Chaque année en mars, j’entends ou lis sur Twitter cette phrase : « j’ai mon Certificat de Synthèse Clinique et Thérapeutique (CSCT), je peux donc officiellement prescrire \o/ Youpi tralala tsoin tsoin, vita e bella ».
Alors oui, c’est bien, bravo. Mais non, ça ne permet pas de prescrire. Rien. Même pas une pilule pour vous, ou du paracétamol pour votre petite-cousine. Vita e mocha.
Je vais tenter de faire succinct — ce qui, reconnaissons-le, n’est pas mon fort — parce que je suis aussi imperméable au droit qu’un canard à l’eau. Et peut-être que dans les commentaires, des gens qui ont vécu les années 80 sans couche-culottes pourront compléter mes propos (ou pas).
Je n’ai pas trouvé la date de début du CSCT… C’est trop vieux pour mon Internet. Toutefois, ça existait déjà dans les années 70…
Dans une question au Sénat en juillet 2004 (posée lors de l’instauration des Epreuves Classantes Nationales), on apprend que le CSCT était prévu dans la loi n° 72-661 du 13 juillet 1972 pour un plein exercice de la médecine en France pour des médecins titulaires d’un diplôme étranger. Il semblerait également qu’avoir le CSCT permettait de remplacer des médecins généralistes dans les années 70, mais je n’ai pas la source… Peut-être en parle-t-on dans le décret du 9 juillet 1984 sur l’organisation du 3ème cycle, mais il est inaccessible sur Legifrance.
On retrouve en 1988 puis en 1997 la notion du CSCT ; il était obligatoire pour passer en troisième cycle : impossible de se présenter au concours de l’internat sans l’avoir validé (sachant qu’à l’époque l’internat n’était pas obligatoire pour être médecin généraliste comme aujourd’hui). Dans ces deux articles, je vous invite à survoler l’article 12 qui explique que pour valider le deuxième cycle des études médicales, il faut avoir validé les enseignements obligatoires et facultatifs, les stages, les gardes, les séminaires, le CSCT et… un stage chez un médecin généraliste (obligatoire depuis 1988, pas fait partout — notamment à Lille où seulement 120 postes sont disponibles par an).
Depuis le 17 octobre 2000 (suivant l’arrêté du 10), le CSCT n’est plus obligatoire pour valider le deuxième cycle. Mais… mais… mais… ils ont inclus dans l’article 7 un nouveau paragraphe se référant à d’autres articles que j’inclue : « Les enseignements théoriques du DCEM comprennent des conférences, des enseignements dirigés et des séminaires. Leur volume horaire global ne doit pas être inférieur à 900 heures, ni supérieur à 1 000 heures (!!) L’enseignement du certificat de synthèse clinique et thérapeutique, organisé au cours de la dernière année du deuxième cycle (comportant, d’une part, des épreuves théoriques et, d’autre part, une épreuve d’examen clinique comptant pour au moins 20% de la note totale) doit représenter au moins 60 heures (…) Le CSCT doit faire l’objet d’une validation indépendante (…) Les objectifs pédagogiques spécifiques de ce certificat, la composition du jury, la nature, la cotation, la durée et les modalités des épreuves sont fixés par le ou les conseils de l’unité de formation et de recherche médicale et approuvés par le ou les présidents d’université. »
Donc le CSCT est l’examen du DCEM4 (comme les examens de fin d’autres années, comme le confirme le conseil de l’Ordre des médecins). A ce titre, il est logique qu’il soit obligatoire pour valider le deuxième cycle, même s’il a été supprimé de l’article 12. (Putain mais le droit, c’est pire que la physiologie rénale oO).
Mais alors qui peut prescrire ?
Le médecin thésé (dans les limites de ses compétences dit le code de santé publique)… et l’interne remplaçant ou en stage « par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève » (article L. 6153-3 du code de santé publique). C’est-à-dire que théoriquement, l’interne ne peut rien se prescrire pour lui, ni pour sa petite-cousine !
Et là je repompe honteusement la réponse d’un juriste, David Baranger, parce que c’est bien expliqué : « L’interne et le résident peuvent prescrire sans qu’il soit besoin d’une autorisation expresse du praticien dont ils relèvent. Ce dernier peut cependant restreindre ou retirer l’exercice de cette faculté par décision motivée (les FFI ne peuvent prescrire qu’en vertu d’une délégation expresse). Ce droit de prescription s’exerce exclusivement au sein de l’établissement d’affectation de l’interne. Il ne s’étend pas aux stages effectués hors de cet établissement (et visites pour le stage ambulatoire). »
Mais encore une fois : bravo pour le CSCT 😉
…
Vous voulez que je raconte le mien ? (Je vois @SkroZoC qui s’attendait à un blogpost un peu intéressant et se tape une liste d’articles de droits cités à l’arrache par un gars qui a moins de notions juridiques que lui…)
Ok. Le CSCT à Lille est une réussite depuis l’arrivée du nouveau Doyen, vraiment ! Il a modifié la partie théorique dès le début de son mandat (pile pour mon année) et chaque vendredi après-midi, au lieu d’aller en stage ou nulle part, nous avions 2 heures d’examens dans les conditions des ECN. Certains cas étaient nawak, mais dans l’ensemble c’était quand même une très bonne chose, et je pense que l’amélioration des résultats lillois — outre le hasard et d’autres facteurs — est due à cette rigueur dans les épreuves (hebdomadaires).
Pour la partie pratique, on se voit attribuer une date et un petit groupe de 4-5 étudiants. Le matin on va au secrétariat, on récupère un papier qui annonce le service où on sera évalué… Néphrologie au CHU, secteur de greffe rénale. Oups (mais bon, j’aurais pu être en dermato où pour le PUPH, faire passer le CSCT revient à se faire un deuxième Noël en hiver 😀 — « bah c’est un eczéma multifactoriel avec atopie et carence en zinc, c’est pourtant évident » (bande de moules)). Pour ma part, il n’y a rien eu d’extraordinaire : pas de patient muet (l’interrogatoire des patients qui sortent d’un AVC…) ou psychotique ou mythomane ou de jury pervers (voire pervers muet psychotique et mythomane). J’ai eu une bonne note, le PU de néphrologie a dit que j’avais bien compris le dossier dans sa complexité (une deuxième greffe rénal chez un patient qui a eu des effets indésirables oculaires sous immunosuppresseurs, entre autres). En réalité, ce n’est pas moi qui avais compris : c’était le patient (un ancien prof !). Sur la demie-heure qui nous est impartie, je l’ai interrogé pendant 27 minutes, et ai continué en l’examinant cliniquement les 3 dernières minutes : palpation des reins, couleur du pipi, pli cutané, auscultation, et voilà. Je ne sais plus qui disait ça, mais « les patients apportent leur diagnostic dans 75% des cas » 😉