont pas vraiment gagnants (parce que ça va leur demander du travail administratif sur la base d’un questionnaire pour augmenter temporairement le financement au lieu de faire leur travail de soignant), il faut bien que quelqu’un tire son épingle du jeu…

Je crois au rasoir d’Ockham et je pense que les gens qui défendent ce projet (Olivier Véran en tête, mais pas que) sont sincères et pensent vraiment qu’ils proposent une mesure innovante qui va améliorer les soins. Il y a le biais cognitif des coûts irrécupérables (j’y pense souvent ^^) aussi qui fait qu’on n’abandonne pas un projet vieux de 2 ans et demi, avec tout l’investissement que ça représente ; on préfèrera toujours traiter les opposants de « réac » et tenir le cap.

Je ne pense pas que ces gens ont de mauvaises intentions volontaires cachées vis-à-vis des patients ou des médecins urgentistes ou généralistes.

Par contre, je pense que si on voulait écrire une dystopie en santé, ce forfait de réorientation serait un point de départ intéressant.

Ca commence en 2014 avec un calcul foireux de la Cour des Comptes qui estime qu’un passage sans acte diagnostique ou thérapeutique est valorisé 160€ pour les urgences, et qu’il y a donc moyen de faire beaucoup d’économies. Un rapport qui détaille qu’on ne peut pas cerner les « passages évitables » et qu’ils sont de toute façon très minoritaire. Un député de la majorité, médecin, qui porte ce projet de forfait de réorientation pendant des années.

Et puis un arrêté où il est dit que « les sites de prise de rendez-vous en ligne seront sollicités pour apporter leurs concours à la mise à disposition des données pour les établissements ». Même si plus loin, on lit que « l’expérimentation n’implique aucun marché particulier ou de relation particulière avec des industriels », je pense que ce tableau sur « pourquoi ce projet est innovant » en dit assez long…

Ils ne font même pas semblant

Ce projet est innovant car on va utiliser des outils ou services numériques favorisant l’organisation (oh non, ça n’est pas innovant pour son articulation entre soins ambulatoires et soins hospitaliers, ou pour les prises en charge médico-sociales qui bloquent les urgences… non, non, c’est parce qu’on va utiliser des agendas en ligne partagés).

Et quand on parle d’agenda en ligne, c’est forcément Doctolib, qui fait la fierté de la start-up nation française (même si ça a été fondé sous François Hollande), et qui a été visité par les 2 secrétaires d’État en charge du numérique : Mounir Mahjoubi puis Cédric O (qui tutoie le fondateur). L’ASIP Santé (service du ministère de la santé) a fait la promotion de Doctolib, l’AP-HP leur a vendu leur agenda…

Quelques rares personnes s’en inquiètent (merci France TV info pour cet article !), mais en vrai, la plupart des gens s’en fichent encore. Pourtant Doctolib sait déjà :

  • quels professionnels de santé vous consultez et dans quel ordre (le référent VIH ? l’oncologue après le gynécologue ? après le gastrologue ? rhumatologue puis kinésithérapeute ? sage-femme tous les mois ?)
  • quels pseudo-thérapeutes vous consultez (magnétiseur, luminothérapeute, ils ont tout et ça n’est pas une « maladresse » de leur part)
  • (bientôt) quels sont les antécédents que vous rentrez avant la consultation de télémédecine ; et ils vont « apporter leurs concours à la mise à disposition de ces données ».
  • (bientôt) quels traitements vous recevez sur l’ordonnance envoyée par voie électronique ;
  • (bientôt) si vous êtes allés aux urgences et avez été réorienté.

… vous imaginez le coût qu’on peut attribuer à de telles données ?

Qui peut nous assurer que ces données ne tomberont jamais entre de mauvaises mains ? (par définition, toute donnée sur internet finira un jour ou l’autre entre les mains de quelqu’un qui aura su les hacker).

Qui peut nous assurer que ces données ne seront pas revendues, à des publicitaires ? (oh oui, pour l’instant c’est écrit que ça ne sera pas revendu, mais les conditions pourront changer quand tous les médecins seront sur Doctolib, incités par le Gouvernement). Ca pourra être cool hein, quand X fera de la publicité ciblée aux patients obèses, quand Y vendra de la « poudre de perlimpinpin » aux patients avec un cancer… Je sais bien que Google peut savoir tout ça de nous au prix d’efforts certains, mais ça n’est pas une raison pour qu’on collecte au même endroit toutes les données de santé sur des décisions gouvernementales !

Et puis à un moment, quand toutes les données seront là, il est possible aussi qu’une assurance décide de racheter ou investir massivement dans ce chouette service qu’est Doctolib… Est-ce que Doctolib refusera plusieurs millions d’euros ? Tout s’achète, c’est la loi de Disney !
Alors à ce moment-là, ça sera un bon prétexte pour répondre « ah bah non, on ne vous indemnise pas de votre dépression, car vous avez souffert d’une attitude scoliotique en 1998 que vous avez omis de nous signaler à l’époque de la signature du contrat… sinon, on ne vous aurait pas couvert, car on sait bien que les gens qui ont mal au dos sont dépressifs » (je plaisante ? Un peu, mais pas tellement : j’ai un patient à qui j’ai noté « attitude scoliotique » dans les antécédents, qui paie maintenant plus cher son assurance et n’est pas couvert sur le risque dépression à cause de ça, et uniquement de ça).

… vous voyez l’idée, je crois.

Là encore, malgré tout ce que j’en dis ici ou là, je ne pense pas que Doctolib soit gouverné par des méchants à la James Bond. J’ai de l’admiration pour son fondateur, Stanislas Niox-Château, qui est manifestement un gars passionné qui a eu une bonne idée au bon moment, et a su la développer mieux que les autres. Bravo, vraiment !

Mais ça reste une entreprise privée, avec des entrepreneurs, qui veulent gagner plus d’argent et faire plaisir à leurs fondateurs, manageurs et actionnaires… Ce ne sont pas des philanthropes, même si leur objectif est aussi d’améliorer la santé. Or, devons-nous vendre l’organisation de la santé (publique) à une entreprise privée ? C’est la vraie question, parce que c’est ce qu’on est en train de faire ici ; le grand gagnant de ce forfait de réorientation, ça ne sera pas l’urgentiste qui aura renvoyé un patient avec une otite moyenne aiguë hyperalgique sans antibiotique en pleine nuit (au lieu de soulager le patient), ça ne sera pas le patient, ça ne sera pas le généraliste qui reverra (peut-être ou pas – 30 % de lapins annoncés quand même) le patient le lendemain… le grand gagnant, ça sera Doctolib qui trouvera une nouvelle façon de se rendre indispensable dans le paysage de la santé française, et deviendra de plus en plus incontournable.

Enfin, si ça se trouve, tout ça ce sont juste des pensées de réac’.

 

Loading spinner

[Fiche] Les antibiotiques, pas toujours magiques

Bonjour et meilleurs voeux à tous !

Je commence mon année 2020 en vacances jusqu’à lundi, j’en profite pour faire une fiche de salle d’attente qui me tient à coeur depuis un moment, sur les antibiotiques « pas automatiques » / « pas magiques », avant l’arrivée de l’hiver…

Comme toujours, la fiche est sous licence libre, faites-en ce que vous voulez 😉 Et vos avis m’intéressent évidemment !

Antibiotiques (5494 téléchargements )

(Et comme nous sommes le 2 janvier, j’en profite pour vous rappeler qu’il y a une fiche disponible ici pour la changement de réglementation sur le « non substituable »).

Vous remarquerez que je ne m’embête pas beaucoup sur le design 😀

Prochain projet similaire : une fiche résumé sur les lombalgies pour la salle d’attente, à partir des différentes recommandations / infographies sur le sujet…

(Pour ceux que ça intéresse, j’ai mis à jour mon vieux billet sur la spirométrie – le diaporama reste le même, il est plutôt clair finalement !).

Loading spinner