Blog Archives

Les visites à domicile

Il y a eu une petite discussion récemment sur Twitter quant aux visites à domicile. C’est souvent difficile d’argumenter en 140 caractères un point de vue ou un autre, et je trouve les deux assez valables et intéressants. Je ne fais que retranscrire quelques idées pour donner mon point de vue à chaque fois. Ca vaut ce que ça vaut mais – eh ! – c’est chez moi ici, je raconte ce que j’ai envie ! 😉

« Il n’y a pas beaucoup de visites justifiées. »

« Dans certaines régions, le taux de visite à domicile est très faible et les patients ne s’en portent pas plus mal. » 

« Les familles préfèrent que le médecin vienne plutôt de déplacer le patient. »

 

Tout dépend ce qu’on entend par « justifié ».

Nous sommes tous d’accord pour les patients alités (on ne va pas faire déplacer le lit médicalisé au cabinet). Nous sommes sûrement déjà en désaccord avec les fauteuils roulants…

Du coup, j’ai refait le point sur mes dernières visites :

  • un patient de 70 ans sévèrement dénutri, qui passe au mieux 6 heures dans la journée au fauteuil et est peu déplaçable → visite indispensable
  • un patient de 70 ans qui a une maladie de Parkinson et ne marche pas plus de 50 mètres en extérieur → visite (quasi) indispensable
  • une patiente qui a une pathologie neurologique lui limitant très fortement les sorties → visite (quasi) indispensable
  • une patiente de 80 ans, veuve, qui ne se déplace plus beaucoup (a annulé ses sorties en cérémonies familiales récemment…) ; elle peut venir, mais avec l’aide de ses enfants, et préfère me recevoir seul que s’ajouter une « dépendance » familiale pour avoir un accès au médecin, je crois → visite utile (+ simple en moyenne)
  • une patiente de 80 ans, qui marche également très peu en extérieur ; dans l’absolu, une consultation au cabinet est possible mais assez compliquée pour la fille de la patiente → visite utile (+ simple en moyenne)
  • une patiente de 80 ans, qui pourrait être conduite par son mari au cabinet ; elle a une maladie d’Alzheimer, et mes visites sont une sorte de « diminution de la charge de l’aidant »… → visite utile (+ simple en moyenne)
  • une petite fille de 1 an pour rhinite ; la mère est nourrice et sortir implique de laisser 2 enfants seuls ou embarquer toute la « smala » 😉 → visite évitable, de confort pour les enfants
  • une patiente de 90 ans, qui préfère que je la vois en visite en raison de son arthrose importante (même si elle arrive à aller à la pharmacie à pied), des aléas de la météo, des rendez-vous (infirmiers pour la toilette, etc.) → visite évitable, de confort à 90 ans… 
  • un enfant de 5 ans pour une éruption cutanée : je ne pouvais le voir que le matin entre 2 visites, c’était compliqué pour les parents de l’amener l’après-midi… Bref → visite évitable (arrangement de planning médecin-patient)
  • un patient pour une bronchite : pas trop de raison en dehors de l’envie de rester à la maison → visite évitable (mais appel pendant mes visites, donc j’ai accepté sans discuter) 
  • une patiente pour une contracture de trapèze, de l’anxiété et 5 étages sans ascenseur ; a priori pas envie de sortir…  → visite évitable (idem !)

Au total, j’ai 25 % des visites qui sont « obligatoires » (on peut toujours refuser, mais dans ce cas, ça signifie juste de rediriger ces patients vers d’autres médecins), 25 % qui sont « utiles » (surtout pour éviter de surcharger un aidant déjà très sollicité, ou pour permettre au patient d’avoir un accès aux soins sans avoir à dépendre de quelqu’un), 25 % qui sont du confort (éviter un déplacement d’enfants, personnes âgées à mobilité réduite…) et 25 % qui sont parfaitement évitables.

Mon seuil de justification est assez bas ; pour moi, à part les 3 dernières, 75 % de mes visites étaient « justifiées » (et toutes ont été cotées en justifié en fait).

Mais je comprends parfaitement qu’on puisse n’accepter que les premiers 25 %, et qu’une région puisse avoir un faible taux de visite (sans que ça n’empiète sur la qualité globale des soins). Beaucoup de mes visites sont là parce que je trouve que mon embêtement est inférieur à celui du patient/de sa famille, et que la « moyenne » est donc en faveur d’une visite. C’est du confort, du bien-être… mais le bien-être est aussi partie intégrante de la santé selon l’OMS 😉

« Il n’y a pas assez de temps médecin pour le transformer en temps chauffeur ».

Bien sûr, la principale limite c’est celle-là ! Le planning n’est pas extensible et une visite est plus chronophage qu’une consultation ; si la famille se charge du transport, le médecin peut voir davantage de patients.

Néanmoins, si on part du principe qu’on a quelques visites « obligatoires » par semaine, il y a déjà un peu de temps chauffeur, et il est donc possible d’en profiter pour aller faire d’autres visites sans que le temps « chauffeur » ne soit trop important… Ca a été le cas pour ma part à un moment : j’avais parfois des visites entrecoupées de consultation au cabinet, ce qui est évidemment une plaie (il faut être à l’heure au cabinet, et bien estimer les durées de visites…)

Dans cette optique, j’ai récemment modifié mon planning pour regrouper mes visites (programmées) sur 2 matinées. Ca me convient assez bien : il s’agit de journées où mon début de consultation n’est pas fixe (je prends un train le matin ces jours-là et donc je peux avoir du retard), et si j’ai peu de visites ça m’oblige à libérer du temps pour les à-côtés du cabinet (trier des scans, classer des courriers en attente, faire de la comptabilité…) [il me semble assez intéressant de se pencher une fois ou deux par an sur son planning pour essayer de trouver des changements susceptibles de l’améliorer d’ailleurs].

Bon, donc ce temps chauffeur a tout intérêt à être optimisé pour garder assez de temps médecin. Des visites oui, mais organisées au maximum !

« En visite, c’est de la médecine au rabais : pas d’ordinateur, pas d’échographe, pas d’internet… »

En visite comme au cabinet, je travaille sur le même ordinateur portable, et j’ai internet partout avec le FreeWifi ou à défaut ma 3G de smartphone (j’exerce en milieu urbain, et je n’ai pas encore la 4G. N’oubliez pas de cliquer sur le bouton « Donate » en repartant, merci). En fonction des visites, j’embarque régulièrement mon ECG portable (le même qu’au cabinet). Je ne fais pas d’échographie – ni au cabinet.

Bref, à l’exception de l’imprimante-scanner, j’ai le même petit matériel au cabinet qu’en visite.

L’interrogatoire est donc le même, et on sait bien que près de 9 fois sur 10, c’est ça qui donne le diagnostic. L’examen physique est globalement le même, en dehors des sous-types d’examen nécessitant que le patient soit allongé. Pour l’examen abdominal, en général, n’importe quel canapé fait l’affaire. Le plus gênant, ce sont les tests ORL pour les vertiges positionnels et les examens rhumatologiques plus poussés que je ne sais le faire…

Donc je ne suis pas en accord avec cette proposition chez moi (dans mon canton, j’insiste – c’est différent au milieu de fermes du Larzac sans aucun doute !) Je trouve même assez intéressant d’aller en visite pour mieux comprendre le milieu de vie, l’entourage, les risques de chute, la personnalité du patient parfois, et vérifier les médicaments de temps en temps…

Voilà. Je dis rarement non aux visites parce que j’estime que c’est un service utile (parfois médicalement, parfois socialement…). On est parfois dans le même domaine que « l’aide à l’aidant » (décharger une famille fortement sollicitée, ou un parent avec beaucoup d’enfants à charge) ou de « l’accessibilité PMR » (un accès aux soins au maximum de la population, sans dépendance à quelqu’un pour avoir accès à ces soins). J’essaie de cumuler les visites pour éviter qu’elles ne s’insinuent partout et chaque jour, et je trouve que 2 demi-journées (+ 1-2 visites non programmées de temps en temps) est un temps consacré raisonnable ; lorsque j’ai peu de visites, je peux même m’occuper de mon cabinet – ce qui n’est pas un luxe !

En conclusion, il y a des médecins qui font des visites à la pelle, d’autres qui en font peu, voire pas du tout, certains qui font des consultations libres, d’autres sur rendez-vous, certains qui font 50 actes de 10 minutes et d’autres qui en font 15 de 30 minutes, etc. etc. Nous avons tous nos affinités et nos modes d’exercice : gardons au maximum cette liberté ! C’est bon pour nous (d’exercer comme on le souhaite), et c’est bon pour les patients (d’avoir plusieurs types d’exercice proposés). Tant pis pour le paiement à l’acte qui favorise le nombre important d’actes : on vit très bien en ne faisant que 15 consultations par jour, merci.

Peut-être que quand j’aurai une patientèle 4 fois plus importante j’aurai un autre avis sur les visites… Ce billet est donc là pour me rappeler ce que je pensais en octobre 2016 😉 (Ne cherchez plus le bouton « Donate » au fait.)

Loading spinner

Saharassemblée de #PrivésDeMG

Profitez de la double lecture du titre car ceci n’est pas un post très drôle. Mais je me rattraperai…

Nous sommes en 2017, vous habitez une petite ville sympathique, qu’on pourrait qualifier de rurale. Votre enfant de 2 ans fait de la fièvre à 39°C et tousse.

Vous êtes content car vous n’avez plus à avancer le prix de la consultation des médecins généralistes (c’est toujours la Sécu et votre mutuelle qui paient bien sûr). Seul problème, il n’y a pas de médecin généraliste à moins de 10 km, le dernier étant parti à la retraite (le creux du nombre de médecin arrive dans la décennie et nous n’y pouvons rien, la faute revenant à un numerus clausus trop bas, remonté trop tard). Les candidats à la Présidence de la République 2017 font de cette désertification un point important de leurs promesses, mais en attendant, votre enfant n’est pas bien et il faut faire quelque chose.

Cinq options s’offrent à vous (nous sommes très portés sur le QCM en médecine) :

A – A 10 km, la Maison Médicale vous attend les bras ouverts, avec une équipe de médecins, d’autres spécialistes et de para-médicaux. Il y a des universitaires, la maison accueille des internes, qui font également quelques remplacements. Un créneau horaire sera possible dans la journée pour votre enfant.

B – Le médecin accepte de vous recevoir aujourd’hui. Vous serez la 42ème consultation de l’après-midi, et vous savez que ça durera quatre minutes au maximum. Tant pis, pourvu que Dingo fasse bien son job (c’est son surnom, en double hommage à l’animal du désert et celui de Walt Disney). Vous parlerez des vaccins lors de la prochaine consultation avec le pédiatre qui exerce à 40 km de là.

C – Le médecin exerce avec un collègue, mais ils sont débordés pour les 2 jours à venir. « Vous pouvez passer mercredi à 19h ; si ça ne va pas avant, allez à l’hôpital ou appelez le 15 » vous dit la secrétaire.

D – Le médecin ne prend plus de nouveaux patients depuis deux ans. Comme pour tous les autres problèmes de santé de votre enfant, vous passez aux urgences pédiatriques, à l’hôpital à 40 km de chez vous. Oh, vous savez bien que ça coûte 26€ de plus que le prix normal de la consultation (majoré à 24€ en 2016), et que vous creusez le trou de la Sécu à grands coups de pelle, mais qu’y pouvez-vous, à la fin ?

E – Le médecin, vous ne le connaissez pas. C’est le huitième à avoir repris le cabinet en deux ans. A chaque fois, ce sont des jeunes forcés à s’installer ici, qui finissent par en avoir ras-le-bol de n’avoir ni cinéma, ni école, ni boulangerie à proximité, et dévissent alors leurs plaques. Ils partent exercer à l’hôpital ou en clinique, afin d’échapper aux deux années d’Obligation d’Installation en Milieu Médicalement Désertifié. Pas étonnant que le « désert » médical s’étende encore et encore…

Read more »

Loading spinner

« Twittorat » : Twitter comme outil d’aide diagnostique

Petit article privé sur Twitter… J’en reparlerai à l’occasion ; je vous laisse en débattre si ça vous chante 😉

 

Thème : Recherche et compétence réflexive (apprendre, soigner, réfléchir, se questionner, chercher)

CONTEXTE. Twitter est un outil de microblogging apparu en 2006, utilisé comme réseau social par 200 millions de personnes. Plus de 600 médecins francophones de différentes spécialités y partagent leurs expériences ; certains s’interrogent mutuellement avec le mot-dièse #DocsTocToc.

OBJECTIF. Evaluer la pertinence des échanges sur Twitter entre médecins français.

METHODE. Etude épidémiologique descriptive prospective sur trois semaines, entre le 15 juillet et le 4 août 2013 inclus. Tous les tweets utilisant le hashtag #DocsTocToc ont été inclus. Le type de question et l’auteur ont été relevés. La réponse pouvait être absente, non consensuelle ou consensuelle entre les intervenants. Une réponse était consensuelle si elle comportait une référence ou était partagée par deux intervenants sans avis opposé.

RESULTATS. Trente-quatre médecins ont publié 63 tweets avec le mot-dièse #DocsTocToc (maximum : 8 tweets) : 20 (31,7%) ont concerné un avis thérapeutique, 19 (30,3%) un avis diagnostique, 12 (19%) un avis administratif, 6 (9,5%) une recherche de source bibliographique, 6 (9,5%) des sondages et annonces. Les médecins ont proposé une réponse consensuelle pour 35 tweets (55,6%), non consensuelle pour 21 (33,3%) ; ils n’ont pas répondu à 5 questions (8%).

CONCLUSION. Sur Twitter, les médecins s’entraident : leurs questions ont trouvé une réponse dans 92% des cas. Les forces et faiblesses de cet outil pourraient servir à construire une télémédecine efficace.

Loading spinner

Faites médecine générale dans le Nord

Bon, voilà. Je devais avancer ma thèse. M’épanouir dans diverses activités. Et puis j’ai lu le communiqué de presse de l’AIMGL du jour.

Dedans, j’y lis que l’Association des Internes de Médecine Générale de Lille « ne peut plus décemment recommander aux étudiants ayant passé les ECN de venir faire leur internat (de médecine générale) à Lille ».

Hein ?

Il faut y lire quoi dans cette phrase ?

Que nous sommes malheureux, opprimés ? Mon internat se passe très bien, je vous remercie. Je considère l’internat de médecine générale comme l’un des plus intéressants qui soit. J’ai survécu à mon stage d’urgences, j’ai aimé mon stage au CHU, j’ai adoré mon stage chez le praticien, j’apprécie mon stage de gynéco-pédiatrie. Deux années au poil. J’ai rencontré des patients, des médecins, des internes, des externes et des équipes médico-paramédicales géniaux (sans faire de démago, vraiment, j’ai plutôt de bons souvenirs de mon internat en cours). J’ai pu co-publier un article, j’ai donné des conférences auprès de la fac : on a fait pire, comme interne opprimé.

Read more »

Loading spinner

Mise au point : asthme, du diagnostic au traitement en médecine générale

Recherche du 7 avril 2013. Une visualisation des Vidal Recos est très utile dans l’asthme, à mon avis.

ASTHME : DIAGNOSTIC, TRAITEMENT (dont galénique)

Rejoins-moi. J'ai des stocks de Ventoline.

Rejoins-moi. J’ai des stocks de Ventoline.

1. Epidémiologie

L’asthme est une maladie fréquente (prévalence environ de 10% à 5 ans, 7% chez les adultes jeunes, 5% entre 30 et 70 ans, avec un gradient Ouest-Est, et en augmentation constante), potentiellement mortelle (1 / 3000 asthmatiques), et mal contrôlée (41,5% en France, 56% dans le Nord-Pas-de-Calais).

2. Définition(1)

Trois éléments sont importants :

  • maladie inflammatoire chronique des voies aériennes (mastocytes, éosinophiles, lymphocytes T) : non mesurable actuellement (mesure de NO dans l’air corrélé avec l’éosinophilie bronchique, en cours d’évaluation)

  • entraînant des épisodes récidivants d’essoufflement, d’oppression thoracique et de toux (à l’effort, la nuit, au petit matin) chez des personnes prédisposées : clinique

  • par obstruction bronchique d’intensité variable et réversible sous traitement : EFR

La physiopathologie implique :

  • une prédisposition génétique (10% chez l’enfant, 25% en cas d’asthme monoparental, 50% si asthme biparental) plurigénique

  • une inflammation bronchique Th2 (PNEo, LT), associée à des anomalies de paroi bronchique (hyperperméabilité, contractilité exagérée du muscle lisse, desquamation épithéliale) et une action du système nerveux autonome (extravasation plasmatique, vasodilatation)

Un asthme aigu grave correspond à deux situations de détresse respiratoire aiguë :

  • état de mal asthmatique (installation progressive, négligence des signes de gravité)

  • crise d’asthme brutale et d’emblée sévère (bronchospasme, risque de décès brutal)

3. Examen clinique

L’interrogatoire recherche les antécédents personnels et familiaux d’asthme ou d’atopie, un RGO, un tabagisme, un traitement par bêta-bloquants.

Read more »

Loading spinner