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A propos du dossier médical partagé (DMP) en quelques threads

Ceci est le premier billet de blog lancé sur la toile après l’ère de Stan Lee. RIP.

La semaine dernière avait lieu la conférence du directeur de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de la Ministre de la Santé sur le dossier médical partagé. Je n’ai pas écouté la conférence, mais j’en ai lu quelques brides.
Il y a des annonces, c’est sûr. Par exemple celle-ci.

C’est hyper pratique en réalité, notamment pour un patient qu’on ne connait pas et qui a une connaissance partielle de son traitement (« euh, la pilule bleue et jaune du matin, puis le sachet là le midi »). Bon, c’est vrai que ça existe déjà dans nos logiciels, mais là en plus c’est PARTAGÉ avec le patient et surtout avec ceux qui ont des logiciels qui ne le permettaient pas… 

Obtenir l'historique des remboursements en deux clics

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Alors, bien sûr, si on avait la possibilité de redémarrer une partie du jeu « La France » à partir de zéro, comme on redémarre une partie de Mario, Zelda ou autre, eh bien oui, avoir des données de santé facilement partageables serait un gain de temps, d’argent, d’énergie, de ressources humaines, et de données disponibles pour la recherche absolument inestimable. Il y aurait des questionnements en matière d’éthique et de sécurité, mais globalement ça serait formidable. On aurait des gens qui seraient payés pour vérifier la qualité des données, et des soignants tellement nombreux sur le territoire qu’on pourrait prendre 30 minutes en consultation pour remplir des petits questionnaires validant les codages faits dans ces dossiers.

Sauf qu’a priori, le reboot n’est pas faisable, et il faut donc soit imposer le DMP, soit faire avec l’existant.

Imposer le DMP, ça n’est pas prévu, et tant mieux. (J’en profite pour mettre ce premier lien qui est un bon résumé du projet). 

Et l’existant, c’est quoi ?

1 – un DMP dans lequel on a mis pas mal d’argent (pour ne pas ressortir une autre expression) depuis 2004 et que, pour des raisons probablement liées au biais cognitif des coûts irrécupérables (voir ici la super vidéo de David Louapre), l’Etat ne parvient jamais à réformer complètement, donnant toujours l’impression d’un train de retard – avis personnel (thread 1, thread 2).

2 – tout un tas de logiciels en ville, en milieu hospitalier, en EHPAD, de qualité très variable (certains très bons, certains ayant obtenu une certification leur ayant permis d’être commercialisés en dépit du bon sens), qui n’arrivent pas à communiquer entre eux pour des raisons pratiques, légales ou stupides (thread 3, thread 4).

3 – aucun lien de communication entre les logiciels existants et le DMP, alors que la démographie médicale actuelle impose de faire des choix.

En gros, pour une consultation avec un vaccin au décours de celle-ci (ou un suivi du nourrisson, etc.), le médecin prend déjà le temps de remplir son dossier et son carnet de vaccination électronique, le carnet de vaccination papier (ou carnet de santé) du patient, une feuille de soins papier/électronique (pour que la CPAM rembourse le patient qui a cotisé à la CPAM pour être remboursé)… voire un dossier supplémentaire s’il est en visite en EHPAD (ce qui, avec le vieillissement de la population, va plutôt devenir de plus en plus fréquent).
S’il n’y a pas de lien de communication et si on doit dupliquer le remplissage de dossier sur un autre logiciel pour chaque consultation, personne ne le fera. Parce qu’on manque de médecins. Parce qu’on manque de temps médical (thread 5). Et le manque de temps médical est d’ailleurs bien connu par ceux qui « vendent » le DMP.

Ce tweet m’a agacé (que celui qui ne s’est jamais agacé tout seul devant un tweet me paie la première bière).

« On manque de temps médical » alors « le patient va ouvrir lui-même son DMP ».
Je… ? « On manque de boulangers » alors « le client va apporter lui-même sa farine à son boulanger ». A quel moment il faut trouver que c’est une super idée au juste ?
Au cas où ça ne serait pas clair : le problème est beaucoup moins l’ouverture que le remplissage du DMP.
Par contre, c’est vrai que si le patient a investi du temps et de l’énergie dans l’ouverture de son DMP, ce sera lui qui fera pression auprès des médecins pour remplir le DMP… Et la pression des patients ça marche pas si mal : c’est même pour ça que les deux mots les plus manuscrits par les médecins sont « NON SUBSTITUABLE ».
La prochaine étape devrait donc être une campagne d’envergure pour dire aux patients « ouvrez votre DMP : améliorez votre santé » (en plus ça rime). D’autant qu’il est prévu qu’il y aura 40 millions de dossiers ouverts sous 5 ans, je ne vois pas comment ils pourraient y parvenir sans des messages globaux incitatifs.

Le forcing, ça peut finir par payer… mais si on veut vraiment passer un jour au DMP (sans rebooter le jeu « la France »), il faudra probablement passer par une étape de prise en considération des problèmes existants. Allons-y pour une vision de la santé en 2018 autour de la thématique du DMP, avec les quelques threads annoncés plus haut (il faut cliquer sur le tweet et dérouler si ça vous intéresse). 

Thread 1 Sur l’aspect pratique du DMP :

Thread 2 Sur la sécurité du DMP :

Thread 3 Sur le partage des données à l’hôpital en 2018 :

Thread 4 Sur la qualité douteuse de certains logiciels en EHPAD en 2018 :

D’autres Twittos ont balancé d’autres noms de logiciels de grande « qualité ».

Thread 5 Sur la difficulté de l’Etat à capter que le problème de la santé, c’est qu’on manque de temps à cause notamment du creux du numerus clausus qui est de leur faute en fait, un peu, donc bon, voilà, hein (thread 6).

Bonus Thread 6 Sur le creux du numerus clausus

Au total, je vois 3 sorties actuellement pour le DMP tel qu’il a été pensé :

  • l’imposer à tout le monde, en supprimant les logiciels métiers. Ca n’est pas possible et ça n’est pas prévu actuellement.
  • l’abandonner malgré les 14 ans de développement et régler les problèmes qui continuent à pourrir la vie de tout le monde depuis ce temps. Il y en a quelques-uns cités dans les threads. Ca serait déjà un progrès…
  • le rendre capable de communiquer avec tous les logiciels de façon ultra simple ET efficace. 2 logiciels identiques dans 2 hôpitaux différents n’arrivent déjà pas à communiquer, donc c’est mal barré. Mais c’est vraiment la seule solution que je vois pour que ça fonctionne. Et quand ça fonctionnera, que ça sera simple, que ça sera archi sécurisé, alors ça sera utile pour tout le monde (patients, professionnels de santé, chercheurs…). Excelsior !

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Une semaine en médecine générale : résultats [2/2]

Ce billet fait suite à celui de ce matin qui justifiait cet « exercice »… (ça n’est pas grave si vous ne l’avez pas lu, vous comprendrez quand même).

Quelques mots sur mon activité avant de commencer…

Je suis installé en cabinet solo depuis début 2015, en milieu urbain plutôt défavorisé : 21 % de pauvreté en 2014 (35 % chez les moins de 30 ans), revenu médian à 16700€, 1200 chômeurs vs 6000 actifs de 15-64 ans. Je n’ai pas de secrétariat physique ou téléphonique (si vous voulez savoir pourquoi, je vous renvoie à la note ci-dessous… sinon, vous pouvez passer au paragraphe suivant).

Pourquoi je n’ai pas de secrétariat et que ça me convient bien…

Ca n’est pas le sujet mais je vais détailler parce que ça semble souvent un choix archaïque… Je prends tous les appels, ce qui me permet de les limiter et d’éviter les lapins, de pouvoir y répondre rapidement par habitude, de gérer et adapter mon planning au fur et à mesure (exercice assez difficile…) et d’anticiper mentalement les consultations.

Par ailleurs, ne pas avoir de secrétariat limite les dépenses récurrentes inévitables pour mon cabinet (celles qui tombent aussi quand on est en congés ou malade), et j’en reparlerai à la fin. De façon plus anecdotique, je ne suis pas fan qu’une plateforme puisse suivre les motifs de consultations ou les professionnels contactés (si on peut éviter que les patients aient des annonces ciblées sur des herbes magiques qui restaurent l’immunité, ça me va).

En contrepartie, j’ai à peu près autant d’appels que de consultations, soit 120 par semaine (certains n’appellent pas pour un RDV, mais au contraire j’ai des RDV qui sont déjà donnés à la fin d’une consultation sans nécessité d’appels)… A 30 secondes en moyenne l’appel pour un RDV, ça représente donc 1h hebdomadaire environ. Cette heure est distribuée à l’intérieur des consultations, avant le début de journée, ou pendant mes trajets de visites… C’est forcément pénible lorsqu’au cours d’une même consultation (ou d’un acte ou d’une annonce compliquée) il y a 3 appels qui s’enchaînent, mais dans ce cas, je peux refuser l’appel et rappeler entre 2 patients. Les autres désavantages sont de « ne pas créer de l’emploi » et la difficulté de dire non sans un filtre secrétariat (mais j’y vois une thérapie pour apprendre à refuser).

Bref, actuellement j’y trouve plus d’avantages que d’inconvénients.

Les limites de mon « relevé hebdomadaire d’activité » sont à bien garder en tête avant de lire les résultats ci-dessous : 

  • c’est MON activité de CETTE semaine du 19 au 23 février,
  • il s’agit de la semaine avant les vacances (zone B), donc il y a une suractivité (avant les départs, ou de la part de patients qui croient que moi je serai absent)… qui sera compensée par une sous-activité habituelle et bienvenue pendant les vacances,
  • je ne peux pas extrapoler cette activité pour dire que je fais 52 ECG dans l’année, 52 poses d’implants sous-cutanés… par exemple, j’ai fait beaucoup de visites cette semaine (c’est l’une des semaines où j’en ai fait le plus, mais c’est comme ça),
  • je peux encore moins extrapoler mon activité à celle de mes confrères et à leur patientèle,
  • j’ai codé les motifs de façon assez détendue ; ça n’était pas trop ce qui m’intéressait.

 

Ma semaine en résumé horaire : 

  • Lundi 8h45 – 18h30 (pause repas de 30 minutes à 13h45).
  • Mardi 8h45 – 19h (pause repas de 3h à 12h).
  • Jeudi 8h45 – 20h15 (pause repas de 1h30 à 13h)
  • Vendredi 8h45 – 19h (pause repas de 2h à 13h15). Pendant 2 créneaux de pause de 15 et 30 minutes, j’ai fait du ménage et du rangement.
  • soit 38 heures de consultation dans la semaine.
  • … ceci n’inclue pas ma comptabilité (non faite cette semaine, parce que j’avais cet article à rédiger… mais qui me prend en moyenne 1 heure normalement), l’activité universitaire de ce mercredi à Lille (3h le matin, mais aussi 2h de transport), quelques travaux universitaires en cours (soirs et week-ends), et les 1 à 2 heures que j’ai pu passer au téléphone dont je parlais plus haut (prise de RDV, mais aussi rappels de patients pour les INR, etc.)
  • pendant mes pauses repas du mardi et du vendredi, j’ai eu 45 minutes de trompette et de piano respectivement, et je rends régulièrement visite à ma famille (ma grand-mère notamment). Bref, une vie de famille et de loisir un peu.

Il est néanmoins difficile de quantifier précisément le temps consacré à la médecine dans la semaine. C’est ici le strict minimum « en consultation »… Rédiger ce billet est-il de la médecine ou du loisir ? Ecouter les Croissants ou un podcast de Guillaume Maurice ou de Jean-Christophe Piot entre 2 visites sont-ils de la médecine ou du loisir ? Tester mon spiromètre nouvellement acquis, est-ce une pause ?


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Qu’ai-je fait de tout ce temps ? 

  • 128 actes (contre 97 consultations par semaine en moyenne en janvier – comme je disais, sur-activité avant les vacances)
  • dont 40 visites (respectivement, 25, 17 et 17 les semaines précédentes…) ; en pratique, 24 déplacements (les 5 premières visites étaient dans la même EHPAD, et après c’est parfois 2-3 dans le même foyer)
  • et 88 consultations, soit 17 minutes 49 par patient en moyenne.

De façon anecdotique, comme je suis médecin agréé pour la fonction publique, j’ai eu 2 « expertises » pour des prolongations de congé longue maladie (consultations de 30 minutes environ, incluant la rédaction du rapport pendant la consultation).

Voici le détail dans un petit tableau que je commente ci-dessous.

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Je vois plus de 2 fois plus de femmes que d’hommes en consultation (en jetant un rapide coup d’oeil, c’est plutôt 65 % – 35 % d’habitude, mais c’est proche).

J’ai eu beaucoup de visites (un peu trop même), surtout pour des enfants et des « seniors ».
Sur 39 visites, 5 concernaient des patients en EHPAD et 5 des patients confinés au lit ; 5 étaient pour « confort familial » (compliqué de sortir avec 3 enfants malades) ; 16 n’avaient pas de moyens de transport permettant la consultation au cabinet ou se sentaient trop mal pour mettre le nez dehors… et 8 se sont ajoutés parce que « comme je venais pour le petit… » 😉

Parmi mes 17 ajouts, un seul a reçu un antibiotique (amoxicilline) pour une angine avec strepta test +. Je suis plutôt agréablement surpris : a priori, pas de prise en charge bâclée de ces ajouts.
Ces « ajouts » étaient aussi souvent pour des mini-motifs ; mes 6 « actes gratuits » concernaient notamment 4 ajouts (relire et expliquer les résultats de bilans biologiques ou radiographiques, lire une IDR, réévaluer une entorse…).

C’est assez difficile de dire ce qu’est un acte gratuit : j’ai compté ici des gens avec qui j’ai interagi physiquement pour un problème médical… et pas le courrier demandé par un tuteur, une ordonnance pour un vaccin par mail, l’ordonnance de vitamine D pour toute la famille, les 20 minutes passées un soir au téléphone avec la petite-fille d’une patiente dépressive, l’impression d’une ordonnance perdue ou ce genre de choses (en novembre dernier, j’avais compté tous ces petits gestes/actes et j’étais à 9 pour 25 consultations…)

J’ai eu 1 lapin seulement (c’est assez habituel, j’en ai entre 0 et 3 par semaine)… et je m’en étais douté, puisque le RDV avait été pris de façon inhabituelle par un autre membre de la famille. Le « lapin » en question m’a rappelé pour faire le point par téléphone, ça a duré 5 minutes. Télémédecine gratuite bien sûr, mais que je pense plutôt efficiente pour tout le monde (la patiente, mon planning, la société).

Dans les anecdotes, une patiente m’a demandé en fin de journée du CEBUTID (anti-inflammatoire), et en creusant, c’était surtout pour une amie que je ne suis pas, qui est apparemment diabétique, dont je ne connais rien et qui en prendrait déjà. Bref, à sa demande insistante, j’aurais peut-être pu « céder »… mais ça n’a pas été le cas, je me dis que mon « relevé » sur Excel de cette semaine a pu m’aider à le refuser (je n’avais pas envie d’écrire « là j’ai donné des AINS pour dépanner quelqu’un que je ne connais pas… »). C’est le seul effet « positif » à mon sens de ce relevé, qui ne m’a pas influencé à mon sens pour sous-prescrire ou sur-prescrire des médicaments, des arrêts, des bilans…

Concernant les motifs, j’ai une moyenne de 1,5 motifs par consultation, mais ce chiffre est difficile à déterminer… J’ai compté de façon basse (je n’ai pas compté les prescriptions de vitamine D, de vaccins, les actions de prévention « rapides » et les conseils minimaux sur le tabac ou l’alcool, l’ouverture d’un dossier et la déclaration médecin traitant, le certificat en plus à la fin, l’avis sur un résultat de prise de sang de la fille, etc.) A la louche, 50 % des problèmes étaient des troubles digestifs (gastroentérites, ballonnement, constipation…) et des rhumes. Le reste touchait des situations plus chroniques, avec notamment 20 % pour des troubles musculosquelettiques et à peu près autant pour des problèmes psychiatriques ou neurologiques (ou les deux).
Pour détailler un peu, voici une liste à la Prévert : conjonctivite, otite, angine, laryngite, GEA, lumbago, SADAM, oedèmes diffus, incontinence urinaire, pancréatite médicamenteuse, arthrose costosternoclaviculaire, exacerbation d’asthme ou de BPCO, syndromes grippaux, mycose vaginale, intertrigos, cystite, cystite à répétition, RGO du nourrisson, suivi de dyspraxie, anxiété, dépression, pneumonie, pose d’implant, mycose linguale, chutes, entorse de doigt, entorse de cheville, alcoolisme, toxicomanie, tendinopathies, retrait de fils, hypokaliémie post-diarrhée, effet blouse blanche et fausse HTA…
J’ai été appelé en urgence le vendredi pour relever une patiente que j’avais vu pour la première fois le lundi (pas de causalité dans la chute, je n’ai pas changé de traitement, arrêtez de me juger ! ^^).
Et bien sûr, il y a des cumuls ; ma consultation gagnante de la semaine à ce jeu m’a demandé de « réévaluer les vaccinations sur les carnets de 3 enfants, déterminer la prise en charge d’un ongle incarné sur photographie, prescrire de la vitamine D, donner un avis sur un bilan immunologique vieux de 4 ans, prescrire un bilan, rappeler les risques mortels du tétanos, m’intéresser au suivi addictologique, confirmer une contracture musculaire, prendre la tension artérielle et renouveler une ordonnance ». C’est donc assez difficile à coder et ça n’était pas mon but cette semaine ; j’essaierai de refaire ça à l’occasion.

Parmi les 28 renouvellements, seulement 4 n’avaient que ce motif ! Tous les autres avaient « un petit rhume », « un document à remplir »…

A côté de ça, j’ai fait quelques « gestes » (au sens large)… Une automesure d’HTA découverte mardi (qui se trouvait être un effet blouse blanche), un ECG pour hypokaliémie < 3 mmol/l, une pose d’implant microprogestatif, une IDR à la tuberculine devant une fièvre chronique, une injection de ceftriaxone le mardi soir à 19h, des strepta-tests bien sûr, 2 vaccins, un retrait de surjet et un nettoyage de conduits auditifs avec une poire (en n’inondant que 5 % de mon espace de travail).
Rien d’exceptionnel sauf peut-être la pose d’implants qui m’arrive plutôt 5 à 10 fois par an qu’une fois par semaine (c’est contextuel, avec une forte présence des gynécologues dans le coin).

Parmi mes 12 réévaluations de virose (9 % des consultations), 2 ont nécessité une prescription d’antibiotique car il s’agissait d’une vraie complication (2 otites moyennes aiguës d’ailleurs). Les autres ont eu un renouvellement des consignes, et éventuellement un autre sirop…

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Je suis peut-être hydrothérapeute en fait.

Puisqu’on parle d’antibiotiques : 11 ont été prescrits sur la semaine et EVIDEMMENT comme je faisais un relevé, il a fallu que ça soit la première semaine depuis mon installation où j’ai mis 2 fois des C3G… ^^ J’ai mis :

  • 5 fois de l’amoxicilline (3 angines à Strepta test +, 1 otites moyennes aiguës, 1 sinusite maxillaire aiguë d’allure bactérienne),
  • 1 fois de la doxycycline (rosacée papulopustuleuse importante avec échec du traitement local),
  • 2 fois de la fosfomycine (cystite),
  • 1 fois de la ceftriaxone (pneumonie aiguë probable chez une patiente incapable de prendre des médicaments par voie orale ou à l’IV difficile),
  • 1 fois de la céfuroxime-axétil (otite moyenne aiguë chez une patiente qui a fait un rash et prurit diffus sous amoxicilline pour sinusite il y a quelques mois),
  • 1 fois de l’azithromycine (clinique d’angine persistante avec difficultés alimentaires chez une fille de moins de 10 ans, avec streptatest + à 1 semaine après la fin d’un traitement par amoxicilline pour scarlatine… j’ai fait un peu le poirier sur la frontière ténue entre l’EBM et le WTF avant de me laisser tenter par une deuxième antibiothérapie en traitement court… a posteriori, je pense que ça n’était pas une idée très lumineuse – il n’y a pas de résistances des Streptocoque de groupe A à l’amoxicilline).

C’est aussi une belle illustration de ce que je disais dans le billet sur la ROSP : je n’ai mis « que » 5/11 de l’amoxicilline et 2/11 des C3G (18 %, énorme !). Si je mettais de l’amoxicilline à toutes mes rhino-pharyngites, j’aurais 35 fois de l’amoxicilline, et donc 5 % de prescription de C3G.

Oh et j’ai mis une fois des corticoïdes pendant 1 jour sur une laryngite aussi (discutable parce que ça n’est pas une chanteuse, mais bon…).

 

Enfin, quelques informations intéressantes dans la section administratif…

Je n’ai fait que 5 courriers à des confrères cette semaine… dont 2 seulement sont vraiment utiles :

  • pour un urologue contacté par téléphone pour faire hospitaliser directement un patient dans son service le lendemain. Il s’agissait d’un retour post-hospitalisation (courrier de politesse)
  • pour un ORL, pour une audiométrie (courrier de politesse)
  • pour un orthopédiste, pour un suivi (courrier de politesse)
  • pour un pneumologue, pour une recherche de syndrome d’apnées du sommeil (qu’on pourrait faire en ville avec le Nox-T3 dont m’a justement parlé @DrJohnFa mercredi – ça a l’air chouette !)
  • pour un orthopédiste, pour un pouce à ressaut après échec d’infiltration.

J’ai fait 5 demandes d’imagerie et aucune n’est due au fait que je n’ai pas récupéré un ancien document hospitalier (mes dossiers sont normalement assez à jour, je consacre assez de temps devant mon scanner pour ça) :

  • radiographie d’épaule (omarthrose, conflit sous-acromial),
  • radiographie de mains (polyarthrite débutante ?),
  • radiographie de sternum (arthrose sternocostoclaviculaire ou diagnostic différentiel ?),
  • échographie thyroïdienne (suivi de goitre multihétéronodulaire)
  • scanner thoraco-abdominal (suivi d’une hernie hiatale a priori recommandé par le gastroentérologue selon la patiente – je n’étais pas trop persuadé de l’indication, mais la patiente m’a convaincu en disant que sa dyspnée augmentait).

Enfin, j’ai fait 9 arrêts de travail, de 2 à 30 jours.

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Trois de mes plus gros arrêts (30, 9 et 5 jours) sont en lien avec le travail : poste inadapté à un patient ayant des allergies sévères à celui-ci (arrêt « chronicité », en attente d’une invalidité…), épuisement professionnel avec score MBI au plafond et harcèlement moral pour les 2 autres patients. Les 6 autres arrêts vont de 2 à 6 jours pour 2 gastro-entérites aiguës (une a eu 3 + 2 jours en fait) et 3 syndromes grippaux.

A côté de ça, j’ai proposé un arrêt de travail qui a été refusé dans les situations suivantes :

  • exacerbation d’asthme ; ne veut pas arrêter car l’a été longuement l’an dernier pour un problème similaire d’allergies au poste de travail,
  • insuffisance rénale aiguë : a travaillé quand même, puisqu’il serait en arrêt les jours suivant en hospitalisation,
  • gastroentérite aiguë : ne peut pas s’arrêter mais va se débrouiller,
  • pouce à ressaut douloureux : ne veut pas s’arrêter même si c’est clairement déclenché par le travail manuel,
  • enfant malade : va faire garder l’enfant par les grands-parents le matin et son mari va se débrouiller pour être là en début d’après-midi,
  • entorse de cheville avec boiterie chronique : ne peut pas être en arrêt parce qu’elle a déjà perdu un mi-temps à cause de sa boiterie ; ne veut pas mettre d’attelle au travail non plus.

Le jour où les lois protègeront encore mieux les employés, et où ceux-ci n’auront plus « peur » d’être en arrêt maladie, auront une moins grosse perte de salaire, il y aura plus d’arrêt… et ça ne sera pas forcément de l’abus, mais surtout un juste rattrapage d’arrêts parfaitement justifiables.

Enfin, ça n’est pas le sujet, mais j’anticipe l’éventuelle question de la rémunération : je suis censé toucher 3586,61€ en super-brut pour cette semaine (en pratique 791€ déjà payés, le reste est dû par les différentes caisses). C’est la recette avant toute cotisation sociale ou de retraite (environ 40 % des recettes), ce qui correspondra environ à 2000€ nets pour cette semaine (mais pour tempérer il s’agit d’une de mes plus grosses semaines de l’année, je maîtrise très bien mes frais, et je n’ai pas de congés payés).

 

Donc… TL;DR comme on dit… Par rapport au billet de ce matin (oui, finalement j’ai fini celui-ci plus tôt, je vais poster ça ce soir) : 

  • A quoi ressemble mon activité dans la semaine ? 128 actes, trop de visites cette fois (30 %), quelques gestes sympathiques, des motifs variés (la moitié de virose, 9 % d’antibiotiques), 22 % de renouvellement d’ordonnance mais en pratique seulement 3 % de consultations uniquement pour un renouvellement…
  • Combien de patients ai-je laissé en souffrance à cause d’un dîner ? Zéro, je n’ai refusé personne, et tous mes rendez-vous ont été donné à la journée. Je suis même allé injecté du ceftriaxone un soir ou relever une patiente au sol un début d’après-midi. Je ne sais pas comment on intègrera ça aux futurs « parcours de soins ».
  • Est-ce que j’ai « tant » d’arrêts de travail, à quoi sont-ils dus et combien ai-je de patients qui les refusent en contrepartie ? 9 arrêts de travail dont 3 dû au travail inadapté, 6 à des viroses… et a contrario, 12 patients avec virose sans arrêt de travail, et 6 qui ont refusé un arrêt qui leur était proposé pour de bonnes raisons.
  • Aurais-je le temps de remplir le DMP en plus… ou est-ce que j’ai déjà assez à faire en matière d’administratif ? Ahahahahaha ! Non, c’est bon, merci.
  • Combien de bilans biologiques ou d’imageries demandées ? Existaient-elles avant à l’hôpital ? 16 bilans (13 %) et 5 imageries (4 %). Aucune n’existait auparavant à l’hôpital. A noter aussi qu’il y a une petite surévaluation parce que j’essaie de faire les « bilans annuels » (HTA, diabète) en début d’année.
  • Combien de patients adressés à des confrères ? 5 courriers dont 3 pour un suivi qui n’en nécessitaient pas (mais faits par politesse) et 2 utiles. Zéro dans un parcours de soin.
  • Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire des économies de santé sur d’autres points ? Peut-être… peut-être que si on partait du principe qu’on ne travaille pas en ville comme on travaille dans un hôpital, on pourrait s’intéresser à certaines dépenses. Malgré mes informations (« éducation » comme on dit), j’ai quand même eu 9 % des consultations de la semaine qui étaient dédiées à une réévaluation de virose. Si on informait clairement tout le monde, une fois pour toute, sur une belle pub diffusée partout, qu’une bronchite c’est viral et que la toux ça dure 14 jours, que c’est pénible mais qu’il n’existe pas de remède miracle pour couper la toux… peut-être qu’on gagnerait du temps et de l’argent.
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Une semaine en médecine générale : motivations [1/2]

Souvent, nous avons un avis sur les métiers que nous n’exerçons pas.

Nous avons une vision qui est déformée par la culture (l’informaticien en sweat à capuche qui code à côté d’un mug de café) ou par nos expériences d’utilisateur (le prof des écoles qui a des vacances comme nous en avions en tant qu’élèves).

Avant que ça soit mon métier, jusqu’en 7ème année d’études (24 ans), je n’avais jamais connu que le versant « basique » de la médecine générale (rhino-pharyngite, gastroentérite, angine, otite, bronchite, eczéma, varicelle et vaccins). C’est normal alors d’avoir du mal à imaginer une autre activité et de « penser connaître » comment les généralistes exercent.

Le problème, c’est quand les gens finissent par se persuader que leur « penser connaître » est la réalité. Surtout quand ce sont des gens qui décident comment doit être la médecine générale en fait.  

Cette semaine, nous avons eu plusieurs articles concernant de près ou de loin la médecine générale :

  • la CPAM relève que les arrêts de travail augmentent au fil des ans (+ 8 % d’indemnités journalières en janvier 2018 par rapport à janvier 2017). Plusieurs possibilités : A. le chômage recule ; B. la population augmente et/ou vieillit ; C. les gens sont davantage malades ; D. les conditions (physiques ou psychologiques) de travail évoluent défavorablement ; E. les gens prennent davantage les arrêts de travail qui leur sont dû quand ils sont malades… ou E. les médecins se sont dit « tiens, si on était sympa sur les arrêts de travail, rien que pour faire plaisir à nos patients parce que dis donc, on manque de boulot, il ne faudrait pas les perdre ? »
  • En caméra caché, France 2 a donc vérifié le 21 février qu’il est possible d’avoir des arrêts maladies à tord en disant à un médecin qu’on est malade… (Dans une prochaine caméra caché audacieuse, ils montreront qu’il est possible d’être mis en garde à vue à tord en disant à un policier qu’on a commis un crime).
  • Dans la catégorie des injonctions paradoxales, la ministre de la santé a très bien expliqué qu’il y avait une pénurie de médecins partout… mais incite quand même à l’utilisation du dossier médical partagé. J’ai testé vite fait cet outil en décembre, parce qu’il faut goûter avant de dire qu’on n’aime pas, et parce qu’ouvrir un dossier (le mien en l’occurrence) c’était un moyen d’avoir quelques centaines d’euros de la rémunération sur objectifs de santé publique (d’où les fameux « 1 million de dossiers ouverts » sans doute). Mon constat est simple : ça demande trop de temps pour être rempli en même temps que notre dossier (+ le carnet de santé / le dossier papier d’EHPAD…), qui lui doit FORCÉMENT être rempli parce qu’il est relié à nos logiciels de télétransmission de feuilles de soins ou de comptabilité (encore une injonction paradoxale : télétransmettez mais utilisez notre outil qui n’est pas capable de le faire). Par ailleurs, le DMP n’est pas assez ergonomique pour que nous décidions tous (en ville ou à l’hôpital) de quitter nos logiciels pour nous y mettre. Le seul espoir du DMP à mon sens, c’est que les données de nos logiciels puissent s’y uploader de façon plus ou moins automatique.
  • Un des arguments pour le DMP selon notre ministre c’est que « beaucoup d’actes sont refaits entre la ville et l’hôpital parce que le médecin de ville ne récupère pas la radio, le scanner ». Donc, les médecins généralistes demanderaient trop d’examens inutiles, tandis que les hospitaliers ne répèteraient pas les examens faits en ville pour lesquels / avec lesquels les patients leur sont adressés en « deuxième ligne » ?
  • Il faut quitter la tarification à l’acte pour aller vers une tarification à la qualité et au parcours de soins pour les pathologies chroniques (mais garder la tarification à l’acte pour les pathologies aiguës). C’est comme si nous passions notre temps à « orienter » les patients ayant une pathologie chronique, en bons « partenaires de démocratie sanitaire » obsédés par des « parcours »… sans jamais pouvoir gérer seul un patient ayant un asthme ou un diabète bien équilibré. Or, on en a parlé dans l’article sur la ROSP : si un patient a une ALD diabète pour 2 GAJ > 1,26 mais qu’il est finalement contrôlé par un régime seul, mettre en place ces parcours de soins, c’est inciter à une surconsommation chez l’ophtalmo (en pénurie), le cardiologue…
  • Et sans compter une utilisatrice de Twitter qui a une vision sacerdotale d’une médecine à l’ancienne où il faut travailler jour et nuit, 60 heures par semaine, sans vie de famille parce qu’on « ne peut pas laisser souffrir nos patients pour un dîner, un bridge ou des courses à faire ».

Bref, j’avais l’impression que les « problèmes » soulevés n’en étaient pas et n’étaient dus qu’à une vision de « penser connaître ».

Mais peut-être que j’ai tout faux. Alors, je me suis dit lundi que j’allais regarder de près « mon » activité…

A quoi ressemble mon activité dans la semaine ? (si je devais la présenter à mon moi d’il y a 7 ans maintenant…)

Est-ce que j’ai « tant » d’arrêts de travail, à quoi sont-ils dus et combien ai-je de patients qui les refusent en contrepartie ?

Aurais-je le temps de remplir le DMP en plus… ou est-ce que j’ai déjà assez à faire en matière d’administratif ?

Combien de bilans biologiques ou d’imageries demandées ? Existaient-elles avant à l’hôpital ? 

Combien de patients adressés à des confrères ?

Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de faire des économies de santé sur d’autres points ? 

Combien de patients ai-je laissé en souffrance à cause d’un dîner ? 

 

… toutes ces questions trouveront leurs réponses dans le billet de demain ! 

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