L’arrêté du 21 avril 2017 définit les nouvelles maquettes de DES, les connaissances et compétences attendues des étudiants en fin de cursus de médecine. Je l’ai lu récemment en préparation d’une réunion, et j’en ai tiré quelques points. C’est un peu barbant peut-être, j’ai écrit des billets plus rigolos si vous cherchez bien.
1 – Beaucoup de DESC sont devenus des DES.
Ca n’est pas une surprise, et nos confrères de demain seront donc titulaires des diplômes suivants (désolé pour la liste, vous pouvez passer si vous connaissez déjà). Quand c’est pénible, je mets en italique :
- Diplômes d’études spécialisées de la discipline chirurgicale :
- Chirurgie maxillo-faciale
- Chirurgie orale ;
- Chirurgie orthopédique et traumatologique ;
- Chirurgie pédiatrique ;
- Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ;
- Chirurgie thoracique et cardiovasculaire ;
- Chirurgie vasculaire ;
- Chirurgie viscérale et digestive ;
- Gynécologie obstétrique ;
- Neurochirurgie ;
- Ophtalmologie ;
- Oto-rhino-laryngologie – chirurgie cervico-faciale ;
- Diplômes d’études spécialisées de la discipline médicale :
- Allergologie (co-DES) ;
- Anatomie et cytologie pathologiques ;
- Anesthésie-réanimation (co-DES) ;
- Dermatologie et vénéréologie ;
- Endocrinologie-diabétologie-nutrition ;
- Génétique médicale ;
- Gériatrie ;
- Gynécologie médicale ;
- Hématologie ;
- Hépato-gastro-entérologie ;
- Maladies infectieuses et tropicales (co-DES) ;
- Médecine cardiovasculaire (co-DES) ;
- Médecine d’urgence ;
- Médecine et Santé au travail ;
- Médecine générale ;
- Médecine intensive-réanimation (co-DES) ;
- Médecine interne et immunologie clinique (co-DES) ;
- Médecine légale et expertises médicales ;
- Médecine nucléaire ;
- Médecine physique et de réadaptation ;
- Médecine vasculaire (co-DES) ;
- Néphrologie ;
- Neurologie ;
- Oncologie ;
- Pédiatrie ;
- Pneumologie ;
- Psychiatrie ;
- Radiologie et imagerie médicale ;
- Rhumatologie ;
- Santé publique.
- Diplôme d’études spécialisées de la discipline biologique
- Biologie médicale.
2 – Des surspécialisations restent possibles, avec des restrictions un peu curieuses. Ces « surspécialités » ajoutent un an de formation si les étudiants sont inscrits dans un DES de moins de 4 ans (3 ans pour la médecine générale).
Là encore, ça va être longuet alors je mets en italique, juste pour les passionnés… Les étudiants peuvent être autorisés à suivre :
- une option (intra-spécialité – aucune en médecine générale) :
- DES de chirurgie pédiatrique (options précoces) : Chirurgie viscérale pédiatrique ; Orthopédie pédiatrique
- DES chirurgie viscérale et digestive : Endoscopie chirurgicale
- DES neurochirurgie : Neurochirurgie pédiatrique
- DES ophtalmologie : Chirurgie ophtalmopédiatrique et strabologique
- DES oto-rhino-laryngologie – chirurgie cervico-faciale : Audiophonologie (audiologie et phoniatrie)
- Co-DES anesthésie-réanimation/médecine intensive-réanimation : Réanimation pédiatrique
- DES hépato-gastro-entérologie : Endoscopie de niveau 2 ; Proctologie.
- DES médecine cardio-vasculaire : Cardiologie interventionnelle de l’adulte ; Rythmologie interventionnelle et stimulation cardiaque ; Imagerie cardiovasculaire d’expertise.
- DES d’oncologie (options précoces) : Oncologie médicale ; Oncologie radiothérapie.
- DES pédiatrie : Néonatologie ; Réanimation pédiatrique ; Neuropédiatrie ; Pneumopédiatrie.
- DES psychiatrie : Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent ; Psychiatrie de la personne âgée.
- DES radiologie et imagerie médicale : Radiologie interventionnelle avancée.
- DES santé publique : Administration de la santé.
- DES de biologie médicale (options précoces) : Biologie générale ; Médecine moléculaire, génétique et pharmacologie ; Hématologie et immunologie ; Agents infectieux ; Biologie de la reproduction.
- Ou une formation spécialisée transversale (inter-spécialité, qui peuvent « théoriquement » être suivies par tous les DES, mais de façon indicative, certains DES les ont limités, comme en médecine générale…) :
- Addictologie (ok médecine générale)
- Bio-informatique médicale ;
- Cancérologie ;
- Cardiologie pédiatrique et congénitale ;
- Chirurgie de la main ;
- Chirurgie en situation de guerre ou de catastrophe ;
- Chirurgie orbito-palpébro-lacrymale ;
- Douleur (ok médecine générale)
- Expertise médicale-préjudice corporel (ok médecine générale)
- Foetopathologie ;
- Génétique et médecine moléculaire bioclinique ;
- Hématologie bioclinique ;
- Hygiène-prévention de l’infection, résistances, vigilances ;
- Maladies allergiques ;
- Médecine scolaire (ok médecine générale)
- Médecine et biologie de la reproduction-andrologie ;
- Médecine du sport (ok médecine générale)
- Nutrition appliquée ;
- Pharmacologie médicale/thérapeutique ;
- Soins palliatifs (ok médecine générale)
- Sommeil ;
- Thérapie cellulaire ;
- Urgences pédiatriques.
On notera donc qu’un généraliste n’aura pas le droit de s’inscrire (sauf dérogation ?) en bio-informatique médicale, vigilances, maladies allergiques, médecine de la reproduction, nutrition appliquée, pharmacologie, sommeil.
Je trouve cette restriction particulièrement dommage, alors qu’il était plus simple de laisser tout ouvert simplement ; les restrictions se seraient faites au niveau local, selon les projets proposés… Bien sûr que la foetopathologie ne nous concerne pas, mais sommeil, franchement… quel mal à avoir un généraliste spécialiste du sommeil ? (Je connais la réponse : c’est un généraliste qui ne fera pas de la médecine générale en ville, ce qui est démographiquement dommage… sauf que la recherche et l’éducation, c’est bien aussi, et on pourrait aussi se donner les moyens de miser dessus pour réduire le nombre d’hypnotiques et donc le nombre de consultations).
3 – L’arrêté définit les objectifs de la formation, de façon globale puis DES après DES.
Commençons par ce que tout médecin doit savoir faire !
- Compétences et connaissances communes de la phase socle pour les spécialités médicales et chirurgicales – hors biologie médicale donc (art. 2 à 4 – à noter que ça s’adresse aussi aux spécialités moins « somatiques » telles que psychiatres, médecins de santé publique, médecins nucléaires, radiologues, etc.) :
- Recueillir des informations
- Analyser, poser un diagnostic (en prenant en charge dans la globalité et avec les données épidémiologiques)
- Intégrer les aspects psychosociaux, culturels et spirituels, environnementaux, les handicaps
- Prescrire et interpréter des examens complémentaires
- Prescrire un traitement adapté
- Pratiquer l’éducation thérapeutique adaptée
- Organiser la sortie d’un patient, rédiger un compte-rendu et savoir coder (!)
- Gérer les principales urgences médicales simples
- Politiques de santé publique : hygiène, vaccination, éducation à la santé sexuelle
- Identifier les risques sur le parcours de soins / déclarer un événement indésirable
- Gérer son stress, connaître ses limites, gérer le secret médical
- Effectuer une recherche documentaire, une lecture critique d’articles
- Connaître les principes du numérique en santé
- Compétences et connaissances spécifiques de la phase d’approfondissement :
- Diagnostiquer les pathologies courantes de la spécialité
- Assurer la prise en charge à l’aide d’arbres diagnostics
- Maîtriser les dispositifs médicaux spécifiques
- Pratiquer les actes les plus courants
- S’assurer de la compréhension de l’information transmise
- Effectuer le tri en cas d’afflux massif de malades ou blessés
- Participer à la gestion des situations sanitaires exceptionnelles (esprit attentat)
- Information un patient sur un protocole de recherche
- Evaluer les méthodologies et critiquer les conclusions d’essais cliniques
- Participer à la rédaction d’un protocole de recherche (!!)
- Présenter les résultats d’un travail de recherche, participer à la rédaction d’un article
- Produire, mettre en partage ou échanger des données de santé par mail dans le respect du cadre juridique (!!!)
- Connaître le cadre médico-légal et médico-social
- Connaître différents types d’exercice : ambulatoire, hospitalisation à domicile (ouverture de postes ?)
- Connaître les principes de la sécurité des soins et les vigilances
- Compétences et connaissances de la phase de consolidation (n’existe pas en médecine générale, tant que nous ne sommes pas passés à 4 ans… je ne relance pas après le billet précédent, mais en l’état ce texte est déjà clairement prévu pour un DES en 4 ans)
- Maîtriser l’ensemble des connaissances nécessaires à l’exercice (hors maladies rares),
- Connaître le coût des ressources, le rôle d’une CME, de l’ARS et de la HAS (!)
- Maîtriser l’organisation et la réglementation de l’exercice professionnel (un peu important en MG)
- Participer au travail en équipe pluridisciplinaire
- Assurer les gardes, gérer les contraintes de temps (un peu important en MG)
- Proposer une médecine personnalisée (?)
- Prévenir les risques
- Maîtriser le management d’équipe et/ou la gestion d’un cabinet libéral (tranquille en MG sur 3 ans du coup ?)
- Maîtriser les tarifications, les principes de l’assurance individuelle, de la médecine agréée et de l’assurance maladie (c’est tellement cool qu’on n’ait pas à savoir ça en médecine générale…)
- Déclarer un événement porteur de risque (l’obsession des lanceurs d’alerte…)
- Etre capable de participer à l’accompagnement d’étudiants en deuxième cycle
- S’impliquer dans les activités académiques : formuler une question, identifier les objectifs, analyser les résultats
4 – De façon spécifique, en médecine générale, les objectifs généraux de la formation en médecine générale sont les 6 compétences suivantes :
- Premier recours, urgence
- Relation, communication, approche centrée patient
- Approche globale, prise en compte de la complexité
- Education, prévention, santé individuelle et communautaire
- Continuité, suivi, coordination des soins autour du patient
- Professionnalisme
Notons qu’elles sont déjà citées pour toutes les spécialités dans les objectifs généraux de l’arrêté, à l’exception du terme de « complexité » (mais on parle d’approche globale partout), et de la coordination des soins avec continuité et suivi (il y a l’organisation d’une sortie hospitalière, savoir passer la main, etc.).
Pour les « connaissances », le DES de médecine générale renvoie également à l’arrêté, là où tous les autres DES détaillent (choix d’un 3ème cycle par apprentissage par compétences et « rejetant » les enseignements et connaissances, considérées comme déjà acquises au 2ème cycle). Je trouve ça problématique si on veut maintenir l’idée que la médecine générale est une spécialité comme les autres ; parce que dire « les connaissances sont celles communes à toutes les autres », ça revient à penser la médecine générale comme avant 2004. Il faudrait peut-être envisager un programme « officiel » de connaissances à avoir à la sortie du DES de médecine générale.
Il y a bien les 11 familles de situations, mais proposés comme ça dans l’arrêté, ça n’en fait pas un « programme » :
- situations autour de patients souffrant de pathologies chroniques, polymorbidité à forte prévalence
- situations liées à des problèmes aigus/non programmées/fréquents/exemplaires
- situations liées à des problèmes aigus/non programmées/dans le cadre des urgences réelles ou ressenties
- situations autour des problèmes de santé concernant les spécificités de l’enfant et l’adolescent
- situations autour de la sexualité et de la génitalité
- situations autour de problèmes liés à l’histoire familiale et à la vie de couple
- situations de problèmes de santé et/ou de souffrance liés au travail
- situations dont les aspects légaux, déontologiques et/ou juridiques sont au premier plan
- situations avec des patients difficiles et/ou exigeants
- situations où les problèmes sociaux sont au premier plan
- situations avec des patients d’une autre culture
5 – Pour arriver à ces objectifs de formation, il faut un enseignement derrière…
- Formation / enseignement :
- Pour tous les DES, « l’utilisation de méthodes pédagogiques innovantes dans le cadre d’une approche par compétences et adaptées aux caractéristiques des étudiants est encouragée. Sont notamment privilégiées » :
- Enseignement à distance asynchrone utilisant des modalités différées d’apprentissage, d’évaluation et d’échanges d’informations (c’est-à-dire des MOOC avec forums)
- Classe inversée
- Simulation en santé
- Apprentissage en contexte réel avec débriefing et rétroaction
- GEP et confrontation-débat
- Mais la médecine générale a sa propre vision de la pédagogie et propose « en application de (ce que j’ai dit ci-dessus) :
- travaux d’écriture clinique
- groupes d’échanges de pratique (GEP)
- méthodes dérivant des apprentissages par résolution de problèmes (ARP)
- groupes de formation à la relation thérapeutique (Balint)
- groupes de tutorat centrés sur les familles de situations définies pour la spécialité
- ateliers de gestes pratiques y compris avec des techniques de simulation
- Pour tous les DES, « l’utilisation de méthodes pédagogiques innovantes dans le cadre d’une approche par compétences et adaptées aux caractéristiques des étudiants est encouragée. Sont notamment privilégiées » :
- Formation / stages agréés dans un CHU ou une structure liée par convention avec au moins un personnel médical et scientifique (art. 1 du 24/2/1984)
Donc notons que « l’innovation est encouragée (…) notamment privilégiée » : toute méthode pédagogique est valable. Les MOOC sont aussi encouragés (et c’est une bonne chose quand on voit le temps d’enseignement à prévoir…).
Sauf que les généralistes ont décidé de se tirer une balle dans le pied en supprimant la ligne « Enseignement à distance asynchrone (…) »
6 – Une balle dans le pied… parce que l’enseignement est plus long qu’avant !
- 2 demi-journées d’enseignement par semaine : une en supervision (à l’heure actuelle en médecine générale, c’est 20-25 demi-journées par an en moyenne, il faut donc à peu près doubler ce nombre) et une en autonomie, pendant chaque semestre .
- 6 stages en médecine générale pour l’instant (un par semestre) : 1 stage en médecine ambulatoire + un stage en médecine d’urgence + un stage en médecine polyvalente (inversion possible si les places manquent, avec un décalage de l’urgence en 2ème année) + un stage sur le suivi de la femme + un stage sur le suivi de l’enfant (les deux pouvant être cumulables) + un stage en autonomie en médecine ambulatoire.
Alors bien sûr, on peut dire qu’un staff au CHR compte comme la demi-journée de formation en supervision, ou que la formation se fait au lit du malade (« apprentissage en contexte réel et rétroaction… ») ; et puis au CHR, c’est un peu plus évident de rassembler beaucoup d’étudiants pour un topo fait par le PU référent de l’enseignement X ou Y. Ca se passe déjà comme ça, avec des enseignements qui vont sans doute rester, et ça ne changera pas tant que ça.
Mais pour la médecine générale, une spécialité hors CHR la plupart du temps, où on a décidé de supprimer tout enseignement pour favoriser les groupes (échanges de pratiques, Balint) et les écritures (impossible en supervision), il risque d’y avoir un manque de main d’oeuvre… .
7 – Enfin, il y a des évaluations périodiques à la fin de la phase socle et de la phase intermédiaire
Pour la médecine générale :
- Présence en stage et en cours, validation de la production personnelle de l’étudiant
- Evaluation du portfolio et argumentation orale des travaux personnels du portfolio
Il y a donc désormais un mémoire de DES devant un jury, à présenter 2 à 3 fois pendant le cursus. Sachant que les thèses doivent désormais être dans la spécialité (arrêté du 12 avril), voilà un combo qui va augmenter le nombre de jurys (thèse + mémoire) des rares universitaires de médecine générale, qui vont déjà devoir gérer un doublement du nombre de demi-journées de formation des étudiants.
Est-ce vraiment bien réfléchi pour notre spécialité ?